Période d’essai

Je le sentais depuis longtemps qu’elle n’avait pas beaucoup d’atomes crochus avec son beau-frère mais, à ce point-là, je n’imaginais pas. Mon frère jumeau, elle pourrait tout de même essayer de lui faire meilleure figure. Une période d’essai de deux mois dans le coin, on n’allait pas l’obliger à payer l’hôtel ou à louer un gîte mal chauffé alors que notre chambre d’amis lui tendait les bras. Déjà que son divorce lui coûte cher. Et c’est bien qu’il essaie de redémarrer un nouveau boulot ailleurs, de refaire sa vie sur de nouvelles bases, plus près de nous. Mais faut la voir lui tirer la gueule ! J’en suis gêné. Le frérot, c’est la moitié de moi. Jalouse mon autre moitié ? Trois moitiés sous le même toit c’est trop. Deux mois c’est pourtant pas la mer à boire, et puis avec les heures qu’il se tape au boulot il ne fait vraiment qu’y dîner et dormir chez nous, et en semaine encore. Mais plus les semaines passent plus les dîners sont pénibles. Je fais la conversation à moi tout seul : elle le nez piqué dans son assiette qui lâche pas une parole, lui crevé, qui pense tout le temps à son môme. Et quand il le rejoint, le week-end, toutes les réflexions qu’elle balance : « ton frère est encore parti en laissant la télé de la chambre d’amis en veille », ton frère ceci, ton frère cela… Plein le dos. Au point que je me demande si c’était une si bonne idée finalement de lui proposer cette chambre. Et je ne sais plus trop quoi lui souhaiter au frangin : parce que s’il le décroche le job, il lui faudra bien un ou deux mois pour dégoter un logement dans ses prix et s’y installer. Moi je ne le mettrai jamais à la porte mais j’en connais une qui n’a pas fini de faire la gueule. Mais si au bout de sa période d’essai le boulot c’est niet il ne sera pas beau non plus à voir le frérot.

Femmes cinéma addenda Panthéon

Addendum aux addenda : j’apprends à l’instant que Christiane Taubira vient de quitter cet ectoplasme qu’on nomme un gouvernement : ici donc lui est dédié ce billet parce qu’on sait qu’elle incarne quelque chose comme l’état de droit, et que ce quelque chose est désormais une illusion au sein de cette instance qui prône l’urgence et la déchéance.

 

Lola Montès

Affiche Lola Montès

quelque chose avec ce film : Max Ophüls

darrieux ophuls

(et Danielle Darrieux -c’est son vrai nom, elle est toujours parmi nous, comme TNPPI, elle va avoir cent ans, comme Suzy Delair), mais Martine Carol (alias de Marie-Louise Pourer), pourquoi cet accord avec Norma Jean Baker dite Marylin Monroe, je ne sais pas dire, sinon qu’elles sont aussi présentes dans l’enfance et destins tragiques, probablement, les fantômes qui hantent les rêves sont à la mesure de la perte, complète, totale de tous mes livres.

Il y avait Ingrid Bergman

Ingrid-Bergman

« Notorious » d’abord (Sir Alfred, 1946) –Les enchaînés en français, une merveille ) et son livre magnifique, sa lettre à Roberto Rossellini inoubliable, il y avait aussi Claudia Cardinale

claudia et delon

là avec Tancrède mais elle est hors concours parce que (née à Tunis, peut-être) son rôle dans « le Guépard » (Luchino Visconti, 1963), et celui de « Il était une fois dans l’ouest » (Sergio Leone, 1968) ce dernier film étant le premier vu à Paris, en 1972 il me semble (j’aime savoir que le tournage du film s’est effectué entre avril et juillet 1968) (il y a des choses que j’aime savoir et qui n’ont aucun intérêt) il y a beaucoup de fantômes qui hantent les pièces de cette maison (c’est sans doute qu’il ne m’en reste plus), Anna Magnani

rvo 8

qui est ma préférée (je crois) (j’en aime beaucoup d’autres, mais pas de l’amour qu’on porte à sa mère -dans ce sens, lorsqu’elle court et meurt dans une rue de cette « Rome ville ouverte » (Roberto Rossellini, 1945) je crois savoir que c’est de là que je hais la course à pied) (ce qui est biographiquement faux : c’est l’asthme qui m’a fait détester la course à pied, cet asthme qui s’empare de mon inspiration dans des airs un peu poussiéreux), elles sont toutes là, présentes (j’aime assez Honor Blackman, mais c’est dans « Golfinger » (Guy Hamilton, 1964) que j’avais vu au Pax, à Amiens à sa sortie française, je me souviens, la blonde amazone chef d’escadrille

james bond et pussy galor

alias Pussy Galor, souvenirs d’adolescence, qu’y puis-je donc, parcourir la filmographie des actrices, s’enticher d’Ava Gardner

