Jusqu’au bout du monde

 

(ce n’est pas tant que ce film ait besoin qu’on en parle-grand prix du jury à Cannes cette année ça va plutôt bien pour lui – sans compter la pléiade de vedettes -elles sont cinq qui tiendraient seules chacune un film à bout de bras et hors de l’eau-, mais c’est cette façon de parler le français qui fait avancer le truc : le cinéma des US des fois ça va bien) (on ne parle guère du cinéma indien, tu vois, philippin ou je ne sais pas trop ces industries d’autres pays – a-t-on le droit de dire « je ne sais pas trop » j’ai peur que non, il faudrait chercher, j’ai pas le temps je ne sais pas où et les semaines succèdent aux précédentes) (en même temps, c’est aussi une affaire un peu sotte que de parler d’un film qu’on a vu : il faudrait faire l’inverse) (tant pis) 

Ce sont donc cinq rôles, un premier disons

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(Gaspard Ulliel, Louis) et quatre autres (seconds ?). Les voilà tous autour de la table, on ne voit guère Vincent Cassel -il est en bleu – c’est le fils à Jean-Pierre- il jouait dans la haine il y a vingt ans -ici Antoine)

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il s’agit d’une famille (point de père : est-il seulement celui des trois, ou y a-t-il un secret ?), on reconnaît la mère (Nathalie Baye, en brune : Martine) puis sa fille ( Léa Seydoux, en tatouée dite Suzanne) au fond le fils par qui le scandale n’arrivera pas (Gaspard donc), l’aîné des enfants donc Vinz, et un peu de dos la bru (Marion Cotillard, Catherine). Il y aura bien un petit rôle de silhouette dans la scène de lit mais on l’oublie bien qu’il soit au centre du mutisme qui s’emparera de Louis – ou alors celui-ci (son mutisme) était déjà programmé (mais auquel cas il n’y aurait point de film). Louis vient annoncer sa mort prochaine à sa famille qu’il n’a pas vue depuis douze ans. Il ne l’annoncera pas (n’y parviendra pas, probablement), mentira sans doute en disant qu’il reviendra souvent, puis s’en ira. Unité de temps, de lieu, d’action (on passe sur les flash back qui mettent en scène Louis, un peu Antoine, un peu pas mal Pierre -son ami d’enfance, amant, amour, qui vient de mourir).

C’est un film qui reprend la trame d’une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce (librement adapté, dit-on)

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mort du sida en 1990. Ressent-on quelque chose de ce théâtre , sans doute (le carton de début dit « quelque part, il y a quelque temps » sans autre forme de précision), une espèce d’huis-clos, quelque chose de la contrainte, de l’autobiographie ? Peut-être, mais en sortant de la salle (où était-ce ? sur le quai de Seine, vu que le film est co-produit par cet exploitant-prod-distrib), je me disais que le pacte qu’on a avec un film était rompu : on sait que Louis va annoncer sa maladie sa mort prochaine qui lui vient d’elle – ou invente-t-on ? je ne sais plus exactement…- , mais puisqu’il vient dans ce but revoir sa famille (comme une dernière fois) tout tient sur cette annonce, une espèce de suspens peut-être; comment va-t-il s’y prendre – on voit bien ses réticences et ses difficultés, il en parle avec son amant-ami-mari au téléphone (est-ce bien un homme au bout du fil, je ne sais pas bien : il faudrait réentendre pour déterminer l’indice qui nous conduit à le savoir, ou le croire) – mais d’annonce, point.

On dira c’est l’incommunicabilité qui est mise en scène. Bof. Mais en français, en tout cas. Ca rappelle un peu ce qu’on disait des personnages du nouveau roman à une époque (qui brisait, parfois, le pacte avec le lectorat). Ca rappelle aussi ces films qui disposent d’une fin qualifiée d’ouverte (c’est au spectateur comme il l’entend de finir). Ca ne me plaît pas. Ca n’a pas d’importance, c’est vrai, mais c’est dommage (les acteurs, même Vinz/Toineau, ont quelque chose qui indique une direction forte et maîtrisée) parce que ça n’aide pas à croire en ce cinéma-là, or le cinéma, c’est l’art de l’illusion par excellence, et donc de la foi…

