« C’est le plus important. Tu ne crois pas ? »

Ma mère est ma maison.
Ma mère est faite de texte.
De textes.
C’est de plus en plus visible. C’est ce qui arrive avec les paysages en grands dangers, brossés par le vent, réduits à l’essentiel. Il ne reste plus que la ligne d’horizon et l’armature d’un tronc, un peu d’herbe, le bleu de la mer, c’est tout. Ce qui faisait foisonnement, la végétation dense, les ruelles, les fontaines de Trévise, les habitants et leurs déambulations, les points de vue panoramiques avec la rose des vents gravée sur une table d’orientation, les fêtes folkloriques, les processions de la fête de Saint Bernard, tout ce qui perdait le regard, les cigales la nuit, les nappes sur les tables dehors, froissées, éclairées par les lampadaires, les craintes d’orage et d’inondations, tout s’est enfui, recroquevillé, a disparu.
Il ne reste que quelques histoires droites, réduites au plus simple déclencheur. Ce sont toujours les mêmes. Il ne reste à ma mère que du texte. Elle écrit de moins en moins, et puis plus du tout. Des cartes de vœux, et je ne sais plus la dernière fois qu’elle a rempli un chèque. Ses lettres sont de plus en plus tremblantes, maintenant ce sont des chiffres qu’elle trace, elle fait ses comptes qui sont des contes, car elle ne s’appuie pas sur des données mathématiques. Je veille bien à ce qu’elle ait toujours des stylos à portée de main. Je lui ai acheté un cahier, c’est elle qui me l’a demandé, elle devrait y poser des additions, en tout cas c’est ce qu’elle désire, c’est l’outil de repérage auquel elle se raccroche.
J’ai longtemps cru que rien n’était plus éloigné de ma mère que le texte. Je disais :
elle parle pour ne rien dire
ce qu’elle dit n’a pas de sens
elle dit une chose et son contraire
elle parle pour parler
elle fait de l’air avec sa bouche et ses cordes vocales, c’est ce que j’ai longtemps cru.
En fait, elle est au-delà du texte, ce qu’on peut qualifier de prouesse.
Ou elle se trouve bien au-dessus du texte. Tout en haut. C’est lui qui la porte. Ce sont ses fictions qui la tiennent, soutiennent. Dans le paysage réduit à l’essentiel qu’elle est devenue, sa ligne d’horizon et son tronc sont ses fictions.
Elle me les répète sans arrêt.
On pourrait penser à un problème cognitif, à une maladie dégénérative, à une baisse des capacités logiques, à une perte de raisonnement, oui, beaucoup pourraient le penser, mais elle s’en fout. Elle répète. Elle ne se sent pas malade. Je vais bien, elle dit, et puis j’ai toute ma tête.
C’est le plus important.
Tu ne crois pas ?
Heureusement que j’ai toute ma tête.
C’est bien, je suis contente.
J’ai vendu la maison, je me suis bien débrouillée. J’ai été futée, heureusement.
(la maison a été vendue par obligation, ce n’est pas elle qui l’a voulu ou s’en est occupée, elle me montre le papier du notaire et m’explique qu’il vient d’arriver au courrier, c’est moi qui lui ai donné il y a six mois, nos histoires se chevauchent, parallèles qui ne se rencontreront pas, mais je veille bien à ce qu’elle ait toujours des stylos à sa disposition)
Plus son paysage se minimalise, plus j’augmente le mien, factice. J’ajoute et j’ajoute des pots sur la terrasse de cailloux cernée de murs.
Chaque matin je vais voir si le pied de houblon trouve une nouvelle direction avec sa tête de serpent. J’ai soif de lianes. Les clématites, les chèvrefeuilles et les tiges de cobée s’enroulent ensemble, selon la même chorégraphie indistincte. Les feuilles des capucines de Canaries s’élèvent, larges près du sol, réduites dans l’ascension. Le schisandra croule de fleurs discrètes qui se confondent avec des cerises, et son feuillage de soie cache un peu le géranium menthe dressé, debout. L’akébia n’en finit pas de faire de nouvelles volutes dans sa course avec les haricots géants d’Espagne. En Espagne, lorsque ma mère était enceinte de moi, elle a assisté aux processions, capuchons sombres, deux trous noirs pour les yeux, torches levées dans l’obscur, chants funèbres, et elle a eu peur. Ma mère est ma maison.

les Voiles écarlates

(le réalisateur tient la camera)

 

 

l’agent avait l’intention de décrire ce film par ailleurs tout à fait recommandable mais il s’aperçoit que dans le pack destiné (par la distribution) à la presse (et donc, par là, à la promotion sur les lieux de vente – plv dit-on dans  certains environnements écosystèmes univers, comme il vous plaira) de l’omniprésence  de la figure du (peut-être) premier rôle – voilà qui m’indispose – OSEFU2P* certes des états d’âme de l’agent mais tout de même, ça m’ennuie grââââve.

De là à m’abstenir de parler de ces Voiles écarlates, il y a un pas (d’autant plus grand que je n’en parle pas mais en glose).

Bah, le film est réussi mais son matériel merdique – ici quelques qualificatifs pour puristes

On est bien avancé – mais voilà de nombreux mois que je me pose la question de ces images produites pour « faire parler » (craché-je dans une soupe indigeste ?certes) (au début des années quatre-vingts du siècle dernier, j’avais eu l’ambition de décrire ces films-annonce – j’ai jeté les habits de la thèse avec ou par ou grâce à la nécessité de gagner ma vie) – il s’agit de raconter les quelque vingt (peut-être) premières années de la vie d’une jeune fille – elle perd sa mère qui meurt d’un viol apprendra-t-on – son père revient de la guerre (il s’agit de la première mondiale) (est-ce son père ? c’est son père)

