maison(s)idéale

 

 

Il faut bien qu’on revienne, évidemment, pas nécessairement par le cinéma (l’été ne se prête pas aux films, les cinéphiles ne bronzent pas, haves, yeux fatigués, barbes et rides, ils ne considèrent pas le commun des mortels, des spectateurs, comme des objets dignes de quelque foi, ils vont, ils errent (certains à Venise sur le lido, d’autres à Locarno du moins ceux dont les finances le permettent) en ville…)

J’ai tout à l’heure cherché un film (aujourd’hui, il fait trente cinq et le parisien -comme la parisienne – sue), mais il n’y avait rien à mon goût, mon entendement, mon envie peut-être.
J’ai regardé sur le bureau (j’ai comme sale habitude de laisser traîner des images sur le bureau (je les prends dans le téléphone, je les remets de face, et j’attends qu’elles veuillent bien se prêter à un quelconque exercice)).

Cet été, il a été question de jardinage (couper des branches trop abondantes sur le cerisier, tailler des haies, ranger un peu le garage), et de trouver du bois pour l’hiver (mais je n’y vais guère en hiver). Cet été, après les vacances, on a donc continué à aménager la maison idéale (elle n’est témoin qu’ici, il faut que les choses évoluent, qu’elles vivent et continuent à embellir).

On a posé des chaises en osier au coin de la salle dans l’idée de la maison d’Erétria.

maison idéale 1

Dehors s’ouvraient les roses à nouveau (en spécial dédicace à Maryse Hache)

maison idéale 2

Lentement sur le devant de la maison poussait encore de l’herbe, comme à l’accoutumée. Verte, puis jaunie. On s’est promené, à travers champ pour trouver une sorte de raccourci pour ne pas suivre la grande route, on s’est perdu, on s’est retrouvé… La maison, il la faudrait à la campagne, il lui faudrait être au milieu des champs qu’on moissonne, il faudrait aussi qu’il y fasse parfois un vent doux, on aurait la joie d’y boire un verre à l’ombre, on lirait tranquillement quelque livre (l’été fut Modiano, mais en Grèce), on écouterait voler les hirondelles et le soir venu passerait à très basse altitude quelque chauve-souris myope ou bigleuse, il ferait tard et soir et doux encore, tomberait la nuit, on aurait tenté d’oublier les horreurs et quotidiennes les guerres et ce mon de réel, doucement sous un ciel profond et bleu, il ferait bon savoir que demain se lèverait un nouveau et beau jour

maison idéale 3

 

Générique de fin

 

 

(ça dit parfois « vaut mieux être seul que mal accompagné », et c’est vrai, mais là, c’est la dernière de la saison) (elle reprendra sans doute, on peut l’espérer, dès la fin du mois prochain) (ça dit aussi « y’a pas que le cinéma dans la vie », mais parfois, c’est quand même très bien, comme aujourd’hui) (je n’ai pas pris de photos, j’en ai volé une ou deux, ici, là, voilà)

 

Il y a quelques mois, il y a eu dans un obscur amphithéâtre de la rue de l’école de médecine, une présentation de ces deux cinéastes enlevées à notre affection (notre grande affection, pour les deux) : Solveig Anspach et Chantal Akerman. Il me semble me souvenir (c’était en janvier, ce n’est pas si loin, mais les limbes s’épaississent, et bientôt les vacances, et les restes des objets meurent doucement avant d’être transformés en poussières) qu’il y avait là le scénariste de ce film, magnifique, amusant, drôle, limpide, profond, si original et tellement entraînant sur des voies sensibles et intelligentes.

La scène du début est formidable.

effet aquatique 1

c’est Agathe (Florence Loiret-Caille, toujours aussi attachante) qui envoie paître avec fracas un type qui veut lui offrir (peut-être) un travail et plus probablement son lit.

Une scène de comédie comme on les aime et on pense immédiatement à Ernst Lubitsch mais on se souvient de « Queen of Montreuil » (2013) en effet, et c’en est la suite. Agathe est veuve, elle travaille dans une piscine (Maurice Thorez, à Montreuil), elle représentera les maîtres-nageurs du coin au Colloque Mondial qui se tiendra en Islande. Elle y retrouvera Anna

l'effet aquatique 2

mais suivie par une sorte d’ombre (Samir Guesmi, le grutier raide dingue amoureux de cette nana-là : menteur, puis boum ! il oublie tout…)

l'effet aquatique 5

mais dès le générique de début

l'effet aquatique 4

qui est un film d’animation à lui tout seul, on se sent dans une ambiance tellement douce et drôle, sereine, quelque chose du calme et de la joie…

l'effet aquatique 3

Une merveille que « L’effet aquatique » dernier long métrage de Solveig Anspach qui apparaît encore dans le rôle d’une juge drôlatique… Sous ces traits-là…

l'effet aquatique 6 Solveig

Elle nous manquera, on ne l’oubliera pas.