20160127_104549 cette « Comtesse aux pieds nus » (The Barefoot Contessa, Joseph Mankiewicz, 1954) Maria Vargas (rôle pour Rita Hayworth qu’on vient de voir dans « Seuls les anges ont des ailes » (Howard Hawks, 1939) mais qui le refusa « ne désirant pas tourner sa propre biographie » comme dit élégamment wikipédia) et qui, en cela, représente aussi une sorte de parangon de modèle d’exemple de ce vers quoi tendrait toute actrice de cinéma : devenir l’épouse de quelqu’un de noble riche tout en lui apportant alors cette célébrité de ténébreuse pacotille digne des stars) et ici, peut-être, dans ce décor, les faire revivre un peu, leur donner quelques lumières à nouveau reste une tentative d’hommage à la grandeur de ces femmes, à ces batailles qu’elles livrèrent contre l’imbécillité et la brutalité des hommes (encore n’a-t-on pas parlé de la réalité de la guerre, des mafias et autres joyeusetés que ces derniers s’ingénient à produire pour se prouver leur appartenance au genre ou à l’espèce…)

Je m’en vais, il pleut sur le jardin, j’en ai laissé de côté, Delphine Seyrig que j’aime tant clope au bec mais pas là

delphine seyrig

(trames et avatars se sont ligués ici pour qu’elle n’apparaisse que de loin, hachée, tant pis) je pose aussi celle-ci où elle joue dans un film (je ne rajoute pas « idiot » ce serait pléonasme) de vampires (« Les lèvres rouges » (Daughters of darkness, Harry Kümel, 1972)

delphine seyrig et daniele quimet

d’autres et tant d’autres on n’en finirait pas des Monica Vitti ou des Joan Fontaine, Simone Signoret et les réalisatrices Ida Lupino, Alice Guy ou Agnès Varda (et Corinne Marchand donc Cléo) , je laisse de côté aussi les Bernadette Lafont ou Pauline, Anouk Aimée ou Stéphane Audran que j’adule, d’autres Judith Magre ou Jacqueline Maillan que j’oublie mais aime encore, Thelma Ritter ou Jeanne Fusier-Gir et Françoise Rosay, mais n’importe, je m’en vais, sur le jardin tombe la pluie, c’est mercredi, c’est cinéma

 

 

 

 

Une arrivée

Actuellement, je vais vous dire, je suis dans le couloir. J’avais décidé d’aller habiter la maison et je me suis demandé ce qu’il fallait faire pour cela. Emballer et emporter mes affaires, d’accord. Ça n’a pas pris longtemps, trois chemises, trois livres, trois outils (marteau, tenaille, tournevis). Tout cela tenait facilement dans un sac de voyage équipé de roulettes, j’avais même la place de mettre mon sandwich pour la route. Le sac m’a accompagné (en fait c’est lui qui m’a montré le chemin) jusqu’à la raie du bus. Le bus est venu et nous a emmenés, le sac et moi, l’un tirant l’autre. Arrivés au terminus, nous sommes descendus. J’ai eu un peu de mal à trouver la maison-témoin parmi 48 maisons toutes semblables et dont 47 ne voulaient pas témoigner, sans l’afficher ouvertement. J’ai fini par comprendre que la maison-témoin était celle dont les volets restaient ouverts la nuit. Pour cela j’ai dû attendre la nuit, heureusement en janvier elle vient de bonne heure et elle reste longtemps avec nous. J’avais les clefs, je suis incapable de vous dire qui me les avait données, ni où je les avais rangées depuis, pour pouvoir les sortir au bon moment – et même les agiter négligemment avant d’ouvrir, pour signifier aux voisins qui m’épiaient que j’étais un occupant légitime, autorisé, et pour tout dire bienvenu. J’ai ouvert la porte, trouvé l’interrupteur comme si j’avais toujours vécu là, constaté que l’électricité marchait (quelqu’un y avait veillé, peut-être la personne qui m’avait remis les clefs ?) Là-dessus je me suis avisé que je devais choisir dans quelle pièce entrer d’abord, et comme ce choix me remplissait d’anxiété, j’ai décidé pour le moment de rester dans le couloir.

