Alma

 

 

 

Sans doute faut-il une bonne quantité d’inconscience pour aller comme on le fait ici sur les traces de films et de cinéma (probablement le premier poste d’exportation étazunien – ici le film est produit par l’ambassade de France plus une maison guatémaltèque (et le CNC) – ça ne peut pas trop s’inventer (enfin, si) – ce cinéma qui donc, de ce fait, propage à peu près l’ordure de l’idéologie qui est à l’œuvre ces temps-ci ici par la grâce de petits cintrés et suce-bottines) le cinéma, ce lieu du monde où « il n’y a que ceux qui travaillent qui travaillent »  et qui enfante des Weinstein à déambulateur (ce cinéma…) ce lieu des arts et des industries donc, une certaine inconscience à rester ébahi devant des images aussitôt apparues, aussitôt disparues – j’aime pourtant le cinéma, mais moins la façon dont il est exploité – on en est presque à la profession de foi on dirait – en faire un panégyrique : je ne parle que des films que j’aime, certes, – alors qu’il n’y a rien de plus détestable que ces injonctions, ces publicités, ces affiches et ces ordres masqués et superfétatoires – c’est vrai mais c’est aussi qu’hier (non, avant-hier : comme le temps passe…) je suis retourné dans ce lieu

(oui, il pleuvait) ça s’appelait Censier alors (maintenant, toutes les facultés parisiennes s’appellent Sorbonne – wtf ? – encore une saloperie du langage adopté par ce monde-là, ultralibéral comme ils disent) (on se bat pourtant, et on ne baisse pas les bras) et que j’ai repensé avec une espèce de nostalgie imbécile (j’écrivais mon nom sur la feuille à l’entrée) au temps où on allait déjeuner au resto u – on était servis à la table de huit – je te trouve une image de ce restaurant-là (Albert Châtelet qu’il s’appelait)

c’est là, au premier étage – mais enfin, le cinéma, mon ami ? oui, voilà : se servir des supports offerts par ces productions pour vanter leurs films – les films annonce – et en raconter partiellement l’histoire, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Rien. Je m’échine, je parle de villes ici, d’autre chose ailleurs, je m’épuise et je continue – je me promeus – je descends dans la rue, je vais marcher, je retrouve mon amie, on marche de concert, on donne une carte là, une autre ailleurs – des sous ici, là – on entre, les fauteuils « pas pour le film mais pour ce qu’on y fera » disait la chanson – des images, des écrans, des chansons et des sentiments – noir et blanc, couleurs? esquimaux sucreries ? l’envahissement des popcornard.e.s cette plaie… – mais ces retours sur soi, quelle plaie tout autant – le film traite d’une ordure, sans doute, mais c’est une réussite.

 

Tout se déroule pratiquement dans une maison – et ce sont les agissements passés du chef de famille (un vieillard

sénile libidinal

maudit et possédé) qui en font une prison où le sort est jeté. La force de la narration est donnée partout par les femmes : l’épouse (à l’arrière plan : Carmen), plus la fille (Natalia)

et la petite fille (Sara) du monstre (l’homme est au début du film propre sur lui, boit du wisky et fume des clopes – en procès reconnu coupable de génocide qu’il nie) et aussi les employés, indiens comme il se doit sans doute – vite, ils s’enfuiront sauf une (probablement une fille adultérine comme on dit dans les familles royales (Valeriana, ici au premier plan) : la femme de chambre…

) et le garde du corps (sans image). Derrière la femme de chambre, la petite nouvelle – elle arrive

passe les barrages de police

pour arriver donc dans cette maison

Elle est Alma, elle est La Llorana (la pleureuse du conte ou de la légende).
Elle est simplement elle-même – mais sans doute porte-t-elle avec elle ce sort.

ou du moins le pense-t-on… Un être d’eau…

Dehors gronde la foule. Est-elle réelle ?

est-elle fantasmée ?

Des pierres sont lancées dans les vitres, des tracts sont jetés dans la piscine. La famille est cloîtrée, le vieux général se lève la nuit, il entend quelqu’un pleurer.