– trouve à s’employer (il dispose de mains d’or) comme menuisier, puis se fait jeter comme un malpropre, on ne l’aime pas au village mais il continue à vivre cependant – sa fille grandit et embellit – le film est une merveille – les images n’en rendent que peu compte (mais n’est-ce pas le jeu ?) (est-ce jeu ?) qu’importe ici la jeune fille(Juliette Jouan, charmante certes)

elle chante est heureuse (mais on ne voit pas son éducation,son avancement en âge comme le film le décrit si joliment) ici son père (Raphaël Thiéry, parfait)

on commandera au menuisier une figure de proue, qu’il réalisera en prenant pour modèle sa femme, morte – cette figure ornera un voilier

on l’aperçoit ici – magnifique – ces voiles-là sont écarlates, certes,mais d’autres viendront du ciel – on en voit d’autres ici (le petit jouet bord cadre à gauche,dans les mains de la jeune fille à douze ans peut-être)

car oui, il y a dans le rôle un peu de magicienne Yolande Moreau (magnifique) , dans le rôle de la mère adoptive disons, Noémie Lvovski (vivante et forte)

et puis la robe écarlate elle aussi

l’amour (dans le rôle de l’amoureux, Louis Garrel sérieux et attachant)

la brouille

le film est magnifiquement écrit, magnifiquement réalisé (le réalisateur est au cadre) et magnifiquement dirigé (on avait vu de lui La bocca del lupo avec une image brouillée et un scénario empli de turpitudes; Bella et perduta raté ais avec quelques images formidables; mais un Martin Eden qu’on avait manqué).
Et une musique formidable, elle aussi (Gabriel Yared, au meilleur).

Pour le reste…

 

L’envol  un film de Pietro Marcello (inspiré (librement dit-on) d’un conte d’Aleksandr Grin (ou Green, ou Grine) titré Les voiles écarlates) (titré Scarlett  (Écarlate) pour l’export)

 

 

  • OSEFU2P : on s’en fout un petit peu

 

 

 

Riace (2)

 

Pour Becky Moses

 

 

C’est un village qui se trouve à l’extrême sud-ouest de l’Italie, sur le continent ou presqu’île – sous l’avant de la plante du pied (on a ici vaguement situé

proche de Monasterace Marina) – le maire en a été un certain Domenico Lucano – Mimmo pour le monde, Mimmo u’curdu (Mimmo le kurde) pour ceux qui le connaissent et savent ses agissements : il a recueilli des Kurdes à la fin du siècle dernier, dans ce village, les a aidés a s’installer et par là a magistralement contribué à la renaissance d’un village exsangue (le sud de l’Italie et plus particulièrement la Calabre – je ne veux pas parler du nord – manque cruellement de travail et la main y est mise basse sur les revenus par la mafia. Ou alors par l’État quand il est représenté par le fascisme (la ligue du nord). Qu’on le veuille ou pas, cette réalité vertueuse est combattue par le pouvoir : Mimmo est traîné en justice, il est condamné – (13 ans de prison,   500 000 euros d’amende – le double de la peine requise par le procureur : tu m’as compris) (une paille) fait appel depuis France si je comprends bien. Il a été fait citoyen d’honneur de la ville de Bobigny (préfecture de Seine-Saint-Denis, 93) puis d’autres encore. Nous en sommes là, et attendons la procédure. Cependant, Mimmo Lucano a écrit un livre, titré Grâce à eux sous-titré Comment les migrants ont sauvé mon village. Il n’est pas question de baisser les bras,il n’est pas question de laisser les réfugiés mourir dans la Méditerranée ou ailleurs :ils’agit d’une simple question d’humanité. On a déjà donné un compte-rendu de ce livre ici et on continue, ici,par une onomastique des localités et des lieux cité.es dans le texte (toponymie) et le livre. Un index, une façon différente (un peu fastidieuse, mais elle a des raisons pratiques) de lire le même livre – si la logique comptable avait quelque qualité, ce serait celle d’indiquer de quoi parle le livre (le plus: de Riace (on s’en serait douté) puis de la Calabre (voilà) et puis ensuite l’Italie- vous verrez).
Donc en hommage à Mimmo Lucano, en accord avec les principes qu’il défend, et pour favoriser la lecture de son livre.
La semaine prochaine, on pratiquera de la même façon sur les noms propres de ce livre (anthroponymie) , ce qui complétera cette lecture et cette approche.
Avec nos remerciements à l’auteur du livre et aux Riacesi pour défendre (ainsi que par exemple Cédric Hérrou, Longo Maï, Rosmerta et tant d’autres) les valeurs auxquelles on ne renoncera jamais.

ici (sur les conseils de Simone W. qu’on remercie) le premier volet; on posera ici le troisième la semaine prochaine.

 

A.
Acquaformosa (localité) 157,161
Africo (localité) 40-41, 149
Afrique 13, 27, 51, 117, 147,173, 175
Afrique Centrale 113
Afrique du Nord (Urgence, décret) 158
Afrique subsaharienne 175
Agrigente 67
Albanie (Albanais) 67, 90
Algérie 67
Allemagne 71, 75, 76, 78, 81
Amérique 99, 117, 187
Amérique du Nord 105-6
Amérique du Sud 55, 94, 99, 122
Amérique latine 42,105
Andes 54, 99
Arabie 25
Argentine 53-54-55,59, 71, 99-100, 101, 105
Asie 27
Aspromonte 40-41, 173
Atlantique (océan) 107
Australie 71,101

B.
Badolato (localité) 80, 82
Badolato Marina 81
Bagaladi 89
Balduina (la, quartier de Rome) 108
Barbarie (figuiers) 9
Bari 125, 140
Belgique 71
Berlin 118, 130
Bologne 115, 118
Bova et Bova Marina (localité) 40-41, 89
Brancaccio (localité) 86
Brésil 37
Brindisi 68
Brooklyn 108
Buenos Aires 54-55, 93, 99-100, 102-3, 105-6, 164

C.
Calabre 10(n), 11, 13, 36, 23, 26, 32, 36, 39, 42, 48, 66, 69, 84, 89-90, 95-96, 100, 106, 109, 112, 114, 122, 129, 135, 139, 143, 152-4, 159, 163-5, 168-9, 174, 179, 182, 186
Californie 105
Camini (localité) 161
Canale Foggia (localité) 68
Castelbuono (localité sicilienne) 152
Castel dell’Ovo 85
Catanzaro(localité) 17 (cour d’assises), 168-9
Catanzaro (province voisine de Riace) 26, 29, 80,145
Carlopoli (localité) 145
Catanzaro (Stade) 122
Caulonia (localité) 135, 157, 161
Cercle d’Unité Prolétarienne 60
Cetraro (localité) 47
Chantemerle (Hautes Alpes, Longo Maï) 91
Cilicie 24
Cinisi (village proche de Palerme) 28, 118-9
Chili 122
Colègme (localité près de Turin) 88
Cosence 47(province de),118
Cuzco (Pérou) 54, 99