Tempête

 

Le fait est qu’il faut aussi faire en sorte que le cinéma vive : je ne suis pas complètement sûr que ce que je fais soit digne (?) d’attention pour le cinéma – le cinéma français – qui est un peu différent des grosses machines qu’on peut trouver ailleurs -jte parle même pas de l’Inde, hein, ni de la Corée ni de la Chine, ni mondial ni rien, jte parle du cinéma d’ici – je n’ai pas de prétention à la critique savante, je fais vivre ce lieu de ces images qui, une fois diffusées sur écran se perdent dans des limbes inconnues un peu comme lorsqu’on fait une faute de frappe et qu’on efface cette lettre, ce mot, qu’on le dépose où ? Qui dira la tristesse des mots laissés dans les corbeilles ? là c’était en DVD alors on pourrait le mettre dans le salon, mais non, c’est cette maison-là, toute entière, peuplée de fantômes et de revenants : les personnages de ce film-ci, le fils Mattéo

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Mayliss la fille -adoptée, on ne lui connait pas de père – sinon celui-ci-

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et le père Dominique

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interprètent des rôles, ce sont les leurs (les mots sont beaux, de temps à autres : ce sont des leurres, oui) il y a peut-être quelques années de cela. L’histoire est un peu la leur, ils jouent

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ici au scrabble, ils interprètent, ils sont eux-même tout en étant des acteurs de leurs vies passées. C’est un très joli abyme : une tempête parce que le métier du père (le « grand métier » dit-on) c’est « d’aller à la mer » (pécheur sur un chalutier en haute mer : escale à Cork (Irlande) où débute le film, passage aux Sables d’Olonnes, puis dans la campagne environnante, petite voiture) : dans ce dispositif, on pense à ce film avec le Lindon (il y incarnait un agent de sécurité) (en même temps je cherche dans mon souvenir le titre, « La loi du marché » voilà (Stéphane Brizé, 2015) où les acteurs eux-mêmes jouaient leurs propres rôles -pas le Lindon qui reçut cependant un prix d’interprétation à Cannes si je me souviens bien) (on n’a guère le droit de se tromper de nos jours, avec cet internet où on peut tout vérifier) ou cet autre film, je ne sais plus, où cette cinquantenaire (je me souviens que cependant Nicole Garcia avait présidé à l’octroi, pour ce film d’une récompense : mais tout ceci est trouble) cette cinquantenaire donc décidait de retourner à son métier d’entraîneuse alors qu’un mariage avait toutes les chances d’aboutir (c’était « Party girl » caméra d’or en 2014 -Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis). Le réalisme documentaire, une sorte de sillon tracé ici, décalé de la fiction d’une certaine manière dramatique mais aussi comique, ou burlesque parfois.  Ici, ce film nommé « Tempête » (Samuel Collardey, 2015) fait la part belle aux acteurs qui sont dans leurs propres rôles, le film fonce sans pathos. A voir (le père, Dominique Leborne a reçu un prix type Lion d’or je crois, ou coupe Volpi à Venise) (je rechercherai, j’ai pas le temps) je m’en vais…

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Il y a une faille

Il y a une faille. Dans la toile bleue de l’univers. Un accroc vivant et inquiet comme un regret impénitent. Il y a cette béance à travers laquelle je respire, ces jours de trop grande affluence  où les portes me tiennent lieu de douane. Et je ferme la frontière du monde pour m’agripper à cette issue. En ce moment, je la repasse. Vois comme elle soupire sous le fer, la vapeur s’éprend de ses fibres et je m’applique sur les lisières, précisément là où, de temps en temps, l’étole rebique, se rebiffe, crolle.

Je le raconte aux oiseaux. Des corbeaux au plumage humide, qui picorent le linge défait, ratatiné dans l’odeur de frais émanant de la malle. Je me contente de leur présence. Depuis que j’ai perdu le sillage des anges qui traversaient quelques fois jusqu’à moi. On n’est jamais digne d’un verre d’eau et j’ai osé le refuser.

https://youtu.be/Jk0TbvNHhxg

Souvent, je regarde au-delà. Partout, à tout moment. Bien sûr, les souris me voient refaire les lits de ces gestes amples, avatars d’une liberté publicitaire. Elles ne soupçonnent pas un instant que je déploie un horizon, une prairie, un lac, un mont.