Il est tard, il prend  son revolver (l’un de ses revolvers dans son armoire garnie d’armes, ces armes probablement dont il s’est servi durant sa carrière de tortionnaire), il fat nuit – ça grouille ici, ou là – le vieux salaud est sénile et entend des voix. Sa femme échappe de peu à la balle qu’il tire sur elle, la croyant une ennemie, un fantôme, une goule : quelqu’un qui en voudrait à sa vie.
Et l’angoisse s’amplifie.
La peur monte dans la famille. La nouvelle femme de chambre aime à s’amuser avec la jeune fille (on craint le pire).


L’eau, partout, coule : un robinet ici, la piscine la pluie peut-être, la nuit, l’eau et les pleurs. Dehors les gens ne bougent pas mais chantent crient insultent. On devrait les faire fuir, mais non. Ils devraient s’en aller, cesser leur manège : non, ils sont là, fixent les fenêtres derrière lesquelles la famille regarde, sans y croire, ces milliers de fantômes (ou de personnes vraies, vivantes, hurlantes : qui peut savoir ?).
La peur croit encore. Et encore, encore et encore.

Une scène montre d’autres généraux bientôt rattrapés par leurs tortures

un autre général convaincu probablement lui aussi de génocide s’en aller aux toilettes, s’épancher et l’eau sourdre à ses pieds.
Et d’autres scènes, des cauchemars : le sous-texte (le sous-film disons) raconte ce qui subirent les indigènes – des femmes voilées le racontent aussi lors du procès

(le procès est une merveille)

(tout le film est une merveille) – la vieille femme du général rêve et cauchemarde. C’est la nuit, elle s’éveille en sueur, entend-elle quelqu’un pleurer, au loin ?

Et puis le film va à sa fin. Ni oubli, ni pardon.

 

La Llorana de Jayro Bustamante

Carmen, la mère : Margarita Kénefic
Natalia, la fille : Sabrina de la Hoz
Sara, la petite fille : Ayla-Elea Telon
Alma, la nouvelle servante : Maria-Mercédes Coroy
Valeriana la femme de chambre : Maria Telon
Le général : Julio DIaz

sur l’écran

Sur l’écran la pianiste s’agite, mais le son est coupé.
C’est une allégorie. Elle s’agite en silence pour dire toutes les femmes effacées, inconnues, oubliées.
« J’ai un mauvais pressentiment mais qu’importe » dit le héros sur une autre chaîne.
« Fais ce que tu as à faire quoi qu’il advienne », lui conseille-t-on.
_ Je ne te promets rien. » répond-t-il.
Moi non plus j’ajoute à voix basse (et donc pour moi-même). Le héros frappe à une porte. Il est question de sorcières, comme d’habitude. Les femmes effacées, inconnues, oubliées, nocives, ça fait très longtemps que ça dure, que ça se propage dans les esprits, les fictions et les réalités en rendent compte chacune nourrissant l’autre et l’inverse.
« Crache le morceau! » dit le héros.
Très bien.
Ma question est – que cette maison[s]témoin soit le témoin de ce questionnement – en a-t-il toujours été ainsi ? Pendant les deux cent-cinquante mille ans où nous étions chasseurs-cueilleurs (deux cent-cinquante millénaires, c’est-à-dire peu ou prou une durée d’environ cent vingt-cinq civilisations cul à cul), pendant ce temps où nous étions tapis autour des foyers, réunis, effrayés par les prédateurs, effrayants pour nos proies, en a-t-il toujours été ainsi ? Et les vénus callipyges ? Quelles mémoires racontent-elles silencieusement ?
Il y a plusieurs niveaux de connaissance, plusieurs niveaux au sens propre : dans la cave d’une maison témoin, les fossiles et les questionnements ; au rez-de-chaussée salon salle à manger cuisine, le théâtre, l’agent immobilier qui organise la visite (c’est un homme, ou bien c’est une femme avec le lexique et les automatismes d’un homme) pour les clients, un couple (sans doute qu’elle demande où pourra se brancher la machine à laver) ; à l’étage, la salle de bain aux miroirs kaléidoscopiques qui nous traquent, nous définissent ou que nous nous évertuons à tromper, rigoureusement peints à la main quand nous en avons l’énergie et/ou l’occasion, et puis les chambres où s’agitent des rêves. Et passent des allégories de pianistes travaillant leur instrument en robe de soirée sans que personne n’entende.