D.
Diyarbakir (localité Turquie) 125

E.
Ellis Island 107
États-Unis 75, 101, 106, 108, 118
Égypte 158
Erythrée 119
Ethiopie 119
Europe 45, 55, 78, 82, 84, 106-7, 126, 141, 173

F.
Florence 118
Foggia 118, 125
France 81

G.
Gênes 125, 133
Grèce 6
Grèce antique 60
Gioiosa Jonica (localité) 43-44, 161
Gioia Tauro (localité) 15, 21, 45

I.
Italie 13, 26, 67, 75, 80, 82, 114, 118, 139, 158, 164, 174,181, 185,
Italie du Sud 40-41, 53, 58,79, 113, 141
Italie du Nord 8, 71, 122, 128
Irak 70
Iran 69, 70
Islamabad (les aigles de) 92
Isola di Capo Rizzuto (camping naturiste) 122

K.
Kaboul (le potier de) 92
Kenya 51
Kosovo 67
Kurdistan 70,75,78, 176

L.
Lampedusa (île) 67
Lamezia Terme 118
Latina 118
Locri 48, 154, (parquet de)161-2
Locride 25, 31, 48, 69, 70,128, 174
Libye 13, 106, 116, 119, 139, 158

M.
Machu Pichu 100
Maghreb 158
Maison du Pèlerin (Riace) 49, 69,70
Maggiore (piazza, Bologne) 115
Manhattan 108
Maracana (stade) 38
Maroc 67
Medaglie d’Oro (avenue, Rome) 108
Méditerranée 24, 68
Messine 83,102, 118
Mexique 117
Milan 6, 41, 119, 124
Mineo (localité CARA) 158
Montevideo 99
Moscou 75
Moyen-Orient 117

N.
Naples 15, 51, 85, 102, 118
Nesci l’acqua (lieu-dit) 147
New-York 106-7, 109, 118
Nicotera (localité) 46
Nigeria 13
Nord 10, 139
Notre-Dame-Mère-des-émigrants 54 (missions Argentine)

P.
Padoue (banque populaire éthique de) 85
Pakistan 175
Palazzo Pinnarò 85
Palerme 20, 28, 29, 118, 150
Parc des Fontaines 150
Paris 6
Pérou 54, 99
Perse 69
Piémont 122
Pistoie 118
Plaza de Mayo (la place de mai, Buenos Aires) 104
Pouilles 66-67, 125
Pollica (localité) 94
Porto Alegre (Forum social mondial) 133
Proche Orient 175
Provence (naissance de Longo Maï) 82
Puerto Madero (ort de Buenos Aires) 103

R.
Reggio de Calabre 19, 21,29, 61, 92, 118, 165-6, 170, 173
Riace (et Riace hors les murs) 18, 19, 25, 26, 29,30, 31,35-36, 39, 41, 48-49, 51-52, 54-55,57-59, 62, 67,69, 71, 73, 76-78, 79-82, 85,86, 91, 93, 94, 99, 100-1-2, 106, 109, 111-4, 117-8, 122-3, 127-9, 133-5, 144-6, 147, 157-9, 163, 164-6, 167-9,170,171-2, 173-4, 175-9, 180-3, 185
Riace (mairie de) 9, 11, 15, 16
Riace Marina (village au bord de la mer) 63-65, 68, 79-80, 93, 112, 134, 178
Rio de la Plata 99
Rojava 78
Rome 25, 29, 37, 48, 58, 76, 118, 139, 159,170
Rosarno (localité) 45 (lycée de), 116, 119 (bidonville)
Ryakyon (ancien nom de Riace)’ : petit ruisseau) 65, 109,144

S.
Salento (région d’Italie -pointe du talon) 67
Salerne (province de) 106
San’Arsenio (localité) 106
San Calogero 17
San Ferdinando (bidonville de) 10, 15, 21, 119, 172
San Ferdinando (n) 10
San Giovanni (place, Rome) 117
San Luca (localité) 41
San Pantaleone (localité) 89
San Rocco (paroisse) 47
Sanctuaire des amis des Sts Côme et Damien 69
Sicile 37, 67 (canal de), 86, 139
Siderno (localité) 160
Somalie 67, 119
statue de la Liberté 107
Stilo (localité) 85
Stigniano (localité) 96, 101
Sud 9, 10, 83, 86, 95, 109, 112-3, 136, 139, 146,148
Syracuse 118
Syrie 24, 70, 78,175

T.
Thaïlande 42
Trentin (montagne du Nord) 48
Tunisie 67, 158
Turin 10, 58, 88, 118
Turquie 24, 65, 70, 75, 78,125-6

U.
Udine 118
Uruguay 54, 99

V.
Val d’Aoste 128
Val de Suse 118
Val di Non (localité,pommes) 50
Varèse 42
Vérone 118
Vibo Valentia (province voisine de Riace) 26
Village global 14

Z.
Zones fragiles(Italie du sud) 146

 

 

De deux films (Elles)

 

 

il faudrait lister les points de rencontre, les occurrences, les ressemblances – les singularités, c’est que l’un se déroule de ce côté-ci du Pas-de-Calais; l’autre ailleurs (Yorkshire je suppose – en réalité, Bradford, West Yorkshire) – l’un est réalisé par une femme (Clio Barnard) et l’autre un homme (Jérémie Elkaïm) – c’est important, il faudrait mais non, deux films dont le sujet, l’objet ou le scénario sont en correspondance – à quelque différence près : une femme d’un certain âge, blanche, rencontre et aime un homme d’une autre couleur de peau (ici, mon préféré évidemment, il est dj ou l’a été (probablement pakistanais) – là il est réfugié (d’Iran, il tente d’aller en Angleterre) – un sujet difficile – toutes les deux sont veuves, toutes les deux étaient battues par leur mari (crevés, mort de cirrhose, flics ou autre) (tendance front national dégueulasse les deux) – comment vivre, survivre, revivre ? Les deux films, l’un français donc