 

Mardi soir sur la terre

 

(Qu’est-ce donc que cette maison, ce témoin, ce lieu ébouriffé mais sage, aussi bien pourrait-on poser ici quelque chose de l’atelier d’été pourquoi pas, réceptacle, billet de blog , pourquoi ici, quelle question toujours semblable, ici on reçoit, on entre en laissant à la porte toute illusion, comme dans un moulin, entre ici Jean Moulin, panthéon de quoi, roses posées sur les tombes tendues par des mains complaisantes, magie des images, des mots, des sens, qu’est-ce donc ? Au même moment, sensiblement, que ce qui va être ici rapporté se déroulait, à la porte d’entrée par l’Asie de ce continent-ci, un drame abominable mais réfléchi, ourdi, organisé : trois hommes préparaient leurs affaires, ils s’en allaient, sur eux pesaient la folie et les détonateurs, les armes et leurs munitions, bientôt quarante et un  quarante trois  cinq morts et deux cent cinquante blessés dans le hall d’un aéroport, de quelle idée maudite pouvaient-ils donc être animés ? Sur Paris, ce soir-là il faisait si beau, il faisait si doux et des hommes, tout comme nous, qui en avaient décidé, réalisant leur acte ignoble, montaient dans un taxi, complice ou pas, lequel roulerait bientôt vers cette espèce de gare, ultra-protégée nous dit-on, afin de tenter de tuer notre liberté. Sur ce monde-là. Détestables) 

 

La vie continue. Sur le boulevard (c’est celui de la Villette, c’est à Paris 19) on a restauré voilà quelques années (peut-être quinze) un lycée professionnel ( il se nommait Diderot, je crois qu’il en reste quelque chose au fronton – se servir de ce satané robot pour en savoir quelque chose, en garder quelque trace, regarder les images

école 3

on ne voit pas très bien, mais c’est comme dans le marbre mais là dans la pierre inscrit « lycée technique municipal Diderot« ) (on a du garder ça pour faire couleur locale quelque chose, je suppose), on dézoome, ça se présente comme ça depuis le boulevard (ENSAPB : école nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville, on est bien installé merci de l’accueil…)

école 2

de dessus, la cour en U et derrière le bâtiment du fond, un jardin aux trois arbres (platanes, il m’a semblé, essences d’ici je crois)

école architecture

on a conservé une cheminée, sans doute chauffage quelque chose qu’on aperçoit plus loin

école 4 cheminée

(en bas du cadre, deux des trois arbres du jardin) laquelle cheminée est encore visible de la rue (Burnouf en l’occurrence : l’indianiste ou le père philologue, enfin gens lettrés dix septième dix huitième siècle pour une rue dans le dix neuvième – traversez le boulevard, vous serez dans le dix, en même temps)

école 5 burnouf

auspices architecturaux, on entre, on monte au premier étage, une salle (open bar, des spectateurs et des performers : on doit à la vérité de dire que  l’entièreté du collectif L’aiR Nu – qui ces jours-ci lance un appel à dons chez ulule – était présent au grand complet puisque Mathilde Roux présentait des oeuvres – toujours magnifiques – en une sorte de dialogue avec d’autres d’Anaël Chadli – elles aussi…), puis Yves Boudier, à l’invitation de Cécile Portier (et l’inverse, certes), présentera la soirée titrée « Cartographie & Poésie, espaces de transformation »

marché de la poésie 1

ça commencera côté jardin, pour revenir dans cette salle plus tard. On part, on sort, on croise escaliers volumes verres et matériaux

marché de la poésie 2 escalier école

la lecture de Charles Robinson commence, elle est écrite sur des feuilles de papier, on écoute, sur les toits écoutent aussi les oiseaux

marché de la poésie 4 toit

presque informelle, lecture au milieu des auditeurs

marché de la poésie 3

puis dans le jardin, sous les arbres

marché de la poésie 5 robinson

cadre idyllique, entendre, écouter

marché de la poésie 6 batteur

un batteur improvise en écho, attention attentive

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lieu ouvert, presque public, on téléphone aussi

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lecture continue, drôle rare parfois crue cruelle acérée