allez allez

en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien

La mémoire de l’eau

 

Il ne s’agit pas d’une obsession, mais ça hante. C’est une affaire personnelle, certainement, mais depuis longtemps, elle se tient là, et il a bien fallu s’en saisir. A chacun des passages ici, la question se pose : pourquoi, sinon faire vivre cette maison afin qu’elle témoigne de quelque chose – et c’est du cinéma (j’ai tordu la consigne du lieu, mais tant pis). Il n’est pas question d’essayer de tenter une comparaison entre les films ou les billets – ça ne se compare pas, la comparaison (le bench marking, ce terme magnifique qu’on doit à la science du marketing – ce terme magnifique – on tient en magasin aussi le reporting qui lui aussi… enfin toute cette glaise poisseuse qui fait la communication) la comparaison, donc, c’est la porte ouverte à l’efficacité, la performance, et je crois, la mort : je ne tiens pas à l’ouvrir. On a cependant parlé ici du film de Costa Gavras, Missing (le billet porte le nom d’un des massacrés dans le stade de Santiago, en soixante treize – Charles Horman). On a parlé ailleurs de ce pays (pendant le week-end et un atelier d’écriture). On connait les ennemis, ce sont l’oubli, l’ennui, le lissage de la mémoire. Alors, on se bat.

 

 

Il s’agit d’une histoire d’eau – et d’une histoire de mémoire. Ce n’est pas une histoire, c’est l’histoire – je ne lui mets pas de majuscule parce que ce genre de truc n’en a pas besoin : il s’agit de quelque chose qui se fait, qui se raconte peut-être, qui finit par s’oublier. L’humanité dans toute son horreur, exactement.

Il s’agit d’un film documentaire, c’est-à-dire qu’il raconte, disons, une histoire vraie. La vérité, c’est un peu comme la mémoire, ça peut s’user si on l’oublie. Par exemple, c’est une date fatidique dans l’histoire du monde. De quel monde ? Une date exceptionnelle : la chute d’un régime, un coup d’état militaire, le bombardement de ce qui se nommerait chez nous le palais de l’Elysées : des avions de chasse le survolent et lancent des bombes. C’est ainsi que les choses se sont passées, le onze septembre mille neuf cent soixante treize. C’est au Chili, au bout du monde; de quel monde ? (1)

C’est une histoire d’eau

il s’agit d’un film documentaire, réalisé par Patrizio Guzman (j’ai longtemps cherché le compte-rendu de son passage au Jeu de Paume,un jour à l’invitation de, croyais-je me souvenir, Christian Delage mais je me suis trompé, sans doute). Même si on ne l’utilise pas, la mémoire s’use, il faut faire attention.

Le Chili est un pays qui possède plusieurs milliers de kilomètres de côtes, il est bordé par l’océan Pacifique, et en arrivant là, bien sûr, les colons ont chassé, tué, terrorisé, abattu, torturé, anéanti la civilisation qui leur était antérieure. L’histoire de ce film est faite de ces gens (il en reste quelques uns, ils parlent encore leur langue, ils ont toujours une mémoire) : ici l’une d’elle Gabriela

le réalisateur lui demande de traduire des mots, et lorsqu’il lui demande « Dieu », elle sourit et lui dit non de la tête. Tout est dit, sans doute.

