Carte postale du jury

 

 

 

 

j’avais l’idée d’une autre chose, mais c’est l’actualité (de laquelle on se gausse comme de notre première quenotte) qui domine la semaine journée (hier 17 mai, en ouverture, le discours)  quinzaine (c’est Cannes) – le président du jury (nommé fraîchement d’ailleurs) (on ne sait plus rien avec ces affaires d’épidémie, pandémie, max pax taxes – on ne sait plus rien prévoir) (le monde est quand même bien fait t’inquiète) a discouru – mis ses lunettes aux verres légèrement teintés – il portait un smoking aux revers pointus (pas très seyant si tu veux mon avis – c’est sans image de lui désolé) (mais enfin tout le monde (?) le connaît, je subodore) cravate noire – le voilà allez

OSEF aussi – mais le discours m’a plu – les images qui suivent sont les plans de coupe (on entend Vinz parler en voix off – on dit – il y a aussi des plans de loin, pour capter l’attention du téléspectateur – parce que la télévision a besoin de capter l’attention du téléspectateur (tu te souviens de l’ordure qui parlait (dieu ait son âme) du « TDCD » – fuck off) c’est de la télé (à éviter c’est pour ça que j’en mets un peu ici, on n’en voit jamais nonplus) (vaut mieux éviter, ça n’embaume guère) – les plans ne peuvent durer plus de quatre ou cinq secondes – ceux sur lui un peu plus – il y avait (c’est sans image non plus) Virginie Efira (ex de la télé) qui faisait la potiche (désolé) cette tristesse de mise en scène c’est à pleurer – c’est la tradition (et le discours en était aussi empreint) il y avait donc plusieurs sortes de respiration : on avait droit donc au discoureur président du jury – donc bon – à d’autres plus larges où le président présidant préside comme de juste et parle et la potiche acquiesce – aux plans large de la salle amphithéâtre où ça devait être deux ou trois mille pékins

(plan à la grue tsais)

tous plus ou moins achalandés en robes de couleurs strass vrais diamants ou smokings du même métal (l’année dernière Spike Lee (président d’alors) en avait revêtu un rose – on fait ce qu’on peut) (Ladj Ly noir de peau comme on sait porte un smoking blanc) et aux images dans un ordre peu chronologique (on doit à la vérité de dire que l’affaire est réalisée en direct – comme dans un match de foot) (c’est sur un chaîne de « service public » (ça ne veut plus rien dire) elle se nomme deux – la chaîne payante a cessé de se faire braire à financer ce genre de rigolade j’ai l’impression)

Et donc ici les plans – du jury long métrage – il y a d’autres sections, et il y a des marchés et il y a des présentations et il y a trois ou quatre mille journalistes accrédités – des chambres d’hôtels à 500 minimum la nuit – des repas à 100 – pas pour n’importe qui – la populace regarde passer les véhicules sportifs mais utilitaires derrière des barrières – on laisse ce monde travailler – le tout est sponsorisé afin de réduire les impôts – il y a certainement un budget qu’il faudrait regarder pour se rendre compte – c’est le cinéma – la crème au moindre film valant son petit million – bienvenue dans le Var – c’est en Provence Alpes Côte d’Azur – on peut venir en avion, par Nice) (cool))

  1. Les membres dudit

large

(les sièges sont en or – celui du président est vide – je t’explique : quatre femmes actrices pour six hommes (un acteur, cinq réalisateurs) – l’honneur paritaire est (presque) sauf) (cependant sur cette image-ci (elle est d’avant hier – repas à la cantine du soir)

qui lève le bras, gauche cadre le délégué général Frémaux) (jury dans son jus – débraillé – enfin détendu, soyons charitable) (qui manque-t-il ? l’une des deux en robe blanche – je pense l’actrice italienne Noomi Rapace)

ou rapprochés

ici l’actrice Jasmine Trinca

là l’actrice Deepika Padukone

et là le réalisateur Ladj Ly (neupape noire chemise noire) (c’est con on voit pas Ashgar Faradi cravate blanche sur chemise blanche j’ai l’impression) 

ici l’actrice Rebecca Hall

2. les membres du public

large

ou rapprochés (pour la palme d’honneur, Forest Whitaker)

ou pour j’en sais rien

est-ce tout ? encore un

 

non c’est juste pour dire – je ne reconnais que quelques visages et puis on s’en fout un peu – le cinéma n’a pas vocation à révéler les vrais visages des vraies personnes non plus – d’ailleurs, qui sait si ça peut exister ? – et d’ailleurs encore, quelle est la vocation du cinéma et en a-t-il seulement une autre que celle de brasser des affaires ? – c’est trop d’honneur pour cette industrie qui ne demande qu’à briller – elle brille, elle brille