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on rit, on applaudit, au sol dorment des galets

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et deux pièces de monnaie

marché 9 galets

on écoute, à la lecture, Anaël Chadli

marché de la poésie 11 anaël

oui, chacun se replace, s’assoit, il lit, une espèce de livre unique, prototype blanc marqué de petites plaquettes autocollantes et rouges (elles ont disparu à l’image)  lecture comme d’un journal citations

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jardin écoute saxophone

marché de la poésie sax 1

douceur de juin, fin de mois, de saison, écoles et examens (derrière les feuilles, le batteur est toujours là)

marché de la poésie Sax 2

et puis on rentrera, trois objets attendront

marché de la poésie 14 intérieur

Cécile Portier fera part, lisant sur son téléphone portable, d’une géographie assez personnelle probablement post troisième guerre, tectonique renversée, plaques chamboulées, mers décentrées

marché de la poésie 15 cécile portier

soutenue par des images au défilement programmé par Stéphane Gantelet, lequel continuera , sous les mots de Juliette Mezenc

marché de la poésie 16 juliette mézenc

qu’elle lit sur une tablette qui l’éclaire mais dans l’ombre (on ne fait que l’entrapercevoir)

marché de la poésie 17 stéphane gantelet

son acoustique faite d’images animées illustrant, espèce de jeu vidéo dans les roses, les verts, les ombres et les surexpositions, le fameux Brise-Lames…

On applaudit, on s’embrasse, je m’en vais, il est dix heures. Du soir du mardi vingt huit juin deux mille seize.

 

 

 

Immobile/nouveau décor

 

 

(dans tous les cas, cette maison restera le témoin de quelque chose que je ne m’explique pas : un journal de ciné, un autre des sorties, autre chose des lectures, on s’en fout – OSEF – certes, mais parfois, je me demande : où vais-je d’où viens-je en quel état ? c’est le passage des saisons, probablement, le parcours vers les jours qui raccourcissent, déjà entamé c’est à la vie comme à la mort, c’est la même chose continuer, avancer, tenter d’exister, de se tenir et d’observer) (par ailleurs, et – comme disait ma grand-mère – je l’aime toujours, elle se nommait Louise – je l’aime toujours – par ailleurs Dieu merci, bientôt les vacances – et cette année, tant pis, ce seront trois semaines, sans compter les suivantes, et donc nous verrons) (dans la série « il n’y a pas que le cinéma dans la vie »)

Ces murs blancs manquent singulièrement d’apprêt, ces maisons ne veulent pas donner l’impression de vivre, elles veulent simplement imprimer quelque chose dans l’imaginaire des visiteurs, afin de leur donner envie de les faire leur, c’est une façon de faire, parfois on consulte un plan, on regarde les annonces du journal du vendeur d’armes volantes, on essaye de trouver quelque chose, un toit, quelque chose, un lieu où poser ses toiles, ses couleurs son chevalet, et puis passent les jours et passent les semaines, ni temps passé ni les amours reviennent – la Seine, sous le pont, s’en va à l’Atlantique…

paul klee carnet

Mettons cette image, c’est le carnet de Nina Kandinsky (j’ouvre une parenthèse – coq à l’âne -dans ce renouvellement des décors de cette maison pour imposer ici cette image magnifique des manifestations contre la loi scélérate

rectangle blanc sur fond de bois

: demain on manifeste et on bouge putain) (j’ai fermé la parenthèse, mais demain, debout hein) et je continue à poser quelques clichés sur les murs des couleurs et des toiles de Paul Klee (ici un portrait en noir et blanc, évidemment fatalement j’en sais rien)

OK portrait de paul klee

début du siècle dernier, artiste au travail, couleurs magnifiques (« Eclair pétrifié »)

éclair pétrifié paul klee

ce ne sont pas des décors, évidemment (ici, « la belle jardinière« )

OK paul klee la belle jardinière

j’ai eu le livre catalogue de l’exposition en cadeau (merci tant merci)

OK paul klee projet

des merveilles (au dessus, « projet« ; en dessous « jouets« )

paul klee jouets

on s’arrête, on marche dans le couloir, un des couloirs (est-elle de plain pied ?) et l’image vous attrape (« Les jumeaux« )

paul klee jumeaux

il lui manque le point, c’est aussi pour (ne) donner (qu’) une idée (« Le ballet »)

paul klee ok le ballet

il ne s’agit pas tant d’habiller (« Port mondial« )

port mondial ok paul klee

que de donner à voir  des merveilles (« Famia« )

paul klee famia

les murs, les couloirs, les pièces, les chambres, les cabinets les réduits les cagibis, les lieux, les sorties les portes les entrées, les fenêtres sur la rue, le jardin, fermées ouvertes, sur le monde, dehors là-bas la paix

paul klee Diana

(« Diana ») (je ne suis pas sûr de la qualité des photos : je les aime bien, elles me sont chères, mais de quoi rends-je compte ici ? une visite d’une exposition ? un parcours du cinquième étage du musée ? Je ne sais pas, mais je crois que je meuble…)