C’est un pays, c’est l’histoire d’un bouton de nacre : celui qu’on a offert à l’un de ces Patagoniens – on l’a ensuite appelé Jimmy Button, on l’a rapatrié au Royaume-Uni, on l’a civilisé, toutes choses qui sont des atteintes destructrices majeures de son identité, pour un bouton. Massacre, génocide, tuerie : passons à notre contemporain. Le général prend la parole, martial  et fier de lui, de sa force, de ses armes et de ses hommes. Ils remettront de l’ordre dans cette nation qu’ils aiment. D’abord, ils auront tué Salvador Allende.

C’est l’histoire de ces gens qu’on tuait, et dont on lestait les corps avec des morceaux de rail (on met en scène cette ignominie, pour ne pas oublier), cette histoire, là, les corps mutilés et torturés, écrasés sous des blocs d’acier, ceints de fil de fer, enfermés dans des sacs en toile et précipités ensuite dans l’océan Pacifique, dans l’eau. Pour qu’on ne les retrouve jamais. Effacer leur mémoire et leurs vies. C’est l’histoire de cette eau, qui sans doute, on le croit, on le pense, se souvient.

On connait la fin, le but avoué, des milliers d’opposants torturés massacrés, mis à mort, tués . On ne retrouvera jamais leurs corps. On se souvient du stade, on se souvient de la fin de ce général, malade et recueilli par le Royaume-Uni, où on cachait l’ordure dans une clinique. Dans l’eau restent encore les morceaux de rail (voilà quarante cinq ans qu’ils gisent). Les retrouver, les repêcher, c’est le but de la justice, ensuite à la fin du siècle dernier, retrouver ces traces, ces preuves des actes de la nature humaine. Et fiché dans l’un de ces rails

ce bouton.

L’eau se souvient.

 

 

(1) il y eut comme on sait un autre onze septembre – il y en a tous les ans, c’est sans doute immuable – on a la faiblesse de croire que ceux (y’avait pas de femmes, tiens) qui ont commis cet attentat contre le centre du commerce mondial (rien que ça, en même temps) ne voulaient pas honorer les Chiliens, et ceux qui ont péri sous les coups, les tortures, les balles. Il ne fait aucun doute, cependant, que l’agence CIA est pour beaucoup – peut-être pas pour tout – dans le meurtre de Salvador Allende et de la démocratie chilienne de l’époque (comme des meurtres de tant d’autres). Cependant encore, cette démocratie renaît.

Cette chanson (sans grand rapport mais quand même) en hommage à tous ceux-là.

Le bouton de nacre, un film (splendide et) documentaire de Patrizio Guzman (2015).

Dans trois mille ans

 

(publicité, propagande, j’ai beau faire attention à ce genre d’injonctions – si j’en vois une, je ferme… – comme j’aime le cinéma (même celui de chez l’oncle sam) j’en parle un peu avec des scrupules) (ce type d’italiques, en début de billet, ça permet de lancer la machine, mais c’est aussi, j’espère, dissuasif : sans un tout petit peu de sympathie pour Hollywood – une once, presque rien- on peut passer son chemin. Ici, dans la maison(s)témoin, on accueille toutes les sortes de fantômes goules et autres bizarreries, et c’est à peu près normal aussi qu’on y trouve des entités qu’on nomme « extra-terrestres » -bien qu’elles le soient, terrestres, évidemment, puisqu’elles ne sont que l’émanation d’esprits plus ou moins habités par ces histoires imaginaires – je les ai placées dans la chambre d’amis, parce qu’elles ne font que passer, et aussi dans la salle d’eau, parce que c’est sans doute grâce à l’eau qu’on parvient, ici, à les comprendre…).  