Je pose ça là – je retourne au cinéma voir des vrais films

 

 

Issa, le lionceau, Chris et les autres

 

 

 

 

C’est difficile d’en parler – on ne fait pas spécialement partie de ce genre de dispositif – mas quand même, il y a là des enfants, des adultes presque encore adolescents puis des adultes, des salariés fonctionnaires, des férus de l’économie informelle (que dit-on de cette qualification ?), et puis pas mal de gens qui ne désireraient que vivre en paix. Notamment des femmes : on en parle que peu, mais elles sont là (les mères des « microbes » (les plus jeunes) comme celles des flics, baceux ou autres).

Il s’agit sans doute plus d’un film d’hommes, bien que la loi soit incarnée, en son autorité, par une femme

(Jeanne Balibar, tellement convaincante) : la commissaire qui connaît son personnel. On ne la croise qu’au début. Un film d’hommes…

La vie est compliquée quand on a la peau de couleur autre que ladite « blanche ». Surtout en banlieue…

Le jeune type immédiatement à gauche est celui par qui le scandale arrive (Issa) : dans le carton qu’il porte à l’image se trouve un lionceau prénommé Johnny par son père adoptif, un circassien qui veut retrouver son ouaille – ici de dos

. Face à lui, Chris ( Alexis Manenti, co-scénariste) chef de la petite brigade qui officie ce jour-là (la tragédie, peut-être, en unité de lieu, de temps et d’espace se joue et se noue ici). Le Chris en question est assez sûr de sa force et de sa représentation : il incarne la loi

avant celle promulguée par les frères musulmans (nommés ici « Muz » sans doute pour les faire apparaître moins prosélytes – mais ils le sont, et fortement).

Le Chris en question fait régner une espèce de terreur dans « son » quartier

où arrive Stéphane (en arrière plan, avec son brassard : Stéphane (Damien Bonnard, parfait)) – ce dernier est là pour apprendre, sans doute, mais se trouve confronté à la bêtise crasse de son supérieur, laquelle bêtise

ne tardera pas à se retourner contre son auteur. Course poursuite

dérapage

bavure – les ingrédients réunis – on ne saura pas comment se dénoue l’histoire, mais cela n’importe pas. Une bavure oui : mais filmée

 

par le drone de ce jeune type à lunettes, là (Al-Hassan Ly adorable mais malheureux – il ne serait pas improbable qu’il y ait là quelque  accointance avec le réalisateur – mais je n’en sais rien). En tout cas, il filme, enregistre, conserve et mémorise. Tout est là.

Dans le dossier de presse, le réalisateur indique qu’il filmait tout dans son jeune âge (il ne disposait pas de drone, non, mais filmait) – pour documenter les actions de la police (ainsi que le faisait, dans La Cordillère des songes, Pablo Salas – pratique du cop-watching) : ce sont les armes des pauvres, du peuple, des malheureux, des dominés.

On approche de la fin : le jeune Issa (interprété par Issa Perica) voleur (emprunteur) de lionceau sera repris, mutilé, humilié. On n’en parlera plus : la carte mémoire où figure le film impliquant la police dans cette bavure sera (probablement) détruite

par Gwada (Djebril Zonga) – on n’en devrait plus parler. Les affaires continueraient ainsi que la police qui continuerait ses rondes ordinaires

et tout rentrerait dans cette espèce d’ordre auquel on est (plus ou moins) habitués… Sauf que non

Dans ce film coup de poing, ces misérables-là se vengent…

 

Les Misérables, un film de Ladj Ly (2019) prix du jury au festival de Cannes cette année.