L’amour, la plage

 

(tu sais quoi ? qu’est-ce que ça change que les deux torgnioles du haut de la hiérarchie de cet ectoplasme de pays interdisent de manifester ? ils se ridiculisent un peu plus, voilà tout. Après les propos obscènes rapprochant sans la moindre humanité bris de vitres et enfant orphelin, un troisième ajoute une couche supplémentaire à l’horreur… quelque chose monte, et ils ne le voient pas. Comme disait je ne sais plus qui « nous vivons une époque épique »… Mais il y a aussi le cinéma dans la vie) (je crains pour les vies, cependant et je pense toujours à Romain D. …) 

 

(en même temps, si on veut bien suivre, ce n’est pas parce que Beatrice Morandini Valdirana -alias VBT- dit dans le dialogue qu’on se trouve à Viareggio que c’est la vérité) (hein, en même temps)  Je me rends compte un peu, ça se passe par là (mode de vie, d’été des Italiens à la plage…)

viareggio 1

on est loin, mais c’est, comme dirait l’autre, assez graphique (c’est qui l’autre ?)

Viareggio 2

comme on voit, il en est des bleus, il en est des jaunes et des beiges

Viareggio 3

un certain nombre (c’est sans doute qu’il y a une certaine demande)(c’est bien rangé en tout cas)

Viareggio 4

c’est joli, c’est rigolo, mais pour ma part, je n’y vois pas de plaisir

Viareggio 5

enfin, le satellite a ses limites (on remarquera que je laisse le robot signer ses photos) (quand même : pourtant,c ette marque, quelle cataplasme…), et comme c’est l’été qui vient, même si le climat est complètement pourri (il en va de la météo,mais aussi d’une sorte d’odeur d’insurrection, vous ne trouvez pas ?), c’est la maison toute entière qui sera habitée : les héroïnes, deux femmes

Folles 3

la brune tatouée (sur son épaule gauche, le prénom de son fils Elia), Donatella (Micaela Ramazzotti, à la ville -comme on dit connement, puisque à la campagne c’est aussi vrai -passons passons- épouse du réalisateur -je vais mettre sa photo taleur, qu’on se rende compte), la blonde à l’ombrelle Beatrice (VBT) toutes deux pensionnaires d’une maison(s)psychiatrique italienne (les Italiens aiment leurs fous, on ne peut rien contre ça, ils ne les maltraitent pas, les abattent aussi de calmants sans doute, mais leur donnent une place adoucie dans le monde), toutes deux blessées par un monde cruel, tranchant, cynique, qui les a rendues (un peu) folles (pas mal quand même).

Or elles s’échappent de cet asile (c’est un joli mot, pourtant)

folles 1

on les voit ici courir vers le bus 63 (c’est un bus que j’aime à Paris, qui suit la Seine, le boulevard, qui va à la gare de Lyon), elles se prennent d’amitié dans une sorte de cavale sentimentale débridée, éhontée, si joyeuse et gaie, parfois, si terriblement profonde, enkystée, intérieure à d’autres moments

folles 2

(on voit au fond la petite auto qu’elles abandonnent à la fin du film), elles s’unissent, recherchent l’enfant de la brune, le retrouvent, le film continue, des chansons, du cinéma (on voit un tournage, un peu comme dans « La nuit américaine » (François Truffaut, 1973), où la mère de Beatrice – qui est à la ville (wtf?) la mère de VBT  – indique que sa fille est assez marginale, disons), mais enfin pas mal de plages, un peu de mer (où la brune tente de se tuer) (non, le film n’est pas si gai, on pleure, ça ne fait rien, le cinéma c’est aussi fait pour ça), beaucoup de soleil, de nature (humaine, vivante, sensible) et de campagne, le tout mis en scène par ce garçon-là (Paolo Virzi, je ne le connais pas, n’en tire aucune fierté – ce sentiment que je hais -, mais la photo l’avantage-t-elle ? je ne sais pas dire)