l’autre britannique,

donnent de l’espoir. Les deux aussi font la part des choses, les relations avec les voisins, avec la famille… Alors on n’a pas l’intention de comparer, d’évaluer, de décerner quelque palme – il y a toujours cet élan dans les mots qu’on pose, jury ou juge – et bien sûr que c’est une affaire entendue, markettée tapis rouge/or/smoking et robe longue fendue coiffures maquillages – photograpĥes et paparazzi – le cinéma dans toute sa méphitique splendeur – non, il y a cet aspect il y a d’autres angles – il y a cette façon du cinéma français de se regarder nombrilique – et plutôt clitoridique en l’occurrence (trop de scènes de lit, certes…) – et la façon britannique plus sociale, plus lissée polissée pas aseptisée, non, mais plus simple, plus douce aussi peut-être (il n’est pas certain, si on veut aller dans ce sens, que la sexualité soit une (et encore moins la) bonne porte de compréhension des humains – elle représente, cependant et au même titre que la mode ou la gastronomie, quelque chose comme une image de marque du pays d’ici comme on sait). En tout cas, et pour parler franc (!), le cinéma sans musique m’indispose au plus haut point – une dimension manque alors – une esthétique et une joie, un plaisir sûrement aussi… Dans Ali & Ava cette dimension est présente ainsi qu’on l’aime (le public dispose d’un échantillon, folk/country/rap/punk/rock comme on voit tout ça est très anglo-saxon), dans Ils sont vivants il n’y en a simplement aucune…  Alors comment te dire ? (cette question, qui fait le pendant des « voilà », « j’ai envie de dire » et autres « en même temps »ou « du coup » si contemporains…) deux images de ces deux femmes, ici Béatrice

(Marina Foïs, formidable, vraiment) et là Ava

(Claire Rushbrook, formidable tout autant – qu’on avait adorée aussi dans le Secrets and Lies de (Mike Leigh, 1996))

 

Ali & Ava (Clio Barnard, 2021) et Ils sont vivants (Jérémy Elkaïm,2021)

 

 

j’ai, ici, pris le parti de ne parler que de films que j’estime – ici on les aime assez, mais ce sont les sujets, les idées, les personnages aussi bien qui (nous) sont parallèles et si contemporains – on a le droit d’aimer qui on veut, qui on peut sûrement aussi bien – mais ici, c’est cette singularité de disposition qui m’interpelle – il y a toujours eu, dans mon amour du cinéma, cette façon de le concevoir comme un, unique, et un tout qui, à chacune de ses apparitions sur mon horizon personnel, continue et continue encore et toujours la même et semblable histoire – les histoires qui nous sont racontées n’en font qu’une – les personnages sont toujours les mêmes – j’aime me rendre compte maintenant, ici, écrivant ces lignes, que ces deux héroïnes sont blondes, blanches, déclassées – cette façon de dire la classe sociale, tu vois : ici déclassée est une qualité (même le vocabulaire me dessert…) – j’espère me faire comprendre…

d’un rivage à l’autre – épisode 18

 

ce texte, écrit suivant une consigne de l’atelier d’écriture hiver 22 de François Bon, tente d’élucider la réalité d’une des maisons de l’enfance (au vrai de deux, sauf que quand je connus la seconde, je n’en étais plus un, d’enfant) – c’est en cela qu’elle constitue un épisode du raku élaboré ici et auquel on contribue – elle se tenait au bout d’une allée de platanes centenaires, longue dans le souvenir, ombrée droite on apercevait au loin quelque bâtiment – il y avait là un chien, berger allemand, tenu par une chaîne – cette maison, celle d’un de mes oncles marié à une de mes tantes (fatalement : mais c’est un oncle par alliance, cette tante étant sœur aînée de ma mère) – il y avait dans la grande cour d’entrée où aboutissait l’allée de nombreux bâtiments, dont certains chaulés eux aussi avaient un toit arrondi, des chais ou des caves, où étaient entreposés les restes des moûts des raisins après les vendanges (je me souviens de cette odeur) qu’on nous dépeignait comme des endroits  maléfiques et sacrés (des sables mouvants qui engloutissaient quiconque avait le front d’y entrer –  le moût s’obtenait alors par foulage mais je n’y ai jamais assisté) – les cépages des raisins étaient le syrah et le cabernet sauvignon (noir), donnant des fruits mauve foncé – plus tard, vers la fin des années cinquante (ou le début des années soixante, je ne sais pas) après expropriation (avec dédommagement, je crois bien), cet oncle acheta une autre propriété du même ordre, (même cépage en tout cas crois-je me souvenir) située à une centaine de kilomètres au sud de Rome. Il ne fait pas de doute que les souvenirs mêlent les deux maisons en une seule et même pourtant différente et semblable aussi pourtant – blanche grande claire grandes fenêtres et voilages – je me souviens assez bien de celle d’Italie, j’y suis allé à l’été soixante treize, lors du voyage que nous avions entrepris, un de mes amis et moi, dans sa deux chevaux 

 

 

il y a une ombre, un fantôme, une goule, quelque chose qu’on cache – même si on cherche à (se) la cacher, elle réapparaît – c’est là et ça ne partira jamais – il y avait dans le milieu de l’escalier qui allait à l’étage, dans la courbe, un pallier où donnait une petite porte qui elle-même donnait dans un espèce de grenier – probablement une remise – un endroit où se trouvaient les objets au rebut mais à cette époque-là, on gardait les objets, c’était juste après guerre, on ne faisait pas encore dans le jetable le gâchis les déchets – on gardait peut-être bien tout et lorsque les gens étaient riches, ils gardaient ce qu’ils avaient acquis
“après-guerre” qu’est-ce que ça veut dire, laquelle ? plus on s’en éloigne et plus elle paraît illusoire, finie, défendue – elle n’a jamais voulu écrire, ni lire d’ailleurs : elle a vécu ces moments-là (elle est de 26) et plus tard les autres qui seront retracés plus loin

– partout des images – partout des portraits des gens (ou des lieux) qu’on aime sans les connaître –
des lieux, ici l’un d’eux
c’est une vue de Hammam Lif (une ville de banlieue par laquelle on devait passer pour rejoindre la propriété de F. (à Créteville – aujourd’hui c’est une prison)) (olives et vignobles) (devant chaque rang, un rosier) – c’est certainement là et ça hante (Hammam parce qu’il y avait là des sources d’eaux chaudes, thermes sans doute – Lif , ça veut dire la vie en arabe – ajoute un “e” et c’est la même chose en anglais) : de l’autre côté du mont Boukornine, là