Je me confie au léopard, souple chaleur au pied du lit. Je veux bien qu’il lèche mes mains, mais juste le soir, en ronronnant. Les griffures d’ambre sur son pelage me réjouissent. Je sens des tenailles et des crics  bourdonner dans mon ventre sec. Et je fourrage dans ses poils pour deviner l’odeur des jungles bruissant sur le plafond éteint.

J’envie cet autre côté, je le regarde fébrilement, parfois sous les yeux de l’orque de baignoire – Comment fait-il pour vivre dans un si petit espace ? -. Je le projette dans mon miroir et là les océans grignotent des remords d’îles et de fjords efflanqués.

Dans ma malle, les torchons s’accumulent, les serviettes de bain s’empilent, un oiseau trône sur la colonne, petit stylite  impassible. La table se couvre de mouchoirs, damier de couleurs variées. Ils n’ont en commun qu’un serrement, une chiffonnade, un épanchement. Ils ont le compte des sanglots. Je les efface à coups de fer.

De l’autre côté, un chat danse. Ses pattes sont dorées comme ce rire, le tien peut-être, qui sonne l’angélus dans ma tête. Je voudrais tant le caresser, je l’attire avec du lait et des senteurs de cuisine rousse. Jambe de sable d’Italie. Mais il ne vient jamais ici. Alors, je lisse les plaies de la faille. La cicatrice est toujours vive. Comme moi, te souviens-tu que je t’aimais ?

Florence Noël

Rire, oui, et se battre.

 

 

De temps à autre, il est peut-être bon aussi de faire de la propagande (je parlais hier de cette maison(s)témoin avec Joachim qui en est un des instigateurs, et l’idée de parler de ce film est venue comme de juste : à quoi ça sert une maison(s)témoin ? à propager le bon cinéma, et la bonne éthique). Encore que… mais bon, on a des trucs à faire.

Il paraît que ce film a déjà été vu par plus de cent mille spectateurs en salle, ce qui est déjà (presque) un exploit. On avait vu le film annonce il y a quelques semaines, on irait. On y fut. On n’est pas déçu.

On aime même beaucoup. C’est que l’histoire ressemble un peu à celle de « Robin des Bois » (ah Errol  Flynn…!!!) (Michael Curtiz et William Kelghley, 1938) (et Olivia de Havilland…)

robin des bois

mais en plus moderne : donner aux pauvres en prenant aux riches. C’est cette peur d’être ainsi découvert, ou sali (à travers une image faisandée), ou pris pour ce qu’il est qui fait sans doute agir le milliardaire.

BA fdp

On le voit, en assemblée générale (je crois que c’est en 2012) brandir une sorte de menace de révolution, pathétique et lifté… Une horreur mais le film prend le parti inverse de ce mot

Mr et MMe Klur et Ruffinle réalisateur François Ruffin, ici en compagnie des époux Klur

et préfère en rire.  Je me suis un peu demandé ce que devaient ressentir les autres employés du magasin où le contrat à durée indéterminé a été signé par monsieur Klur. J’y ai cru, en réalité, comme au cinéma. J’ai aussi cru au fait que cet homme, directeur d’une usine du groupe sise en Bulgarie, parle avec un cynisme consommé

directeur usine builgarie

d’une main d’oeuvre qui, en Grèce, devrait devenir moins onéreuse vu les conditions économiques imposées par… Oui, par qui sinon lui-même, son patron et ses affidés ?  (le complet, là, qu’il porte, est vendu dit la journaliste d' »envoyé spécial »plus de mille euros, pour une main d’oeuvre équivalent à trente euros…).