folle de joie 4

(alors, on peut aussi trouver qu’il est plus facile  pour Beatrice d’être ce qu’elle est puisqu’elle est riche, que ce qui peut se passer se passe aussi parce qu’elle est riche, que la problématique de la mère et du fils est cousue d’un fil tellement italien, épais et lourd – mais l’identité d’un film passe aussi par les stéréotypes qu’il dispose – que la narration et la mise en scène relèvent d’une sorte de classicisme bridé, peut-être, mais l’amour qui unit les deux héroïnes est une figure magnifique et montre, accessoirement, qu’elles ne sont pas si folles – en tout cas, deux rôles en or…) (j’agonis le gimmick de la distribution qui s’oblige à ne pas traduire le titre original « La pazza gioia » -la joie folle, la folle joie peut-être – pour lui préférer « Folles de joie« )

Arménie

 

 

Malgré ces tueries, ces meurtres abjectes, malgré le fond de l’air où on tue aussi bien symboliquement le code du travail, malgré ces « bonne humeur exigée » qu’on voit parfois fleurir, la honte qu’on ressent d’être une partie pourtant de ce monde où ne cesse de couler le sang, où toujours la haine et la mort vainquent, triomphent, paradent, malgré toute cette boue déversée, on ne va pas laisser prendre le pas et on va essayer de continuer quand même car de l’amour de la vie, jamais ils n’auront raison.

(Est-ce bien une cadence ? une fréquence ? en tous cas j’ai du mal à la tenir) (et vu que la programmation est, sensiblement quotidienne, vers vingt-deux heures vingt-deux, je pose ici ceci vers douze heures douze)

(J’essaye, il n’y a pas que le cinéma dans la vie , je sais bien, mais pourtant il faut peupler cette maison, de fantômes de goules ou de héros, ici l’un des contemporains – je ne sais plus, quelque chose de tragique chez cet acteur, je ne sais plus mais ça se voit dans l’image – ou alors je délire, c’est possible vu l’état de déliquescence dans lequel je me trouve, on n’est pas là pour faire un journal, mais on s’en fout aussi bien -OSEF disent-ils- puisqu’on est là pour parler film)

Il n’est pas complètement avéré que je parvienne à poser ce billet quelque part dans cette maison, on verra, n’importe où ? Non, en Arménie.

 

Le début, c’est un peu comme une tragédie, les choses lui arrivent et il n’y peut rien -le chauffeur de taxi s’enfuit, il passe une frontière, on entend au loin des rafales d’armes automatiques, le paysage est juste -on pourrait laisser tomber « somptueux » mais ce serait trop acidulé- merveilleux. Et puis l’histoire continue

celui 1

le voilà qui rencontre ce type sur son âne, il mime un voyage en avion, le type ne comprend rien mais comme il est messager, il va annoncer sa venue au village, et ça continue ça fonce, ça rit (c’est vraiment marrant), on l’accueille tel le messie puisque c’est ce qu’il est (la dimension biblique, conte, narration trop marrante aussi ), puis on lui prête des fringues

celui 2

(pas réussi à identifier le type sur la photo, mais je ne connais pas bien l’histoire de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, du Caucase enfin OSEF un peu quand même), on entend parler d’Aznavour (qui est né comme François Bon, si je ne m’abuse, un vingt deux mai – quatre-vingt-trois mars-trente ans plus tôt quand même…) (c’est à dire aussi que plus on ira et plus on sera à partager les mêmes dates anniversaire, nous autres les 7 à 10 milliards d’individus potentiels de cette planète imbécile et guerrière), il y a des chansons et de la bande dessinée (Tintin dans sa traduction caucasienne en son temple solaire), il y a de la mafia et de la politique, un prêtre, sa femme, son enfant, des selfies et des communication difficiles en haut des montagnes et de la traduction et des sentiments

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qui comme chacun sait, à leur heure, savent mentir (mais non, pas cette fois), un film simple et formidable, une histoire d’acteur (le type interprété par Patrick Chesnais, Jean-Paul Bolzec, si je ne m’abuse) (ici avec la traductrice) (c’est que j’écris la nuit, je dois consulter, croiser, regarder et parfois, j’en ai ma klaque) (j’ai oublié les italiques) un peu paumé, attendu mais paumé, et enfin qui s’y retrouve…

celui 3

Les images – extraites du film annonce et du site de la production Moby Dick films (qui m’entraîne vers une chanson de l’Affaire Luis Trio qui faisait seulement « mobilis in mobile ») au format bizarre -, ne rendent compte que très partiellement de la paisible gaieté profonde et sensible qui se diffuse et parvient à faire penser à un cinéma de vraie comédie (Lubitsch, Wilder et d’autres, peut-être Deville). Beaucoup aimé, mais je ne sais toujours pas où poser ce héros-là… Il me reste une photo, qui le montre avec ce joueur d’échecs (extra) qui lui dit : « Emmène-moi avec toi… » à la fin du film, alors voilà, on posera ça au jardin…

celui 4

 

Les pieds nus

 

 

 

C’est à peu près certain : il n’y a pas que le cinéma dans la vie (même si on y va, si on l’aime et qu’il ne cessera pas d’être présent dans cette maison – elle le vaut bien).