Incident diplomatique

La prochaine fois que quelqu’un occupe la chambre d’amis pendant que Papa est chez nous (il tourne entre ses quatre filles, c’est ce qu’il voulait, ne pas s’encroûter) il faudra qu’on pense à enlever l’urne. Parce qu’avec la correspondante d’Océane on a frôlé le drame : « I don’t want to sleep with your dead grand-father in my room – even reduced into ashes». Elle avait beau débarquer du Wisconsin, les yeux pas trop en face des trous, la potiche chinoise sur la commode, elle l’a trouvée bizarre. Et posé des questions. Océane l’a mal pris : elle aimait beaucoup son grand-père (mais l’urne rend moins bien sur les étagères de sa chambre que sur la commode de la chambre d’amis). Je le retiens, le vendeur, obséquieux comme pas deux,  « je vous assure, chère Madame, le plus discret des modèles, idéal pour se fondre dans votre intérieur, 100% de satisfaction : voyez les avis sur Funer’Adviser ». La chambre d’amis est vide les trois-quarts du temps mais c’est toujours quand Papa fait ses trois mois à la maison qu’on a quelqu’un à y loger. C’est pas de veine. Mais je ne vois pas de meilleur endroit où l’entreposer : une chambre d’amis c’est fait pour les gens  de passage.

Une visite

Il lui avait dit «j’ai quelque chose à te montrer» et elle avait senti le sourire monter, éclater, lèvres, yeux et peau. Elle regardait ses mains sur le volant, son profil, en attente confiante, un peu comme autrefois avec son père. Elle savourait l’idée d’être amoureuse, perdue d’admiration…

La voiture s’est arrêtée, il est sorti, il a fait le tour – l’était si courtois – pour lui ouvrir la porte, et bien entendu elle l’a devancé et ils se sont heurtés. Ils ont ri.

Il lui a pris la main et elle a senti avec un peu d’agacement un timide sourire de bonheur béat lui échapper.

Il y avait de beaux arbres face à eux, il lui a fait traverser la rue, elle était interrogation.

Il y avait une maison basse, une bordure de fleurs fatiguées et puis un écriteau «maison témoin» et le sourire a glissé.

Il y avait une petite entrée qui débouchait sur une grande pièce claire et une jeune femme qui s’avançait, qui parlait, auquel il répondait. Elle entendait leur bruit, elle entendait surtout des voix effacées, une musique polyphonique, en accord avec les anciennes présences dont elle sentait la trace, il y en avait une qui parlait cinéma, inlassablement, et elle aimait ça, mais il y avait en interférences parfois comiques, des plaisanteries, le discours d’un homme qui, comme la jeune femme, parlait de la maison, des petites histoires, des pensées gentiment profondes, un conte, presque un roman, qui avançait imperturbablement, et elle avait envie de demander aux deux autres de se taire pour jouir de ce tissu.

Ils sont entrés dans une cuisine claire, ouverte sur un petit jardin clôturé à l’arrière de la maison, et là elle l’a entendu, il ne discutait plus avec la fille de l’agence, il s’adressait à elle, il caressait le plan de travail de pierre noire, il ouvrait les placards, il disait «elle est encore plus belle que celle de ma mère, et plus pratique, tu verra.. elle serait heureuse et pourtant elle est fière de la sienne, et elle y fait des merveilles, elle te montrera» et elle a repris pied.

Elle l’a regardé. Elle a pensé que ce n’était vraiment pas possible, pas envisageable, d’ailleurs elle l’avait si peu envisagé qu’elle s’était absentée pour se protéger dès qu’elle avait vu le panneau.

Elle a demandé à la jeune femme

– Et pour les bus ?