La même chose m’est arrivée, il y a quelques jours, en passant le pont Neuf, et on voit dans ce « Merci Patron » (François Ruffin, 2015) quelques employés de cet ex- grand magasin parisien transformé dès tout de suite en hôtel de luxe

vert galant square 2

ça, c’est Paris, et nul doute qu’on trouvera dans ces murs quelques uns des fleurons des marques possédées par le milliardaire. J’ai pensé encore aux personnes foutues dehors par le fabricant de pneumatiques déjà illustré ailleurs. Ce qui me fait aussi penser que, les jeudis qui viennent, et même si ce n’est pas tellement mon genre, il va bien falloir aller manifester contre cette loi indigne et abjecte qui instaure (entre autres ordureries) que les congés pour perte d’un être cher soient réduits à rien (de cette loi, le journal Fakir se fait le porte-parole ces temps-ci avec ses épisodes de « Merci Myriam » ).

J’ai repensé à ce bernard tout à l’heure en entendant Monique Pinson-Charlot parler à la radio de la réunion qui a eu lieu avant hier dans un des amphithéâtres de la faculté de Dauphine, dans le seize (bizarrement, la « fondation pour l’art contemporain » du milliardaire se trouve dans ce quartier . C’est Paris aussi, ça : le loyer, fixé pour cinquante cinq ans, de cette fondation : cent mille euros par an… Une misère. Ladite fondation a été construite par le même opérateur que celui qui sévit déjà sur l’emprise de l’aéroport inutilement pharaonique de Notre-Dame-des-Landes : il n’y a pourtant là aucun mystère, et les affaires ne sont  que les affaires).

C’est la fatigue qui m’étreint. Et c’est la honte qui me tombe dessus quand j’entends ici que dans ce beau pays, on accueille vingt quatre mille réfugiés et qu’en Allemagne, on en accueille un million. C’est l’horreur que je sens, cette peste brune décomplexée et fière d’elle-même.

Rire, oui, et se battre. On va dans la rue, donc, aujourd’hui, et les jeudis qui suivent.

Ca ne finira jamais

 

 

Ils se réunissaient dans le séjour, regardaient la télé, se chamaillaient parfois, riaient, entendaient avec un léger sourire (mais ils étaient muets) les paroles du prétendu « père »

homeland 2.2 image

et puis il y a eu la deuxième guerre, c’était la troisième, c’était un moment où les tours jumelle avaient été détruites -le « centre du commerce mondial » ainsi dénommait-on ce couple d’immeubles de grande hauteur-, où il fallait que l’occident (comme on a pu haïr l’abject groupuscule qui portait ce sobriquet…) se réveille et montre (nous y avons été) au reste du monde que les choses devenaient intolérables (on a vu, à Abu Grhaïb par exemple, ce qu’il en était de cet occident-là), et qu’il fallait en finir avec Saddam Hussein et sans doute surtout ses deux fils. Abbas Fahdel nous montrait la vie quotidienne qui précédait l’invasion étazunienne, à présent dans ce deuxième volet, on entend comment la guerre est venue disloquer la société, comment tout ou presque a été détruit…

Homeland 2Abbas Fahdel

(ici lors de la présentation du film au Forum des images, l’année dernière). Il a donc fallu plus de dix ans pour qu’ici on envisage que le monde, en Irak comme partout, je le crains, est simplement peuplé de gens qui ne veulent que la paix. Je le crains parce qu’il n’est pas rare qu’on entende, un peu partout, les bruits de la guerre…

homeland 2.1 sa nièce

(la nièce du cinéaste, « nous avions du mal à en croire nos yeux, mais nous étions contents » dit-elle, après que les fils du raïs aient été montrés morts à la télé…).

La vie n’est jamais facile, nulle part, quand même en temps de paix. Jamais. Elle n’est jamais simple non plus. On parcourt Bagdad, on va ici chercher des rations de farine ou d’huile, là conduire les enfants à l’école : plus personne au fond n’est à l’abri, et la guerre intense ou sporadique, la guérilla urbaine, les voyous qui se servent, les repris de justice, meurtriers violeurs laissés en liberté, armés, la loi du plus fort, du plus injuste, du plus cynique ou pervers, voilà telle qu’en elle-même, la vie laissée là comme ailleurs (en Lybie, ailleurs encore…) par cet occident-là…

Tu sais, il lui en fallut du courage, à ce type (dans les divers reportages, on le voit sourire, on le voit parler vivre en français…) pour filmer et dérusher et monter et montrer enfin ces quelques heures.