Cesaria 3

Il y a aussi la chanson et cette femme-là ne ressemble à personne. La force, l’intelligence et la grâce de l’amour et du plaisir de vivre, voilà ce qu’elle illustre.  Le florilège, ou les linéaments que je pratique régulièrement (sans doute parce que j’aime aimer les choses et les êtres aimables) indiquent pourtant une filiation, (une sororité, pédanterai-je peut-être), un témoin entre -par exemple, j’en aurais bien d’autres à donner- disons madame (Nina) Simone, madame (Simone) Signoret (bien qu’elle ne chantait point) et Cesaria Evora (et, donc Ava Gardner, cette Comtesse aux pieds Nus (Joseph Mankiewicz, 1954) fatalement…) (la prochaine fois, je le fais pour les types).

Cesaria 6

Je lis ce livre, une biographie, dont je pose ici un extrait, et dans les diverses pièces de cette maison on entendra la morna, on entendra peut-être une autre fois d’autres merveilles…

Femme libre, fille-mère, chanteuse, whisky cognac et plus rien du jour au lendemain, clope au bec et toujours fidèle à son île, sa maison, son fauteuil de skaï, toujours généreuse, riche de sa voix magnifique et de ses amitiés qui durent une vie…

Cesaria 7

Les bijoux qu’elle porte et les chaussures qu’elle délaisse, moi, j’adore… Elle, en entier, moi, je l’adore.

Cesaria 2

Tu sais quoi ? je suis né au bord de la mer, pas de l’océan, et ça change tout : cette musique-là, comme celle qu’on entend à Lisbonne, cette musique qui, comme le vent, les vagues, le ciel et le soleil est inépuisable, cette musique-là, ces chansons, pour les gens de peu, qui rient, qui dansent, qui boivent pour oublier, ou pour se souvenir c’est selon, il faut bien qu’elle nous attendrisse. Ou à Rio…

Les lignes qui suivent, je les partage même si je ne suis qu’un homme. Mais je chante…

Cesaria 4

« A ceux qui pensent qu’une femme qui boit est une fille perdue, une honte pour la ville, mais s’en servent le moment voulu, qu’une mère célibataire est une femme de mauvaise vie, et que la pauvreté est l’état naturel des abrutis, il faut toujours prouver quelque chose. Il faut porter ses plaies comme des étendards. Ses pieds comme des symboles. »  (in Cesaria Evora, la voix du Cap-Vert, Véronique Mortaigne, Babel 2014, p 57)

 

 

Ah, le dur…

 

 

 

(fait beau hein, la nuit) (debout)

Toi qui entre ici laisse à la porte tout espoir de revanche, toute velléité de colère, toute rancoeur et toute amertume, je reviens sur ces six derniers mois de résidence et comme de juste et notamment, sur la réception de ce qui a tenu lieu de clôture. 

Pourquoi ici, je me le demande bien : sans doute parce que j’aime le terrain, et qu’ici est le mien (entre autres, évidemment) (par exemple j’aime quand le vendredi arrive et que je vais chercher quelque part quelque chose et quelqu’un) (quelque part c’est ici, aussi) (c’est un exemple parmi cent) (mais j’aime ce terrain qui n’est pas que le mien) (je fais remarquer à l’assistance publique et lectrice que cette dernière parenthèse abrite un alexandrin de la plus belle eau).

Il y a surtout sans doute qu’avant d’être maison ici est un témoin. Numérique et virtuel, d’abord. Peut-être.

