Le plus beau de tous les temps

Un chiffre, et quoi d’autre ?

Ca se range, ça, un chiffre ?  (il y a comme une obsession dans cette maison, par rapport au rangement : chaque chose à sa place, et chaque place a sa chose, dit le proverbe) (est-ce bien un proverbe ? je ne sais plus) Un chiffre, jt’en ficherai moi…

Une adresse, ça pourrait tu vois aussi, mais là : on peut encore se contenter de bis, ter ou encore mais demi, non, jamais.

Tant pis.

Quelle idée aussi (je sais bien d’où elle vient, va, encore cet esprit -peut-on vraiment parler d’esprit pour ce type-là ?-  cet esprit dis-je, embrumé par des fantasmes à n’en plus finir, tu sais bien, ces histoires de poitrines proéminentes, de hanches épatées, de fesses arrondies énormes, ces sourires maquillés, ces femmes, toutes ces femmes, outrées, fardées, rieuses ou pleurant, tu sais bien (ici Claudia, qui jouait aussi dans « Le Guépard » – même année, 1963, tu vois bien-

claudia

mais là, elle sourit, elle conduit une petite voiture allemande, il est à côté d’elle et lui a promis une rôle, si je me souviens – tiens j’ai une photo de lui, je vais la chercher

frederico mimant

la voilà, elle est dans le journal comme on voit (la lumière c’est le flash juste sur son prénom), il mime sans doute pour l’un de ses acteurs favoris

Marcello otto e mezzo 2

le chapeau, les lunettes, l’écharpe et le sourire, le jardin des statues) non, mais quelle idée, et puis finalement, je me souviens de lui dans sa salle de bains, aussi

Frédérico2

il a gardé son chapeau, tandis qu’en dessous, on aperçoit cette Gelsomina qui fait de la main un signe (on le revoit tout à l’heure, en contrechamp), Zampano ou Snaporaz, des noms, des surnoms, paparazzo ou Rimini, la mer d’huile et de plastique d’Amarcord, le mollet de la botte, les chemises rouges de Garibaldi (non, lui n’aime pas vraiment ces histoires-là, cette histoire aussi bien) des chambres d’hôtels, oui, des maisons en tissu sur la plage, peut-être, du vent, les vagues, l’Italie – mais cette maison, là, dans une sorte de minuscule jardin, ces pièces intérieures, le monde qui entre, visite, juge, moues dégoûtées et rires frelatés, à vendre, ce sera « chez vous », entrez,  entrez – le numéro de la rue, le nom, la ville, et la plage, c’est loin ? non, vraiment, non, et la dernière scène du film, celle où à chaque vision, moi, je pleure, je ne sais pourquoi, le type est un monsieur Loyal

loyal

c’est un homme fardé de blanc (jl’adore) (tout à l’heure, il se préparait, croisait les doigts au passage de Marcello, lui disait : « Ciao..!! Buona fortuna..!!! »), voilà tout, et c’est parce que il y a cette musique (Nino Rotta), c’est parce que on sent bien que la fin arrive, on a monté l’échafaudage

échafaudage

dans l’hystérie, les journalistes, les autres, il plonge sous la table, Marcello, dans sa poche, il s’allonge et tout disparaît, survient Luisa

anouk 2

Claudia tourne le dos

anouk 1

Anouk Aimée si fine légère formidable

anouk 3

cette femme-là, c’est pas compliqué, je l’adore (« je peux essayer, dit-elle, si tu m’aides… »)

anouk 4

tout sauf la musique qui est là, une fanfare (elle n’est pas au point, ce sont des clowns, oui)

fanfare

le petit môme en blanc, qui joue de la flute, là, on commence à ouvrir le rideau blanc

ouvrir le rideau

et que descende la foule

la descente

(« riez, parlez, bavardez… ») et que batte la musique, et que passe le monde en blanc

son père et sa mère

ces deux vieillards, la mère et le père, là, il leur dit bonjour, au revoir, adieu qui peut savoir

au revoir aux parents

regarde au fond du plan, cette présence de la foule qui est là, sans le dire, sur l’estrade ronde, et mettre en place

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prendre la main de Luisa, l’emmener

danse 2

si elles sont bougées, c’est que la danse est là

danse 3

ils la rejoignennt, la farandole, tournent les danseurs, les acteurs, les personnages

danse 4

il faut que ça se termine, tu sais, un film, une danse

danse 5

dans un magnifique contrechamp peut-être, une musique tellement belle, on fond, je te jure,  quelques larmes de joie, le monde tel qu’il est, ainsi jusqu’à la nuit, « le monde est un joyau sans meurtre ni misère », une vraie histoire vraie, celle d’un homme qui n’a rien à dire, mais vraiment félicitations maestro, alors oui, l’un des plus beaux de tous les temps, oui, huit et demi

 

Lézard

Et cette lézarde intérieure répond à une lézarde extérieure, sans doute parce que les maisons-témoins sont ainsi construites un peu vite pour ne pas durer aussi longtemps que la promesse vendue, et dans cette lézarde extérieure vit un lézard qui sort quand il le désire au soleil, sur un pan de mur lézardé inaccessible aux visiteurs, parce qu’il y a le grillage qui sépare du lot d’à-côté qui appartient au vendeur de piscines qui dresse ses piscines bleues et vides ouvertes vers le ciel et la rocade. Les visiteurs poseront sur leur terrain hypothétique ce mur-là un peu mieux qu’ici, ce mur lézardé là ils le poseront non-lézardé au même endroit qu’ici par rapport à la maison, puisqu’il est la maison, mais orienté autrement et en un lieu bien différent, bien loin d’ici, et sans lézard. Le lézard, lui reste là, caché derrière le grillage, les yeux plissés vers le bleu sec des piscines du voisin.