homeland 2 Haïdir

Du courage et de l’amour pour les enfants : ici, Haïdar, le neveu du cinéaste, cette personne magnifique et convaincue…

l'amour des enfants

Les enfants, ce sourire, cette malice joyeuse, les jeux avec le jet dans la cour, le plaisir du rire, la discussion qui pourrait aussi tourner très mal (une séquence au marché, avec Haïdar qui défend, dans un lieu baassiste

haïdir au marchéla mémoire de ceux qui sont morts sous les coups de Saddam, tendue, et lui magnifiquement sincère…), le temps passe, c’est vrai aussi, mais la culture, détruite, annihilée,

cinémathèque dévastée 1

(les images sont ce qu’elles sont, tant pis)

cinémathèque dévastée 2

archives télévisuelles, filmiques, cinématographiques,

cinémathéque dévastée 3

tout est mort, tout est dévasté, mais quand même est-on là, on regarde ce gâchis, cette guerre et ce sang qui sans cesse abreuvent les haines, la tragique fin du film est là, oui, Haïdar on ne t’oubliera pas, certainement pas, mais c’est parce que c’est là, devant nous

Homeland 2 cinémathèque 2

et si quelqu’un demande pourquoi il y a encore des artistes sur cette terre, et pourquoi le chemin est encore éclairé, on pourra lui répondre qu’il existe encore des gens et des choses, encore des enfants et des rires, et que ça, ça ne finira jamais

 

« Homeland, Irak année zéro », en deux parties, film d’Abbas Fahdel (on a fait les mêmes études, lui et moi, dans le même lieu, avec les mêmes profs-sauf que j’y passais quelques années avant lui : en souvenir de Claude Beylie, pour ma part)

Vivre en paix

 

 

Comme il va y avoir la guerre, c’est un fait entendu, il va falloir la préparer (ici, le jeune neveu du réalisateur pose des scotch sur les vitres des fenêtres en prévision des bombardements)

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on cherchera à pomper de l’eau du sous-sol, on fera face comme on a fait face il y a une dizaine d’années, comme aussi durant la guerre contre l’Iran, à la télévision, on verra passer toujours et toujours le Raïs, le maître, le presque Roi, le dominateur

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Saddam Hussein qui sait qu’il va falloir aller à la guerre et y envoyer son peuple, qu’il salue, on le voit en militaire, on voit les personnes assises qui le considèrent avec une sorte de sourire, ou de détachement, il est en place depuis tant d’années, il a sauvé sans doute le pays, une sorte de confiance peut-être, une sorte de fierté ou de nationalisme, quelque chose qui fait penser, bouger, agir sans doute mais tellement absurde, inutile et rance, toutes ces vies qui vont disparaître et pourquoi ?  Les enfants, quant à eux, n’en ont pas grand chose à faire, ils rient, jouent, vivent et rient mais fondent aussi sur l’avenir un présent qui vivra

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ils rient, s’amusent mais les jeux sont un peu différents

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parfois une arme à feu, mais si souvent des jeux simples, envoyer à ceux qui sont en bas des fruits de l’arbre, partir dans un verger, nourrir les bêtes, bien sûr on sait que ce qu’ils font est en prévision de la guerre, on sait que l’avenir sera sans doute blessant et difficile, mais ce que montre le film, c’est qu’on croit encore à la vraie toute puissance de la réalité, de la force du chef, et que, puisqu’il faudra sans doute aller à la guerre, on ira défendre des idéaux qu’on croie fondés… Les automobiles sont fréquemment usées et américaines, on prend une barque, on traverse le fleuve est-ce le Tigre ? je ne sais pas, mais j’y ai pensé lors des remous traversés, le bleu du ciel mais le chauffage au gaz, tout de même parce qu’il fait froid, les femmes plus loin boivent du thé