– Il y a un arrêt à cent mètres, vous savez le quartier prend de l’importance, l’est bien desservi,  vous en avez un toutes les dix minutes aux heures de pointe, toutes les demi-heures sans cela, il vous amène au centre, d’ailleurs je le prends pour venir…

– Merci, je vais voir

et à lui

– Je te remercie… contente pour toi, je crois qu’elle te plaît vraiment cette maison

– Et à toi ?

– Je ne suis pas concernée

Et puis «je ne voudrais pas te retarder, au revoir»

Il lui a couru après. Alors il a fallu lui expliquer, lui dire que, non, elle n’avait jamais pensé qu’ils devraient ou même pourraient vivre ensemble. Qu’il aurait dû lui demander. Que, oui, s’il voulait, il pouvait la déposer où il voudrait près de la grande place, elle avait des courses à faire. Se revoir ? Peut-être, on verrait bien.

Facteur

(comme ça se passe en grande partie dehors, du côté de l’extrême nord de la Russie -il y fait beau c’est l’été probablement – c’est difficile de lui trouver une place dans la maison : je le poserai bien dans le jardin, mais y’en a pas) (tout chétif, tout recroquevillé peut être ? : la question c’est aussi de savoir où donc s’établira cette maison, la construire ou pas, la visiter ou pas, la laisser pourrir sur place ou l’habiter, dans une vague banlieue, un lotissement improbable, où l’unique rue tourne sur elle-même dans une sorte d’impossible sortie : pour peu qu’on y mette quelques grilles, ici, là, tout autour on aura droit à ce type de lieu où ne rentrent que des zombies qui n’en sortiront jamais sinon pieds devant) (étrange que ce type de digression vienne se poser sur un film pareil mais c’est ainsi, la vie) 

 

Réalisé par un vieux mec d’aujourd’hui (il est né en 37 quand même), il a un frère (Nikita Mikhalkov : celui-ci a pris le nom du père -comme disait mon Jacquot– lui a pris le patronyme du grand père – maternel, donc : le nom de sa mère hein -comme dirait Levy-Strauss) (enfin ce que j’en dis) : Andreï Kontchalovski, et il nous fait un film (il en est aussi le producteur, le scénariste)  (c’est son 22ème je crois) qui a comme objet la vie d’un postier, sur le bord d’un lac (nommé Kenozero) faisant sa tournée à bord d’un hors-bord (bord du hors-bord : c’est le moteur qui est en dehors de l’embarcation) (ici le facteur c’est lui : c’est le matin, il boit du thé).

nuits blanches 2

Il s’agit d’un type d’une gentillesse formidable. Il s’agit de quelques jours dans sa vie, de son travail et parfois de ses nuits lors desquelles lui apparaît un chat gris (on dirait une peluche, on le verra à la fin, sur la barque retournée, assis lui aussi). Le film s’ouvre sur un générique comme je les aime (à la Saul Bass) : sur une toile cirée illustrée (il s’agit de celle de sa cuisine) le facteur nous montre quelques moments de sa vie passée (c’est à nous qu’il parle, c’est à nous qu’il montre ces clichés)

nuits blanches 1

marié puis divorcé sans doute, à cause de cette saloperie (je cite) de vodka (des chiffres apparaissent, comme s’il s’agissait de décomptes, sous les noms des différents intervenants au générique : je n’ai pas compris pourquoi, ou la référence) puis on le suit ici

nuits blanches 3

on est avec lui là (on le suit)

nuits blanches 4

on a ôté le son et le bateau file sur l’onde et sans vague, l’homme arrive à destination, en repartira, en montage parallèle on voit les autres protagonistes de l’histoire, les habitants d’un village, de son village, une femme, son enfant, un vieil homme alcoolique, une fratrie accorte, d’autres gens encore, ceux qui pêchent, ceux qui vaquent, des histoires, des contes, des personnages, des personnes, il y a du soleil, il fait doux, on sent la longueur des jours et l’épaisseur diffuse et courte des nuits, le facteur retrouve ses claquettes en plastiques le matin, il boit son thé rien ne se passe, sinon les exactions des puissants et les amendes collées aux pauvres…

Le calme, la tranquillité, la vie.