Ici, une jeune femme, linguiste (on l’appelle Louise – comme madame Brooks et ses araignées, au hasard – et Banks – comme je ne sais pas exactement quoi) (Amy Adams). Elle se trouve ici devant l’écran, une épaisse plaque de verre transparente sur laquelle, avec elle, correspondent les nouveaux venus (une douzaine de « coques », « vaisseaux » ou quoi que ce soit, habités par des genres de calamars à sept bras réparties sur toute la Terre (il ne s’en trouve point en France, désolé) – au fond de l’image, noire et grumeleuse : la paroi du « vaisseau »)

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Elle a l’honneur, ou la chance, ou le culot, d’entrer en relation avec des êtres supérieurs (sans doute) qui lui disent venir en ami sur cette planète afin d’aider l’humanité à surmonter ses divisions (entre US et Chine, malgré les efforts de Nixon, ce n’est pas, comme on croit le savoir, l’entente cordiale) (on ne parle pas – trop – de la Russie : la géopolitique du monde est changée depuis que l’union soviétique -ça fait bizarre de parler de ça, pas vrai ? – n’est plus). Plus loin, ces entités (nommée « heptapodes » -z’ont sept « pieds » – discutent par flots d’encres interposés, sont tout puissants, s’en iront à la fin dissous comme nuage de lait dans thé anglais…) veulent nous aider car elles auront, dans trente siècles – une paille – besoin de nous (disent-elles) (car elles connaissent, tout comme Louise, l’avenir). En tous cas, douze trucs arrivent sur Terre : l’armée est sur le pont (ici, l’armée et son chef, incarné par Forest Whitaker – sont moins bornés qu’à l’accoutumée…) (colonel Weber) (on pense à Folamour, et Sterling Hayden (alias Colonel Jack. D. Ripper…) et à ce que cette venue aurait pu provoquer chez eux…)

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On cherche et on finit par trouver : grâce à la culture scientifique (très scientifique) de ce garçon-là (très très scientifique, physicien en diable) (Ian Donelly, incarné par Jérémy Renner) on parvient à comprendre le langage des extraterrestres, et surtout leur but ultime.

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Même la CIA (dont on voit, dans l’image ci-dessus l’incarnation qui guette à la jumelle l’avenir) ne peut parvenir à mettre des bâtons dans les roues du (bientôt) couple. Et donc on discute le coup avec eux (les deux entités présentes aux US), et grâce à cette préscience dont est dotée cette mademoiselle Banks, on parvient à ne pas créer de dissension trop forte entre les divers Etats de cette planète afin de l’unir dans un but commun : continuer à vivre. Et à procréer (fatalement, pourrait-on suggérer) (on nous épargne la scène de lit, merci). Las, la progéniture est atteinte d’une maladie incurable… C’est donc en vain, en un sens, que tout ce qui a été entrepris se sera résolu. Mais enfin, nous verrons : dans trois mille ans puisque les fantômes s’en sont allés, et que la planète, elle, continue de tourner…

Le film (budget : 47 millions de dollars quand même) (en a rapporté, pour le moment, plus de trois fois plus…) (le cinéma est une (très) bonne affaire et aussi – bizarrement ? – le premier poste d’exportation du budget étazunnien, stuveux) est assez dramatique, le montage très alambiqué (on croit à des flash-backs, mais c’est l’inverse), l’image parfaite, les effets spéciaux réussis (on pensera à nouveau à Stanley Kubrick pour les changements de gravité entre l’intérieur du « vaisseau », et la Terre) : un beau film de science fiction au cinéma, ce n’est pas si courant…

 

visite virtuelle #2 la Salle d’Eau

 

 

Ce sont deux éviers, deux lavabos, deux vasques, l’une et l’autre dominées par des produits étiquetés codes barres prix qualités compositions emplois, baumes, crèmes, douceurs et satin, beauté et hygiène, extraits et concentrés, ou plus haut placée cette quintessence parfumée, et aussi mousses précipités appareils et émulsions force senteurs, essences et et et… vérification immédiate sur le support de faux argent par des yeux exercés et depuis longtemps rompus à ce type d’exercice -plutôt matinal, mais n’anticipons pas.