 

cette maison-là était celle où vivait sa sœur – son étage où se trouvaient les chambres, les salles de bain et au milieu de l’escalier, dans son coude, ce petit pallier et cette petite porte (foncée de bois arrondie en son haut) – y retourner aujourd’hui et voir les deux canapés de cuir blanc qui se faisaient face, de part et d’autre de la table basse (verre sur fer forgé) sur laquelle elle posait un ou deux livres de photographies ou d’autre chose, devant une cheminée tellement inutile – sur l’avaloir vaguement oblique il avait installé un grand miroir vénitien qui mimait un soleil dont les rayons de bois dorés s’étalaient sur la presque totalité du muret

aucune idée de la façon dont ils emménagèrent – il a bien fallu qu’ils emménagent – il paraît que F. lui a fait une cour incessante assidue envoyant fleurs bouquets bijoux cartes et d’autres choses encore – on aime à romancer – il venait la chercher le soir vers sept heures chez ses parents dans sa décapotable beige sellerie de cuir fauve – il y a eu cette chanson bien plus tard, au sujet d’une femme, un homme qui lui disait

tu ne me trompes pas va |
avec ton cinéma hum hum |
ta robe et tes chaussures |
de la couleur de ta voiture |”

ils allaient dîner, au Kram ou à la Goulette, un restaurant de poissons juste au bord de l’eau
dans le grenier, la remise à laquelle on accède par une petite porte arrondie, au milieu de l‘escalier, au dessus d’une armoire il semble qu’on ait trouvé là des lettres, des photos et un cahier – la couleur de la couverture n’est pas précisée – dans un carton, on les a déménagés et on a remis à l’intérieur, sur la planche du bas, le carton dans l’armoire quand elle a été remontée en Italie

il y a eu les événements et il a bien fallu qu’ils déménagent – aucune idée de la façon dont ça a pu se dérouler – F. avait les cheveux gominés, noirs, peut-être peignés une raie sur le côté il sentait le vétiver et aimait les vêtements de cachemire et les foulards de soie – dans le souvenir il est impeccable, veste de lin doux chemise de couleur tendre sourire agressif sûrement – jamais réussi à savoir sa nationalité, Italie Libye Tunisie ailleurs encore, jamais su

la maison de Frosinone elle aussi était chaulée, on accédait à l’étage par un escalier extérieur : le premier étage était indépendant – vignes et oliviers, un rosier devant chaque rang de ceps – au loin, là-bas, la mer auprès de laquelle on mangeait des granites après le bain et la douche – citron ou fraise –

F. avait aussi la réputation d’être violent – avec sa femme – avec ses employés – certes c’était une autre époque – d’où viennent ces bruits ? comment se crée une réputation ? qui peut savoir ?  – longtemps peut-être durant une vingtaine d’années c’est là qu’ils vécurent sans enfant – il y avait dans la buanderie du rez-de-chaussée à laquelle on accédait par la cuisine, remisée cette vieille armoire, à l’intérieur des vieilleries – là le carton, il a bien fallu qu’ils déménagent les meubles – sa femme le traita ainsi qu’il l’avait mérité lorsqu’il s’éteignit (crabe au colon) (marrant comme les mots prennent un double sens) (il avait cet esprit plus ou moins colonial – ses employés l’aimaient bien, paraît-il – dans le souvenir, mais le seul vraiment présent (et probablement faux mais on s’en fout) il pelait sa pêche avec un couteau et une fourchette)

il a bien fallu qu’elle entrepose les meubles quelque part lorsqu’elle revendit la propriété à l’un des contremaîtres – elle ne pouvait plus supporter de vivre là elle n’avait jamais aimé ni la campagne ni la terre ni ces satanés vignobles – et encore moins ces oliviers tordus par les ans – et puis c’était trop loin de Rome – c’était vers la fin du siècle précédent je ne sais plus qui y alla pour déménager quelques choses ici ou là, reprendre le miroir, les objets auxquels il tenait, non, je n’ai rien pris de particulier* mais le carton est toujours quelque part, dans un grenier, une grange, le fond d’un garage – l’armoire a été remontée dans un appartement via di Ripetta au 22 je crois – elle a disparu, ce siècle avait cinq ans

il y a une ombre, un fantôme, une goule, quelque chose qu’on cache – même si on cherche à (se) la cacher, elle réapparaît – c’est là et ça ne partira jamais – partout des images – partout des portraits des gens (ou des lieux) qu’on aime sans les connaître (ici l’un d’eux)

 

* : mais si, sa montre, une Piaget automatique calibre 51 (le fond blanc en était cassé) (réparée, des chiffres romains y indiquent les heures, le 4 est s’écrit IIII)

Mais c’est qui ?

 

 

Lorsque je repris l’atelier, j’ai cessé avec la prise de tête de la consigne (j’écoute, je lis, je prends des mesures, j’exécute, certes, mais j’ai quelque chose comme besoin de me tenir sur certaines aises) – j’ai lu quelques contributions (j’adore voir et comprendre comment ces ami.es (éphémères, certes) sortent vainqueur.es du bourbier) et j’ai lu et vu la contribution de Françoise Renaud (quelques années de connaissance entre nous) et elle y posa quelques images de ce bourg – j’aime me promener – j’ai l’habitude de croiser le monde – parfois, je le suis – je n’étais pas bien sûr de la façon dont ce petit bourg cévenol était arrivé à la maison mais c’est parce que, aussi, une de mes meilleures amies vit du côté d’un autre, dans le coin, nommé Saint-Ambroix (enfin le coin je ne sais pas bien, non loin par là (vers l’est) dans un certain sud de la France) (un jour on y fut, il y avait en haut de la colline des mimosas, une maison abandonnée – elle est en réfection me dit-elle) oui, c’est pour ça : une sorte d’envie de voyage, un épisode de quelques heures jours ou semaines – mois qui sait mais l’hiver me pèse, tu sais – ces temps-ci où rallongent les jours sans qu’on parvienne à y prendre goût – et passant par là, donc, je me disais « il n’y a donc personne » car les rues furent vides un moment – puis à y regarder de plus près, moins – donc ces gens, ces gens-là, mais qui est-ce donc ? 