Le vol de son moteur oblige le facteur à chercher de l’aide (on  apprendra au générique -il faudra bien regarder- que les scènes tournées dans les locaux de l’armée, secrètes sans doute, se tiennent sur le spaceport ou le cosmodrome de Plesetsk) auprès de son ami le général (rien à attendre trop de ce côté-là sinon qu’on verra aussi le moteur de la fusée :

nuits blanches 5

on voit ici le postier de dos, accompagné du petit garçon, qui voient devant eux s’éloigner la fusée vers le pas de tir) tout cela agit sans trop de cohérence, l’histoire est simple, le postier cherche de l’argent, va tenter d’en emprunter à sa soeur (il prend le train)

nuits blanches 6

elle n’en a pas, il s’en retournera chez lui

nuits blanches 7

le train, il l’attend, le matin, tôt, puis le bac de retour

nuits blanches 8

qu’on voit ici en arrière-plan, un film russe qui n’est plus soviétique comme si on pouvait, en vingt ans, en effacer quatre vingts, deux guerres et des idéaux et des (vraies) raisons de vivre : je me suis longtemps demandé, un peu comme pour ce film de Mikhalkov « Soleil trompeur » (1994) comment fait-on pour produire en Russie de telles critiques ? C’est  que  ce n’en sont pas : ici, le ministère de la culture russe a abondé la production, le film est sorti en 2014, il a reçu un lion d’argent au festival de Venise (on nomme ce bazar-là la Mostra), le postier (on le nomme Liocha) est rentré chez lui, il trouve là assis sur une barque un voisin

nuits blanches 9

la magnificence du plan, le soleil sur le haut des arbres se lève, les deux hommes assis sur une barque retournée, l’un attend que son âme et son coeur se calment, sa tension entretenue avec une cigarette, il l’allume, le postier s’est assis, ils parlent tous deux et au loin

nuits blanches 10

on ne la voit pas encore, mais le compte à rebours est terminé, elle s’en va

nuits blanches 11

ce n’est rien d’autre qu’une splendeur, elle part et eux n’y prêtent rien : ils parlent, puis apparaît à côté d’eux, en plan rapproché

nuits blanches 12

le chat sans qu’ils s’y intéressent plus qu’à la fusée qui s’éloigne…

Le calme règne ensuite sur la Terre comme sur le lac (c’est une image qui induit, certainement, la forme de la production)

nuits blanches 13

Le générique de fin, lui aussi, se tient en un plan (au vrai, deux): les divers protagonistes sont là, l’un d’eux allume une cigarette

nuits blanches 15

les autres parlent, le bac s’en va, ils sont à contre-sens, il fait doux, c’est ainsi

nuits blanches 14

On n’en saura pas tellement plus, sinon que le village et les habitants ont joué quelque chose dans le film qui a été filmé à Vershinino, Kositsyno, Zikhnovo et Pocha, Konevo et Mirny, des lieux de cette Russie éternelle…

Ce qu’il y a de magnifique et de merveilleux, c’est que l’enjeu n’est pas dans la narration (on se fiche éperdument du moteur, des voleurs ou des chiens de garde du pouvoir) mais dans l’image elle-même : ainsi dynamite-t-elle l’ordre et la morale qui voudraient une fin, un châtiment pour les perdants, une couronne et des lauriers pour les gagnants… Ainsi aussi des explications pour le chat gris (car la nuit, tous portent cet uniforme…) : les rêves, les nuits blanches, l’eau le lac le vent ou la sorcière, une histoire joyeuse, aux sentiments positifs et au héros, enfin, suffisamment humain pour nous émouvoir sans nous duper.

 

Femmes cinéma #3

 

 

Voici la compagne de William Friedkin (un temps), actrice danseuse (sans doute ici dans un film de Bob Fosse)

1.jennifer nairn-smith

Jennifer Nairn-Smith, actrice, danseuse.