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et plus tard, on mariera l’une d’entre elles, lors d’une fête magnifique, où les hommes chanteront et ainsi des femmes, elles danseront, les enfants rient encore, on croise les souks, les métiers tailleur ou métalliers, ou ici ce vieil homme qui vend dirait-on des chaussons à la viande

homeland 6

on salue la caméra, on aime être filmé, on aime tout court semble-t-il vivre, comme à Tunis ou Istanbul, rien ne diffère, on voit des embouteillages, la ville, la campagne, une lumière magnifique, et loin pourtant, loin (bien que le film commence par le passage d’un hélicoptère) la guerre qui va venir, qui viendra, inéluctable et promise par la voix off…

Alors, pour ma part, je ne sais pas mais c’est le titre vraiment « Homeland » (cet anglais qui veut parler américain) qui m’a frappé : j’ai recherché un peu le visage du réalisateur et j’en ai trouvé bon nombre (je vois dans sa biographie qu’il a étudié le cinéma dans la même université que moi dis donc)

Abbas-Fahdel

le voici (je procède comme pour les femmes cinéma de numéro précédents qui sont au salon), qui ressemble (j’ai choisi la photo) à son film : quelque chose de la gentillesse de l’enfance (j’y ai aussi retrouvé un peu de la mienne) (une photo ne veut rien dire non plus, sinon ce qu’on y projette, je sais bien) mais je me suis demandé pourquoi ce titre en anglais ? Le traduire par « patrie » ou « patrujo » en esperanto, heimat en allemand (vaterland aussi bien) ? Je ne sais pas, non, mais la guerre (elle est là, juste ensuite, juste après, le petit garçon de la première image y mourra, on le sait, on nous le dit…)  cette horreur, là, pourquoi ?

 

(je tente l’expérience qui consiste à écrire à propos d’un film sans en avoir vu l’entièreté : un deuxième volet/partie/épisode (et peut-être sera-t-il  ailleurs dans la maison) sera peut-être développé, j’en sais rien, lorsque j’aurai vu la deuxième partie) (il s’agit d’une sorte de film documentaire : ça se passe en Irak, au début des années deux mille, lorsque la guerre n’était pas encore déclarée contre les agissements de Saddam Hussein qui dirigeait le pays d’une main de fer, la République d’Irak quand même; il était adulé de beaucoup cependant et certainement pour d’autres raisons que la peur; on se souvient aussi que cette guerre a été déclenchée par ce Georges Bush junior, lequel a pris pour prétexte la possession par la République d’Irak »d’armes de destruction massive » – ce vocabulaire à vomir- qui se sont avérées, plusieurs années plus tard (mais on le savait quand même dès le départ) , être inexistantes : Saddam Hussein, pour sa part, a été mis à mort par pendaison (après un procès étazunien), après avoir été retrouvé dans une cache, si mes souvenirs sont bons, dans sa ville natale de Tikrit) (on sait, par ailleurs, ce qu’il en est advenu de l’Irak aujourd’hui et ce par la grâce -pour une grande partie – étazunienne, alliance qui s’est ici comportée de la même manière qu’elle se comportait au Chili en mille neuf cent soixante treize, ou dans d’autres lieux du monde où elle défend les intérêts de son idéologie et ses valeurs que je ne qualifie pas).

 

 

Une heure trente de PR

 

 

(je flanque ça dans le séjour : je ne sais pas exactement le distinguo, probablement extrêmement subtil, qui a prévalu à la mise à disposition dans cette maison d’une telle pièce : je devrais peut-être demander à l’agent qui mangeait dehors son sandwich) (ou alors à la rubrique « nos questions« ) (dans laquelle je pourrais aussi demander pourquoi on ne trouve pas de « dressing »dans cette maison) (mais je m’égare) (où sont les toilettes ?)

C’est que, dans le séjour, on trouve ça

sé

ce qui ne mange pas de pain, sans doute, mais enfin qui vous pose le bonhomme.

« Ca » c’est l’écran plat.

Autant le dire tout de suite, c’est un meuble que j’agonis, non seulement pour cette façon de faire écran à tout ce qu’il présente, mais aussi parce que tout ce qui s’y présente est produit au sceau de la vulgarité la plus absconse (ici normalement, si on regarde, une injonction quelconque mais mensongère et si possible avilissante surtarifée les jours de grande affluence-d’ailleurs avant de pouvoir regarder le film rediffusé sur le site de la chaine, on a droit à de nombreux messages commerciaux).