 

En vrai, le village, le bourg, l’endroit ou la commune débute sur la rive opposée de la Vis  (par là elle va grossir l’Hérault)

rive gauche donc – il y a là une cascade (contrechamp)

y regardant de plus près, trois ou quatre humains

difficile à dire – si on veut aller voir c’est par là

mais non, on avance et, pour tourner à droite, on laisse la départementale (cent-dix je crois bien)

et on croise cette maison :

derrière les arbres sous la véranda

est-ce un signe à l’auto enregistreuse

il semble – on passe – on avance rues étroites personne, pratiquement – puis un homme qui promène son chien (peut-être vaque-t-il, est-il sorti fumer, qui peut savoir) (il est loin, est inscrit quelque chose sur son vêtement)

on prend à gauche, une petite rue qui tourne – monte – fait bon on dirait pas vrai (surtout à l’ombre, oui)

un type qui monte dans sa camionnette (décoration peintures quelque chose) (on ne le verra plus) à la fenêtre du premier étage

(regard caméra) (soleil irisé) rue étroite

elle et il s’écartent – lui

elle

si je pensais qu’il était quelque chose comme onze heures et demie c’est qu’il y a, au bout de la rue ce bar du jardin, cette espèce d’ardoise, ce menu (11,90e ça va encore – les clichés datent de 2016 (ou 14) il me semble – cinq ans au moins)

plus loin, cette petite affichette qui indique

que c’est ouvert, à droite par là – en effet

il s’agit de l’Escope du jardin (kézako l’escope? j’ignore), il y a là quelqu’un, il regarde – je pars, c’en est presque fini – ici le foyer

si on me demande, je dis que c’est un maire ce Jean (un ex-maire) – ou Jacques – ou Jérôme – ou quoi – enfin Rouquette oui –  ces images, presque les dernières, suivantes, bordent le cimetière (je me sentirai plus en fin d’après-midi – j’aurai mangé, on aurait mangé, on se serait un peu assoupis sous les platanes, l’ombre de la place aurait rappelé celle de l’Île-Rousse)

elle aussi promènerait son chien – on passerait doucement, en se retournant

elle nous aurait probablement déjà oubliés – on s’en va, il y encore lui – parait décidé

au revoir

on part

 

l’été

 

 

 

 

dans le c’est pour bientôt d’il y a quelques mois on avait regardé le générique du « joli mai » de Chris Marker (1963) – ici de même celui de Chronique d’un été – ces temps-ci, Edgar vient de taper un siècle – Jeannot est parti (il avait vu ici (posée entre juin 16

(le numéro c’est 14) et août 17

la rue c’est Sarrette-Paris 14) le jour (31 mai 1917, maison natale) (il nous a quitté.es au Niger en février 2004) (fondateur du GREC (groupe de recherches et d’essais cinématographiques – 1970) et des ateliers Varan(1980) quand même aussi) (dans les années 80 il enseignait à la Sorbonne, un de mes profs) (non, mais le documentaire moi, parfois c’est non – ces temps-ci c’est la mode, encore moins donc – je suis une tête de mule, je sais) or donc

(c’est avec cet Anatole-là que Jeannot a crée dix ans plus tard, le GREC – grand producteur de la nouvelle vague, entre autres – on l’aime encore assez bien lui)

passe le monde (en plongée)

début des années soixante (le film a débuté, se déroule)

Marceline qui cherche du travail (et qui en a trouvé) – générique de fin

(on marquait le mot « fin » à la fin des films, tu te souviens?) (à l’ancienne) sur les Champs Elysées, image bougée tu vas voir(travelling avant)

le noir & blanc ou parce que je n’avais pas dix ans – un certain charme ? (remarque le parapluie, la pèlerine…)

(je ne suis pas certain, mais il me semble qu’il s’agit d’Edgar qui les remonte) (il va croiser ,peut-être, vendant son New-York Herald Tribune, la Patricia d’À bout de souffle) (peut-être)

(en 60, Edgar tape les 40 piges, Jeannot (il est de 14) près de 46)

(un ouvrier pour 3 étudiants) un autre dos, noir celui-là

(la classe comme générique, il me semble)

 

il me semble que c’est Jeannot de dos, là (les parapluies,les reflets…)

ces inconnus à qui Marceline demandait  » et vous, êtes-vous heureux ?  » parfaitement sérieuse

techniques, assistances

j’aime le cinéma mais jamais il ne m’a nourri – sinon spirituellement peut-être

par exemple aux techniciens, pour des raisons financières et de droit, on pose les prénoms (c’est ainsi qu’on les rémunère, qu’on les inscrits sur des listes, qu’on en fait des professionnels avec la carte…)

il m’émerveille mais j’agonis ses manières (la secrétaire en plus petit – c’est une femme c’est entendu)

de petits signes à peine perceptibles (lui avant elles)

on s’en fout, il faut y être au générique, c’est tout – mais dans un certain ordre –

kinotechnique, kézako ?

(André Coutant a inventé une espèce de caméra, c’est pour ça)

il pleut, tu as vu

on en termine

les auteurs (il faudrait parler aussi de Pascale Dauman, l’épouse du producteur, de l’un des producteurs (parler de Philippe Lifchitz), du fait d’intituler la firme Argos, de la (co)production, quelques années auparavant, du « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais (1956), il faudrait remonter sous la pluie les Champs Elysées, l’été  peut-être…)

 

Chronique d’un été, un film (assez documentaire mais magnifique quand même) d’Edgar Morin et Jean Rouch

c’est pour bientôt (Le joli mai)

 

 

 

On aime la prémonition, comme on aime la fierté – Godard avec sa chinoise (1967) qui prémonitionne le prochain mai, ce genre de choses – « le blog est fièrement propulsé » ce genre d’obscénité de marché – je n’en ai pas regardé beaucoup (une demi-heure je crois – je l’ai vu en 80 et en entier) mais j’en avais apprécié déjà le générique – c’est un peu la moitié d’un film* que son générique, celui de début – en tout cas, s’il est réussi, c’est déjà très bien. On passe trois minutes de plans assez fixes, de ce genre

* : je me souviens que Allain Leprest disait qu' »une chanson, c’est 50% les mains » (c’est sans doute pourquoi Georges Brassens joue de la guitare)

(une silhouette, féminine – on ne sait pas de qui il s’agit (faudrait voir si elle est créditée au générique de fin – s’il y en a un) (je crois qu’il n’y a que le mot « fin » comme on faisait alors) – elle monte sur le faîte d’un toit, (des cloches, des sirènes de pompiers,un chant… (une voix, celle du récitant) elle s’arrête se tourne vers la caméra) on est fondé à croire (disons) qu’elle voit ce qui suit (des paroles de radio)

c’est Paris – on découvre donc une quinzaine de plans fixes, fumées et brouillards, ombres et lumières (« aridité et tendresse »)

on reconnaît assez vite le décor (n’est-ce pas)

enfin ça pourrait être n’importe où – cependant

un peu de Napo  haut de colonne Vendôme – et puis la porte Dorée

les ponts les métros d’alors

j’en oublie quelques uns (ici c’est peut-être la ligne Nation -Étoile (pas encore dédiée à Charly) par Denfert après le quai de la Gare) puis sera cadré le CNIT de la Défense

en ce temps-là, il y avait là-bas des arbres (c’est à soixante ans d’ici) – un panoramique vers le bas cadrera le Trocadéro

puis ce seront des ombreson décèle qu’on se trouve sur la tour Eiffel – (le récitant « c’est eux-seuls (les Parisiennes et les Parisiens) qui peuvent nous dire de quoi est fait Paris au mois de mai ») et débute le générique (accordéon)