Ici commençons par une photo déjà publiée (je dis ça pour DH) prise (on prend les photos tu sais bien, on n’attend pas qu’on nous les donne) juste avant le début de la clôture (le début de la clôture est-il un oxymore ?) (et aussi la clôture, pour le thème des frontières, ça vous a quelque chose de tombant sous le signe). Il est dix huit heures, c’est le 2 (ou le trente trois) avril (ou mars).

dehors 020316

Et puis ça a été, merci. L’avant veille j’avais pris sur moi de prévenir quelques un-e-s de mes ami-e-s par short message service : c’était « comme vous le savez peut-être le collectif termine sa résidence de six mois au fin fond du 77-une joyeuse clôture est organisée ce samedi 2 avril à 18h- c’est à la bibliothèque de Vernou train gare de Lyon 16.19 ou 17.19 -un peu juste…-changer à Melun un peu galère mais simple aussi-dites moi si vous voulez venir je viens vous chercher à la gare vers 18… bises » : pour des ami-e-s lesquel-le-s ne sont pas (tou-te-s) venu-e-s. J’ai reçu entre autres et en retour ce court message de service : « Merci pour le rappel. Par contre si vous venez en train dans notre « fin fond de Seine et Marne » pas besoin de changer à Melun, le train qui part de Gare de Lyon va à Moret sur Loing sans changement. Je serai à Paris la journée et rentrerai exprès pour venir voir le résultat de votre résidence à Vernou » c’est signé, c’est intitulé.

Sait-on que durant peut-être quinze ans, trois dimanches et fêtes sur quatre (treize-vingt, une demie-heure de pause, oui merci) j’ai officié aux renseignements téléphoniques de cette société ferroviaire et nationale ? (c’était au Pont Cardinet, il faut bien gagner sa vie d’étudiant puis d’enquêteur écrivant n’est-ce pas : tout le monde ne vit pas dans les beaux quartiers). Et donc bien sûr Vernou-la Celle-sur-Seine n’est pas en ligne directe de Paris : j’aurais du me méfier, je n’y pensai pas alors mais le « merci du rappel » avait quelque chose, un sens, quelque chose, je pensais à des ami-e-s, je me suis fourvoyé, tant pis pour moi. Une affaire de classe, pourtant, ce sont des choses que je connais bien, je les sens, souvent, et d’ailleurs, c’est exactement ce qui est arrivé.

Mais ça a été, merci, très bien, je n’ai pas bafouillé (certes mon pull neuf a déteint, un beau bleu sur une chemise blanche, je n’avais pas lu sur l’étiquette, écrit en tout petit comme dans les contrats d’assurance ou autres, le « laver avant premier usage » : tant pis pour moi). Les diverses interventions, très bien, le pot, le retour en auto sous la pluie, les chansons et la joie de vivre, les rires et le week-end, pas de ciné mais tant pis on avance, on travaille on fait ce qu’on doit (on  a été voir l’exposition « Frontières » du musée de l’histoire de l’immigration, parfaite et recommandable : elle continue jusqu’au 29 mai…) .

Lundi (quatre quatre seize) vers treize (13) heures, après le billet ultime, je me souviens, j’avais écrit ce message : « Vous êtes partie trop vite- comme un peu tout le gratin mais enfin…- ça vous a plu ou bien ? Vous me direz… (pour venir à Vernou en train, faut le vouloir… et changer à Melun… :)) Cordialement. PCH ».

Un message un peu convenu, je reconnais, qui tente un peu d’humour sur la société et ses changements…

Je reçus, vers 21h, ce message en réponse ou retour : « Je suis partie en effet très rapidement car assez excédée par les regards « méprisants et quelque peu hautains que vous avez portés sur le sud de la Seine et Marne. Arrivée depuis 18 ans ici, après 36 ans en plein Paris bobo, rue de Babylone, j’ai été, contrairement à votre équipe, séduites par les belles énergies d’ici. L’humain, totalement inexistant dans votre présentation, m’a au contraire, permis de belles aventures artistiques. Assoce Renc’Art où pendant huit ans nous ouvrions les ateliers d’artistes avec comme « devanture » le musée Provencher sur le pont de Moret, lieu prêté pour l’expo collective, mon ami musicien a monté un groupe de rock celtique Transpher qui maintenant tourne de façon quasi professionnelle. Et je m’arrête là car la liste est longue.  Dans votre montage, je n’ai vu que solitude, désespoir, lieux abandonnés et sordides, un no man’s land qui pour moi n’est que le reflet de vos regards bien déprimants. Certes, je suis peut-être encore un peu en colère, donc si vous revenez de votre lointain Paris par ici, je me ferais une joie de papoter avec vous en buvant un kawa au soleil… ps : faites un saut sur le site veneuxlessablons.fr/passerelle pour y voir notre 19 septembre 2015 après les discours… »

C’est signé. Le lendemain matin, un autre message, court et service, m’est parvenu à 7h20  : « Autres pensées d’une amie photographe que je vous transfère : « nous sommes une région avec beaucoup d’artistes hétéroclites tous autant que NS sommes qui aimons partager leurs passions avec les gens pour susciter des émotions sincères et nous aussi NS prenons le train pour monter « à la CAPITALE » et chaque fois que nous rentrons chez nous, on savoure la chance d’habiter ici car nous savons apprécier ce qui NS entoure ». Bonne journée. »

Celui-là n’est pas signé.