On ne va pas en faire un fromage, une thèse , une histoire ou toute une affaire, mais j’ai eu dans l’idée de regarder le documentaire qui a été diffusé avant hier  lundi sur France trois et le président (zeugme) (il n’en est qu’un : on le nomme dans le film PR (1))

les 2 PRPM

(tandis que son affidé, son acolyte, son binôme enfin son sous-fifre, il lui échoit le PM (1) ici qui porte des chemises rouges). C’est que le réalisateur m’en était connu depuis un moment : Yves Jeuland, pour avoir réalisé un film sur (qu’il repose en paix) Georges Frèche, intitulé « le président ».

Les ors de la République : durant quelques mois -d’août 14 à janvier 15- le réalisateur a pu filmer n’importe où comme il l’entendait (c’est une fiction, évidemment : il ne se passe rien, PR inaugure un collège, présente ses voeux, roule en auto, remet une déco à un vieillard cacochyme, prend un avion, enfin l’ordinaire). Ce qui l’est peut-être moins, c’est l’omniprésence à l’écran de ce garçon-là (jamais il n’ira se plaindre du travail qu’il fait, ni des moments qu’on lui permet de vivre)

conseiller com

(toujours sur la brèche, matin midi et soir, nuit pluie ou pas, et très très tard il s’en va en scooter-ça ne s’invente pas). Conseiller en communication, si j’ai suivi. Ou alors en image.

Il se passe pourtant des choses dans le reportage (j’avais quelquefois l’impression de regarder la télévision de certains pays où les faits et gestes du potentat sont diffusés en long, large, travers et encore un petit peu pour rendre au personnage principale une humanité dont on le croyait incapable). Ici, il reçoit un otage libéré (le dernier français, Serge Lazarevic) retenu durant trois ans au Mali par Aqmi

libération otage serge lazarévicz

(image splendide, cadre sublime), là le rappel des horreurs de ce début d’année avec les assassinats des 7 et 9 janvier, à Paris

jouyet 8 janvier

ici le secrétaire général du Palais-secrétaire d’état sous le minuscule,  deux fois de rang dans les gouvernements Fillon… bah, faut-il que le vent tourne…- qui s’adresse à (peut-être si j’ai compris) la presse, le vendredi 9, alors que le PR a décrété un jour de deuil national – comme on voit, on était déjà pas mal Charlie.

Tout cela replonge dans les affres de cette horreur.  C’est vrai, ce n’est sans doute pas un métier facile (ce n’est pas un métier d’ailleurs), mais le film reste dans l’écume des choses. Tant pis, on regarde un peu, on se laisse aller à penser qu’en effet, oui, il s’agit bien là d’un homme, un peu trop comme les autres ? bof, sans doute, plutôt sympathique, oui certainement. Mais on ne parviendra pas (c’est sans doute en cela qu’il tiendra dans ce séjour) à trouver quelque bribe de vérité dans ce polissage-là. Un film, de télévision mais ça ne fait rien, des images qui ne font que communiquer, des rôles tenus à la perfection par tout un aréopage de jeunes loups (la fierté de Macron, le passage de Thévenoud…) ou de vieux pirates comme Henri Emmanuelli ou Laurent Fabius (on notera quand même la merveilleuse pédagogie qu’enseignent le PM et le PR à la nouvellement nommée ministre de la culture et de la communication, lui enjoignant d’aller voir Jack – et Monique, et Monique…!!!- ainsi que les anciens blanchis sous le harnais, et surtout de « sortir tous les soirs et de toujours trouver ça bien, parce que les artistes, ça veut qu’on les aime« ).

Une vague envie de se souvenir de ce slogan d’un autre âge : « ouvrez les yeux, fermez la télé !!! »

 

(1) PR : président de la (notre) République; PM : premier ministre nommé par le précédent

 

 

La maison cassée

En entrant dans la pièce, on lui trouve un aspect des plus banals. C’est une salle de séjour comportant une grande table en bois, un buffet bas surmonté d’une glace, une étagère dans un coin,
un canapé avec sa table basse – sur laquelle sont posés un ordinateur portable et un grand cendrier bleu – et un grand élément de rangement qui intègre une vitrine à double porte. Il y a aussi un coin cuisine ou plutôt un mur cuisine avec un petit frigo, un évier, une gazinière.