(maison de production qui n’existe plus, créée en 1962) puis

le titre du film donc (durée deux heures vingt-trois)

(Pierre Lhomme est  un opérateur, Chris Marker un pseudonyme) les plans sont fixes, et on entend la voix du

(alors en pleine gloire, probablement aidant au financement du film)

(directrice de production, attachée à la maison Sofracima) puis ici

cette fonction qui est plutôt employée dans le vocabulaire de l’opéra ou de l’opérette (ce doit être la scénariste, probablement) (on indique sans doute par là le fait que le film du genre documentaire a quelque chose d’un peu différent de ses homologues) on continue

« tout est vrai » – puis

(c’est à cette fonction que Rouch et Morin avaient engagé Marceline (encore seulement) Loridan (avant de devenir Ivens bientôt) pour leur « Chronique d’un été » – ça donne l’idée de faire pareil pour cet autre) (on en reparlera) (je vais me renseigner sur ces enquêteurs-là)

(le cinéma est un truc de mecs)

ici la production

et là le montage (castratrices alors ?)(ce sont des images animées : passe la DS, une autre entrera)

(le crédit aux marques et aux puissances de production techniques)

le visa d’exploitation obligatoire et la profession de foi

(la guerre d’Algérie et les accords d’Évian (mars 62) c’est du passé) et le film peut, à l’ombre de la tour, commencer…

 

 

(graphique en diable : l’année précédente, c’était « L’année dernière à Marienbad » (Alain Robbe-Grillet, 1961) lion d’or à Venise, encore un auteur (comme Marguerite Duras) qui passe à la réalisation et au cinéma (au vrai pour le détruire – dit-elle) (il faut toujours continuer à se battre…)

On espère en ce prochain joli mai…

 

 

en dédicace à Pierre Grunstein (il habite pas loin – je me souviens de « Tess » – son fils (je me souviens de la pelouse et de la Pléiade) et sa fille, en face)

 

 

 

 

les cigognes de Mikhaïl Kalatozov

 

 

 

 

 

Parler de cinéma (soviétique c’est vrai) – une palme d’or en 1958 à Cannes – plus de soixante ans de ça, président du jury : Marcel Achard – la fin de la guerre date de treize ans – le lyrisme : par exemple ce plan, elle court

elle court encore

elle cherche son amoureux

c’est que la guerre commence (il y part, il y est parti)

l’armée qu’on dit rouge et ses chars (travelling bas haut – à la grue sûrement)

elle court encore

elle est sous le titre du film (au dessus du « d » de quand) (c’est une surimpression d’un film annonce – sans doute à la faveur d’une sortie en dvd, un marketing de maçon – lapalissade – en temps de réclusion inique) cependant le plan : une prouesse de mise en scène et en place – les figurants, les chars, la poussière l’héroïne : une merveille, du cinéma tout bonnement – une histoire d’amour

ils s’aiment (mais ne) et se promettent (pas encore) leur vie (presque : un billet qui n’arrive pas à destination (un peu comme dans Cinéma Paradiso (Guiseppe Tornatore, 1988) et le fil se rompt) (une tragédie – une tragédie que la vie, que la guerre…)

pourtant

il la raccompagne chez elle

elle s’en va

mais elle ne le retrouvera plus – noir et blanc sublime (elle épousera un couard (le cousin du précédent), mais c’est elle le centre du film et de la narration)

la guerre

où la mort rôde, la guerre et l’horreur – puis reviendra la paix

sans lui, sans doute… Une vraie merveille

Elle c’est « Tatiana Samoïlova (qui) sublimée par les trouvailles visuelles de Sergueï Ouroussevski (le chef op, formidable) , crève l’écran » (je cite quelques mots trouvés je ne sais plus où).

Quand passent les cigognes, un film de Mikhaïl Kalatozov (son image en entrée de billet) 1958

à voir du même (avec le même chef op) Soy Cuba (l’arrivée au pouvoir du Lider Maximo, en pays frère…)

dans le même registre (la guerre et ses horreurs, comment tenter d’en rendre compte) au lyrisme sublime aussi (mais en couleurs) « Le temps d’aimer, le temps de mourir », Douglas Sirk 1958 (même année…)

 

 

 

Exposition

Parfois quelque fois de temps en temps je laisse mes doigts agir pendant que ma tête digère

dilapidation disruptive

Il y a une sorte d’hystérie en ce moment avec ce qui se passe, je dis ‘en ce moment’ mais ça commence à faire, je dis ‘ce qui se passe’ au sens large, ce n’est pas réservé à une sphère particulière spéciale spécifique etc., vu que ce qui se passe au sens large te dit des choses au sens large qui t’atteignent au réveil chez toi, comment sortir comment ne pas tomber malade, où aller et est-ce que c’est autorisé d’aller acheter les chaussettes pour le petit dernier, bref le mot que je cherche est quotidien, ça touche au quotidien

Je passe sur le fait que la parole n’est pas égale et que, de loin, à vue de nez, à ouïr d’oreille, on a l’impression que ce statut est partagé (rester chez soi en se posant des questions existentielles sur le sens de la vie tout en relisant Proust et en faisant soi-même son pain serait une pratique commune), ce statut serait significatif symbolique, à se demander quels petits corps magiques aux mains magiques et transparentes te donnent ton ticket de caisse

Ce qui se passe en ce moment a une couleur et surtout une rapidité et une texture papier de verre incontestable
La couleur je ne sais pas, si je demande autour de moi elle est plutôt très moche

La rapidité c’est que tout s’enchaîne s’escalade brinquebale breloque palpite en ribambelles de dominos jetés à travers la pièce, si je prends deux minutes pour regarder ça me fascine

Parfois c’est une tragédie grecque ou du Labiche ou un chapitre du Prince de  Machiavel, il y a du mensonge des postures et des sous-entendus des tractations internes des négations intempestives des réactions épidermiques enfantines – de gens qui sont plus vieux que moi parfois, comme quoi