Séparer les usages, comme il se doit des genres (sauf à certains moments capitaux que, comme disait le poète, « ma mère m’a défendu de nommer ici ») (il parlait, certes, d’autre chose) : si ici se trouve le masculin, là sera le féminin (on choisira comme on aime préfères-tu, chéri-e être proche de la fenêtre ou …?  – on pensera (plus tard, nous avons le temps) à poser sur les vitres de celle-ci un film, opaque, de préférence à un tulle peu imperméable, afin de ne pas provoquer quelque atteinte à la pudeur, de ne pas choquer un voisinage semblable pourtant en tous points, mais justement cesser de s’identifier et les vaches -hors du lotissement- seront bien gardées…)

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Cette maison nous est proche parce que nous la partageons ; nous accueillons ici des couples (jeunes) (ou des vieux, si elle se trouve de plain pied)  : en salle de bain, certains sont  des habitués (on pense naturellement -naturellement, ce naturel-là est ici marqué au coin de l’usage, de la présence, de l’habitude- à la scène d’ouverture de « L’Arrangement » (Elia Kazan, 1969) (on ne se refait pas, comme on voit, et même s’ il y a pas mal de choses dans la vie, il y a le cinéma, aussi)  d’autres sont des novices un peu comme en amour : faut-il apprendre ou se lancer, tempérament ou caractère, friction fusion, se jeter ou attendre ? Deux visions du monde, insuffisantes peut-être, mais un homme et une femme (et s’il se pouvait qu’il en arrive deux du même genre pour partager cette antre, qu’en dirait le courtier -la courtière – la (ou le) « commercial-e » ? Mais rien. Rien. Non, rien de rien -sans en penser moins, évidemment – : vendre, vendre vendre voilà tout) (comme il est bon de partager le monde en deux, ici l’ombre, là la lumière) différences, onctions, soins de beauté, d’esthétique ou d’hygiène, on partage, il en est aussi ainsi des taches, la lutte pour les places, ici on est nu et on abolit dans l’omission besoins, efforts, tensions chaleurs vapeurs humeurs odeurs pour ne se consacrer qu’à une certaine apparence, s’oindre et se masser, se regarder et rectifier l’alignement des cheveux, du derme des ongles, des rides…

Ici, comme ailleurs dans cette maison, trônent, feulent, passent et disparaissent certains fantômes (on vient d’y croiser Kirk Douglas et sa femme du moment, Deborah Kerr -on emploie leur patronyme à la ville, peut-être ne sont-ce, comme pour Kazan, que des pseudonymes dus aux raccourcissements produits par les gardes d’Ellis Island – on y a vu pratiquement nu (« Allons, mon père ne faites pas l’idiot » disait-il)  Burt Lancaster en guépard, on y verrait sans doute (inutile de convoquer Sir Alfred, son « Psychose » (1960) et Janet Leigh, magnifique comme dans « La Soif du Mal » (Orson Welles, 1958) interprétant cette jeune madame Vargas) encore cette autre jeune femme qui remplace, pour sa grand-mère -qui ne passera pas la fin du film- une baignoire par une cabine de douche -la grand-mère est Claude Gensac, la jeune fille Salomé Richard, le film « Baden Baden » (Rachel Lang, 2016) (à la rigueur) , d’autres encore et tant d’autres hommes ou femmes, enfants ou chiens chats, qui jouent ici quelque chose de la vie réelle et tous les jours vécue par nous-autres, simples mortels à la connaissance binaire oui ou non, y aller ou pas , laver, curer récurer, et rincer, couper, poncer, nettoyer et jeter, frictionner puis détendre, caresser, effleurer, pincer, choyer puis épiler, comparer, regarder à nouveau l’effet au miroir, se reconnaître ou se haïr, un coup de rasoir ici un autre de peigne, là, prêts pour la jungle ou seulement le jardinage, décidément ce monde et cette maison…

Générique de fin

 

 

(ça dit parfois « vaut mieux être seul que mal accompagné », et c’est vrai, mais là, c’est la dernière de la saison) (elle reprendra sans doute, on peut l’espérer, dès la fin du mois prochain) (ça dit aussi « y’a pas que le cinéma dans la vie », mais parfois, c’est quand même très bien, comme aujourd’hui) (je n’ai pas pris de photos, j’en ai volé une ou deux, ici, là, voilà)

