C’est difficile d’en parler – on ne fait pas spécialement partie de ce genre de dispositif – mas quand même, il y a là des enfants, des adultes presque encore adolescents puis des adultes, des salariés fonctionnaires, des férus de l’économie informelle (que dit-on de cette qualification ?), et puis pas mal de gens qui ne désireraient que vivre en paix. Notamment des femmes : on en parle que peu, mais elles sont là (les mères des « microbes » (les plus jeunes) comme celles des flics, baceux ou autres).
Il s’agit sans doute plus d’un film d’hommes, bien que la loi soit incarnée, en son autorité, par une femme
(Jeanne Balibar, tellement convaincante) : la commissaire qui connaît son personnel. On ne la croise qu’au début. Un film d’hommes…
La vie est compliquée quand on a la peau de couleur autre que ladite « blanche ». Surtout en banlieue…
Le jeune type immédiatement à gauche est celui par qui le scandale arrive (Issa) : dans le carton qu’il porte à l’image se trouve un lionceau prénommé Johnny par son père adoptif, un circassien qui veut retrouver son ouaille – ici de dos
. Face à lui, Chris ( Alexis Manenti, co-scénariste) chef de la petite brigade qui officie ce jour-là (la tragédie, peut-être, en unité de lieu, de temps et d’espace se joue et se noue ici). Le Chris en question est assez sûr de sa force et de sa représentation : il incarne la loi
avant celle promulguée par les frères musulmans (nommés ici « Muz » sans doute pour les faire apparaître moins prosélytes – mais ils le sont, et fortement).
Le Chris en question fait régner une espèce de terreur dans « son » quartier
où arrive Stéphane (en arrière plan, avec son brassard : Stéphane (Damien Bonnard, parfait)) – ce dernier est là pour apprendre, sans doute, mais se trouve confronté à la bêtise crasse de son supérieur, laquelle bêtise
ne tardera pas à se retourner contre son auteur. Course poursuite
dérapage
bavure – les ingrédients réunis – on ne saura pas comment se dénoue l’histoire, mais cela n’importe pas. Une bavure oui : mais filmée
par le drone de ce jeune type à lunettes, là (Al-Hassan Ly adorable mais malheureux – il ne serait pas improbable qu’il y ait là quelque accointance avec le réalisateur – mais je n’en sais rien). En tout cas, il filme, enregistre, conserve et mémorise. Tout est là.
Dans le dossier de presse, le réalisateur indique qu’il filmait tout dans son jeune âge (il ne disposait pas de drone, non, mais filmait) – pour documenter les actions de la police (ainsi que le faisait, dans La Cordillère des songes, Pablo Salas – pratique du cop-watching) : ce sont les armes des pauvres, du peuple, des malheureux, des dominés.
On approche de la fin : le jeune Issa (interprété par Issa Perica) voleur (emprunteur) de lionceau sera repris, mutilé, humilié. On n’en parlera plus : la carte mémoire où figure le film impliquant la police dans cette bavure sera (probablement) détruite
par Gwada (Djebril Zonga) – on n’en devrait plus parler. Les affaires continueraient ainsi que la police qui continuerait ses rondes ordinaires
et tout rentrerait dans cette espèce d’ordre auquel on est (plus ou moins) habitués… Sauf que non
Dans ce film coup de poing, ces misérables-là se vengent…
Les Misérables, un film de Ladj Ly (2019) prix du jury au festival de Cannes cette année.