Il y a beaucoup de violence beaucoup beaucoup de violence les rézos les rézosocios c’est sûr mais est-ce que c’est certain, je veux dire est-ce qu’ils ne sont pas le symptôme de la maladie ou comme on dit la pointe de l’iceberg (iceberg, banquise fondue, à ce propos dans ma ville les branches de sapins coupés couvertes d’une mousse blanche chimique polystyrène décorent les rues, c’est une camionnette de la mairie frappée d’un logo écoresponsable qui les décharge)

Je crois qu’il y a beaucoup de violence parce qu’il y a une contradiction géante quelque part qui flotte là-haut

Par exemple donner la parole à de plus en plus de gens mais ce sont toujours les mêmes qu’on entend

Oui je ne dis pas « donner la parole à de plus en plus de gens et en même temps ce sont toujours les mêmes qu’on entend », je ne dis pas en même temps, je dis mais, ça me semble plus factuel

mais primitif

Par exemple ces idées qui parlent d’un mythe superbe la Fronce ce grand pays mais Calais ce qui se passe à Calais (quand ça se passe idem éclairé par la tour Eiffel, l’effroi soudain, la découverte parce que des phares s’allument)
et par exemple les femmes qui accouchent sur la route de la maternité parce qu’elle est loin, qui accouchent sur le bas-côté (c’est un exemple)
et par exemple des bureaux de poste fermés mais tu peux demander au facteur à la factrice de passer pendant sa tournée sonner chez ta grand-mère pour voir si  elle va bien si ça t’inquiète (service payant)

mais irréparable

Aussi le mais de la contradiction, cet homme jeune, bien mis, qui semble tout à fait civilisé, libéral au sens de liberté, mais c’est un vieux monsieur, très vieux, un contemporain de Victor Hugo si tu vois ce que je veux-napoléon-trois-dire

non mais

un vieux monsieur qui donne des ordres pour qu’on rajoute des dorures sur les murs du salon de son versailles mais il y a par exemple des étudiants qui meurent littéralement de faim qui font la queue à la croix rouge je dis pas en même temps tu vois je dis mais parce que ce qui flotte en très grand est un Mais gigantesque
les dorures mais les crève-la-faim

donnes-nous notre mais quotidien

Je crois que ce mais qui clignote et puis qui disparaît et puis réapparaît, arbitrairement, violent, c’est violent, c’est violent de voir la parole inversée et pour le coup la parole inversée touche à cœur à l’essentiel du centre, touche à Proust et aux mains des caissières tout pareil à la même altitude

(des lits d’hôpitaux fermés mais pour soigner, des usines qui fabriquent des raquettes de tennis mais on ne peut pas jouer au tennis, des restaurants qui ouvrent mais pas les universités)

combat entre mais et I prefer not to

L’hystérique du mais qui ne dit pas son nom doit se sentir très seul, il ne parle à personne, écoute des militaires et puis fait au jugé comme ça vient, coup par coup, avec une confiance en ses capacités à rebondir démesurée, il est capable d’affirmer que s’il rebondit à coté c’est un test pour voir si tout le monde suit

ce qui dans les mais indispose

Il fait au coup par coup comme ça vient en s’inventant des personnages j’aimerais bien être solennel se dit-il j’aimerais bien être princier se dit il j’aimerais bien être inventif disruptif se dit-il mais mais mais tous les mais qui ne sont pas des en même temps claquent comme cymbales, il faut dire que son emploi n’étant pas au départ destiné uniquement à l’art dramatique et les caméras étant partout, réellement partout, on peut filmer les cafouillages de l’acte deux scène un, un peu comme ces fans qui débusquent la rallonge électrique sous le corps du noble Boromir ou la montre à quartz au poignet d’un barbare dans Braveheart

extraction de mais avec aiguilles

Il a monté les échelons avec un « en même temps » mais c’est un mais qu’il faut entendre, et comme c’est psychologiquement maladif, c’est contagieux, ça fabrique ces éruptions volcaniques qu’on représente par du coca-cola qu’on a secoué, c’est contagieux parce qu’il organise autour de lui  ceux et celles qu’il embauche selon ce dogme

Par exemple, et de façon simpliste, Premier flic de Fronce mais faveurs sexuelles, ce mais qui ne peut pas être civilisé génère des retombées

Premier ministre de Fronce chantre de ce grand pays à l’histoire admirable grand H mais qui dit « peuh il faudrait s’excuser pour la colonisation et que sais-je encore ? » et hop d’un petit coup de talon gomme le passé

Un homme noir sous les coups répétés appelle à l’aide, il dit Appelez la police ! mais c’est la police qui frappe, ça en fait un grand MAIS, le symptôme ravageur d’une maladie de vieux monsieur

Il y a aussi maintenant j’y pense ces experts convoqués pour s’intéresser / conseiller / améliorer l’éducation (grand é) qui sont dans le civil vendeurs de flamands roses au mieux, au pire membre du GIGN, ce mais là est spectaculaire

Quand l’hystérique tout en haut joue avec ses névroses comme le saltimbanque lance ses quilles, et comme il lui prend l’envie de les enflammer parce qu’il aime les couleurs chatoyantes, ça brûle

Garant de la liberté de la presse mais le dit sur sur facebook, car ne sait pas se servir des symboles, sauf quand il s’agit de jouer l’empereur marchant devant une pyramide (du haut de laquelle des siècles nous contemplent voilà)

On devrait vivre en paix dans un monde civilisé puisqu’on a l’électricité, de quoi nourrir, de quoi loger tout le monde mais mais mais symboliquement a-t-on vu dernièrement un symbole de paix quelque part ?

C’est que les mots sont mélangés, paix égal sécurité égal contrôle égal consignes et châtiments, ça jongle des paillettes nocives

Après comme disent les sages il n’y a pas de hasard, peut-être que sa venue était logique, qu’il est arrivé à point nommé au moment où il le fallait, une longue montétrumpization, d’accord, mais très honnêtement, va falloir qu’il reparte

Je ne sais pas ce que diront les futurs et futures historiennes historiens de cette période que nous vivons dans deux cents ans, quand nous devrons nous endetter pour acheter nos bouteilles d’oxygène portatives (je ne suis pas pessimiste, juste un chouilla, c’est juste que parfois quelquefois de temps en temps mes doigts s’activent et ma tête digère)

le mais statique et la technique du mini-fight