 

Il y a quelques mois, il y a eu dans un obscur amphithéâtre de la rue de l’école de médecine, une présentation de ces deux cinéastes enlevées à notre affection (notre grande affection, pour les deux) : Solveig Anspach et Chantal Akerman. Il me semble me souvenir (c’était en janvier, ce n’est pas si loin, mais les limbes s’épaississent, et bientôt les vacances, et les restes des objets meurent doucement avant d’être transformés en poussières) qu’il y avait là le scénariste de ce film, magnifique, amusant, drôle, limpide, profond, si original et tellement entraînant sur des voies sensibles et intelligentes.

La scène du début est formidable.

effet aquatique 1

c’est Agathe (Florence Loiret-Caille, toujours aussi attachante) qui envoie paître avec fracas un type qui veut lui offrir (peut-être) un travail et plus probablement son lit.

Une scène de comédie comme on les aime et on pense immédiatement à Ernst Lubitsch mais on se souvient de « Queen of Montreuil » (2013) en effet, et c’en est la suite. Agathe est veuve, elle travaille dans une piscine (Maurice Thorez, à Montreuil), elle représentera les maîtres-nageurs du coin au Colloque Mondial qui se tiendra en Islande. Elle y retrouvera Anna

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mais suivie par une sorte d’ombre (Samir Guesmi, le grutier raide dingue amoureux de cette nana-là : menteur, puis boum ! il oublie tout…)

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mais dès le générique de début

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qui est un film d’animation à lui tout seul, on se sent dans une ambiance tellement douce et drôle, sereine, quelque chose du calme et de la joie…

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Une merveille que « L’effet aquatique » dernier long métrage de Solveig Anspach qui apparaît encore dans le rôle d’une juge drôlatique… Sous ces traits-là…

l'effet aquatique 6 Solveig

Elle nous manquera, on ne l’oubliera pas.

 

Une histoire d’eau

 

 

Ville d’eau, salle d’eau, rêves de brouillards et d’eau, paradis peut-être, hélicoptère, voiture de luxe (la même que celle que son directeur de la communication avait prêtée à un futur ex-président de la République qui fautât en hôtel du même tonneau -de luxe je veux dire) (moi je m’attendais à un petit coupé dans ce style

grève générale

mais non) (il s’agit de la voiture de la production du film dans lequel l’héroïne essaye de gagner sa vie) et avortement, (presque) tout est dit.

Le film est burlesque et, d’une certaine manière, un peu manqué, mais comme il s’agit d’un premier long métrage, il y a des choses qu’on veut bien aussi encourager (ici c’est dans la salle de bain, fatalement, qu’on va poser ce billet,  parce que l’argument est de la transformer, par les bienfaits d’un scénario un peu trop lâche à mon goût, en salle de douche).

baden baden 1 salomé richard

(je crois qu’elle est de tous les plans (1) : Salomé Richard, interprète d’Ana, chante à tue-tête une vague chanson dont on ne serait pas trop étonné que les paroles soient de Rachel Lang, la réalisatrice, trente deux piges, brune blouson de cuir cheveu court).

La grand-mère de l’héroïne est interprétée par Claude Gensac (vue dans « Lulu femme nue » (Solveig Anspach -tant regrettée, 2013) mais aussi en épouse -éphémère je crois- du De Funès gendarme tropézien baroque et si français). Sa salle de bains possède une baignoire et la grand-mère est vieille -comme il se doit-, elle ne peut plus guère s’installer dans son bain et sa petite fille décide, lors d’un séjour à l’hôpital de son aïeule (c’est embrouillé mais n’importe) de réaliser la transformation.