La pièce a l’air habitée, des objets sont posés un peu partout,
des assiettes dans l’évier, des tasses sur la table, des vêtements accrochés ici et là. C’est en la parcourant et en s’approchant des meubles que l’on découvre sa particularité. C’est une maison cassée. Tout, absolument tout est brisé. Tous les meubles, tous les objets en bois, en verre, en plastique sont cassés, tous ceux qui sont en tissu sont déchirés. Tous ont aussi été recollés ou recousus : et cela, de manière à ce que, de loin, il n’y paraît pas, la pièce semble normale, tout à fait banale, mais tout change dès qu’on la regarde de plus près ; les réparations ont été faites de manière à ce que les cassures, déchirures, lacérations restent visibles.

Cette pièce, on peut la voir à la Maison Rouge, 10 boulevard de la bastille, 75012 Paris, dans le cadre de l’exposition My Buenos Aires. C’est une œuvre des artistes argentins Martin Cordiano et Tomás Espina.

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(Photos ELC)

Le deuxième portrait

 

 

Il se pourrait bien que ce soit de l’amour. Mais ce ne serait qu’en esprit, et en esprit, l’amour a plus de difficultés, entre les êtres, à s’établir. Peut-être entre les êtres. Mais ici, un souffle de vent, dans un rêve, quatre heures de l’après midi, soleil, bord de mer…

mme muir 1

Madame Muir s’est endormie (le ciel est bleu mais ce n’est que le fond de l’écran) (il en est de même dans le film, mais)… Seuls le noir et le blanc parviennent à dessiner la vérité de la relation qui unit cette jeune femme – qu’on voit là, endormie, au premier plan, de profil, elle rêve- et Daniel Gregg, capitaine de navire probablement, qui a fait construire cette maison et qui, dans cette image, entre sans qu’on le voie, par cette baie fermée à l’instant par notre héroïne (ce faisant, elle a à son doigt fiché une écharde ainsi qu’ailleurs la Belle au bois dormant, mais passons)

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Ici, le portrait qu’on trouve au salon, qu’on posera plus tard sur le mur de la chambre du haut (c’est le deuxième de cette maison-ci, qui n’a d’existence que parce que nous autres y plaçons certains souvenirs, mots, photos, signes, témoignages et autres dons immémoriaux ou liens, rapports, noms propres ou communs, lieux et territoires, une histoire et une géographie, une science ou un désir) : à droite, l’agent immobilier qui ne veut pas louer, au presque centre cette Lucy, de noir vêtue veuve d’une année, et le capitaine qui nous fixe, nous et moins elle…

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La rencontre (s’il y a lieu : ce sera dans la cuisine) la bougie, la lampe et le cran : une sorte d’amitié

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Le capitaine est à l’image : Rex Harrison, la jeune veuve, Gene Tierney : le film vient juste après la deuxième guerre (1947), c’est Joseph Mankiewicz qui le réalise (il y a dans cette maison un certain nombre de gens qui ne sont pas nommés, mais ça ne devrait pas durer, je pose des liens dans le cellier-qui ne sert à rien- la buanderie-il en était une chez mes parents à Carthage avenue du Théâtre romain – dès que je peux), ensemble (est-ce ensemble ?)

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une magnifique ambition, un lien sublime et tellement affectueux, un vrai couple de cinéma dans l’un des plus beaux films de tous les temps…

(Ici, dans cette maison, ici ne viennent que des films les plus beaux de tous les temps, ici s’évanouit la fiction pour à la réalité faire place, ici comme il est tellement difficile aujourd’hui d’être exigeant car le monde ne le veut pas et s’oppose à tout ce qui pourrait aider à penser, ici donc vivent nos fantômes – et comme on les aime… – mais est-ce que c’est de l’amour, dis moi ?)

 

Billet réalisé avec la complicité de Joachim Séné,  pour l’aimable prêt du DVD : qu’il en soit (ainsi que son père, si j’ai compris) donc ici remercié.