Probablement le train. Bizarre, vraiment, les majuscules ; c’est des nues que je suis tombé : « humain inexistant » c’est faux – car, comme on sait, c’est de sa porte que chacun peut contempler le soleil – et inutilement blessant – j’ai pensé à ce réalisateur – je ne l’aime pas à cause de cette scène de « Nous ne vieillirons pas ensemble » (Maurice Pialat, 1972) particulièrement abjecte à l’égard des femmes – qui levait le poing, après avoir reçu sa palme, en 1987 – mais ça m’a fait marrer, parce que c’est vrai que j’ai recours au robot très fréquemment (j’adore ça

1.10 péniche GSW2

j’y peux rien, j’aime ça

1.18 Montarlot horizon lignes électriques GSW

c’est comme une sorte de passion) :

1.12 bisrestaurant l'avenir tizy

c’est une affaire qui m’intéresse, et qu’on veuille bien me pardonner, non, vraiment, je ne suis pas un artiste

1.20 églisegenevraye GSW2

en tous cas pas comme certaine l’entend

1.26 Hermès GSW

la dernière photo de l’Hermès, d’été et du robot (zeugme) : encore merci à tou-te-s de votre accueil, monsieur Mariage et Luc pour cette dernière photo, mais aussi à toutes les personnes des bibliothèques -magnifiques, adorables- les élèves de Gregh (à ceux de la SEGPA : ne désespérez jamais !) et les gens de l’ERPD, sans compter toutes les autres magnifiques rencontres (spéciale dédicace : je pense à ceux qui sont en Islande) faites dans le cadre de cette résidence.

 

billet rédigé le 37 mars 2016.

 

 

Sur la réserve

 

 

 

(après tout, il n’y a pas que le cinéma dans la vie) (cependant on tient à indiquer que la palme d’or cannoise a été attribuée cette année à Ken Loach –qu’on aime– lequel laisse libres les droits sur ses films, qu’on peut donc regarder, voir et visionner comme et autant qu’on veut ici par exemple) (il faudra accepter avant d’être suivi à la trace par les wtf algorithmes gafa mais comme on n’en a -ainsi que l’Edith Cresson première ministre nous le faisait savoir- rien à cirer -elle c’était de la bourse-, on verra) (il y a aussi la littérature et la peinture) (jte parle même pas de la musique)

 

la grande réserve

« Il existe un tableau de Caspar David Friedrich nommé La grande réserve qui représente une partie de la réserve d’Ostra, au nord ouest de Dresde, sur la rive sud de l’Elbe, en 1832. Le fleuve est bordé d’arbres agglutinés sur la gauche en orée, tachant à droite l’arrière plan au flanc d’une longue colline lointaine, ensuite vient l’horizon, enfin le ciel, un énorme volume de ciel froid qui envahit la moitié du tableau jusqu’à paraître émaner de lui, s’interposer entre l’oeil et lui.

A première vue, depuis la maison de Bernard Calvert, le paysage que surplombait Georges ne ressemblait en rien à celui d’Ostra. »

Il s’agit ici des premières phrases du chapitre vingt cinq, reproduites du livre – qui en compte trente deux – (des chapitres, pas des phrases) « Cherokee » (1983) de Jean Echenoz, lu dans sa version de poche (2003), exemplaire achevé d’imprimer le dix décembre deux mille quinze dans les ateliers  de Normandie Roto Impressions à Lonrai (61 250) (France) (suit un numéro d’éditeur, 5902, et un autre d’imprimeur, 1505485). Elles ne rendent que très peu compte de la parfaite et magnifique prose joyeuse et simple qu’il emploie.

On a reproduit ici aussi le tableau en question où la description n’a pas tenu la péniche pour sensible -il s’agit d’un bateau à voile, qu’on aperçoit voguer sur l’Elbe (donc).

S’il se pouvait, autant que de faux livres, que sur les murs d’ici figurent aussi quelques reliques fantomatiques et hâves de peinture, ce me serait (peut-être) agréable (on les mettrait aux couloirs)