Entre ses deux amants (l’un Boris insupportable, l’autre Simon insupportable) éphémères eux-aussi, l’héroïne procède donc aux travaux. Elle aide aussi sa mère (Zabou Breitman, juste comme toujours) à cueillir des mirabelles (les mirabelles, dans l’est, c’est un peu comme les pommes en Normandie, les piments à Espelette ou le Fuji-Yama au Japon : quand on va tourner là-bas, c’est contractuel, il faut que ça y soit) (je blâââgue) (le film se passe à l’est de la France, oui). Et puis, les choses elles aussi se passent, la construction de la salle de douche s’opère…

baden baden SR et

(avec l’aide de l’employé francophone et hypocondriaque, interprété par Lazare Gousseau, mais sans celle d’Amar, le carreleur bientôt légionnaire étrangère – tablier, hache, pas de l’oie et tout le bastringue au quatorze juillet) (non, là je brode)

Ce n’est pas tellement triste (ni drôle), enfin parfois acide, mais non : la scène de l’engueulade ciné est mal proportionnée (ou alors c’est le régisseur qui n’est pas crédible ou simplement complètement abruti – ça peut arriver, certes); l’héroïne revêt toujours un short qu’elle baisse (ainsi que son dessous peut-on imaginer, mais on est loin), devant la voiture (plan large) pour uriner (j’ai pensé à Chantal Ackerman : est-ce un hommage ? je ne sais) (aussi bien aurait-ce pu s’intituler « Les rendez-vous d’Anna » d’ailleurs (y’a deux « n »)(Chantal Ackerman, tant regrettée, 1978) quelle merveille…); l’amant Boris (on n’échappera ni à la scène d’amour debout, ni à celle -mais avec l’autre- sous la douche) confie son téléphone portable et son portefeuille avant de s’écrouler dans l’eau du canal (c’est tellement amusant) (le bateau-mouche est peut-être contractuel, lui aussi, je ne sais) illustrant par là que le film ne tient pas debout – mais Boris, malheureusement pour le film,  sait nager, il a une mère comme de juste insupportable comme lui (elle est, dans la vraie (?) vie directrice de ce casting-là : c’est plus qu’un caméo beaucoup trop long, d’ailleurs), des oeuvres comme lui et des idées comme lui, enfin on ne s’étonne pas. On aura aussi droit à la toilette avec l’amie plus ou moins (ouf, plutôt moins) saphique.

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Ici à l’image : une vraie scène de cinéma (je ne sais pas qui se trouve être la silhouette, cet homme qui joue le malade gauche cadre et qui prend l’air -il est extra-: qu’on me le dise, et je poserai en dédicace) comme on aime, un vrai enjeu (on ne voit pas ici son visage (les photos sont taxées si tu veux savoir) mais je crois que l’amie d’Ana au premier plan est interprétée par une certaine Noémie Rosset (elle aussi en short -c’est parce que c’est l’été, si tu veux tout savoir…- ; si ce n’est elle, qu’on me le dise, je changerai la dédicace) d’acier comme Zabou Breitman (mais elle on le sait, elle a cette force/présence/acuité).

Au total, une heure et demie de tendresses joliesses mais aussi quelquefois de ratages parce que d’insincérités. Un film moitié belge, moitié français,  qui sert de témoin à une jeunesse en mal de perspectives (mais tout (ne)reste (pas) à faire : le chantier est fini,  le feu d’artifice clôt dans la salle de douche l’histoire, un peu dans l’ombre, un peu dans la mélancolie)

(alors : debout)

A voir, probablement…

(1) : pas de tous les plans :  l’un d’eux où elle ne figure pas (comme le tout dernier, feu d’artifice de la salle de douche), magnifique cependant,  montre le balcon de l’appartement de la grand-mère et devant l’horizon fermé d’un immeuble aux fenêtres nombreuses et aux angles droits cruels

 

 

Je me rends compte qu’en cette maison n’est pas une salle de bain, mais une salle d’eau (encore que : là, ou …). Et qu’aussi, ainsi, ce film d’eau côtoie « Le Guépard » (Luchino Visconti, 1963), ce qui rend la comparaison (ce sont deux films de cinéma, réalisés à 53 ans d’intervalle) assez vertigineuse et dangereuse pour celui-ci mais n’importe, quand on aime…