Ce n’est pas qu’on cherche ici à reconnaître ces actrices, ces rôles mais ce sont les places où elles se trouvent, plutôt leurs emplois, ces lieux qui leur sont dévolus, elles pas eux, encore que parfois aussi

2.Julie Payne

Julie Payne, épouse de Robert Towne (scénariste), actrice aussi 

on le discerne à peine, mais le type droite cadre porte sur ses hanches une sorte de serviette, il s’agit sans doute d’une photo de tournage, c’est difficile de s’y retrouver, on les voit ces femmes, tenir des silhouettes, non loin d’un des acteurs princiers, quelque chose comme une remise, je ne sais pas, je cherche noir et blanc, des années soixante

3.Michelle PhillipsMichelle Phillips, chanteuse « the Mamas and the papas« , épouse de Jack Nicholson ou Dennis Hopper, ou compagne, ou les deux (sous le lien, on la voit chanter) 

Une panoplie, un livret, une sorte d’album de photographies des personnes connues, une sorte de famille, où les femmes ne seraient qu’épouses ou compagnes, tandis que les hommes, eux, au volant de leurs bolides, courraient les plateaux de cinéma, les réunions aux sommets, les dîners

4. Polly Platt Polly PLatt, chef décoratrice (épouse de P. Bogdanovitch)

(jt’assure que ce qui est compliqué, c’est que le temps passe si vite, à gauche la voilà blonde cheveux courts est-elle dans son bureau; à droite, derrière son mari et leur enfant, dans cette posture) (tous – et toutes…- nè-e-s d’une femme on sait bien cependant, aussi) (jt’assure que c’est pas simple, d’autant que je ne suis que ce que je suis, alors je choisis avec mes propres malices)

jennifer salt

Jennifer Salt, actrice (colocataire de Margot Kidder -vue au #2) (fille de Waldo Salt, blacklisté années 50, lui-même écrivain, elle le fut et aussi productrice)

ah oui, c’est bien Robert de Niro qui sur son ventre écoute, une jeune femme brune, un jeune homme « are you talking to me ? » on s’en souvient (on ne l’aime plus guère sans doute à cause de ses frasques), mais d’elle ? Je ne sais pas dire

6. Judy Schneider

Judy Schneider, épouse de Bert Schneider (producteur) 

on n’en sait pas tellement sur elles, elles sourient, c’est certain, la plupart du temps, épouses de filles de compagnes de, c’est une galerie de portraits de personnes du monde, inconnues pourtant (pas toutes)

7. Cybill Shepard

Cybill Shepard, actrice (compagne de P. Bogdanovitch qu’on a croisé taleur avec sa fille dans les bras)

même sans le point je la reconnais dans cette série avec le jeune Willis (Bruce, pas Gordon) dans un de ses premiers rôles où il incarnait son subalterne, les temps passent, si on s’arrêtait ? disait l’amie Christine oui, certes, mais le temps s’en fout, tu comprends, les contrats sont signés, les images vont être produites, les plans de travail son prêts, les décors, les mannequins, les costumes, les pleins des autos on y a pensé alors s’arrêter oui, tous oui, mais

8. Mona Skager

Mona Skager,  assistante productrice Francis (alors) Ford Coppola

il en est des images comme des livres ou des blogs, ils n’en font tous qu’un seul, toutes et tous nous contribuons à cette édification, l’une de ces photos est ma préférée (je ne suis pas tellement sûr que ce soit parce que l’emploi soit celui qu’elle occupe alors, je crois me souvenir qu’elle apparaît ici) (c’est elle)

9. Anthéa SylbertAnthéa Sylbert, vice présidente Warner Pictures, créatrices de costumes

(c’est elle) sans son léger sourire, derrière elle on le voit sourire (sans doute son énième époux, compagnon qu’en sait-on ? on pourrait trouver, mais pour quoi faire ?) le regard caméra, la boucle d’oreille

10. Joan TewkesburyJoan Tewkesbury, scripte, scénariste

des vies entières à s’aimer, à produire quelque chose, une sorte de fantôme sur un drap en ville c’est dans une salle obscure, des gens assis dans des fauteuils parfois rouges, souvent rouges, tentures, lumières teintes et sourires, soupirs « chuttt… » siffle-t-on, la lumière décroit, les noms les génériques les actrices et les acteurs et la musique, rien d’autre il n’en restera rien, sinon à nos esprits quelque chose dont on parlera en traversant le fleuve, l’île, revenant au Châtelet, clopos, rires, déception ou émerveillement

11. Sandra Weintraub

Sandra Weintraub, productrice (compagne de Martin Scorcese) (fille de Fred Weintraub, vice président Warner)

les lunettes hexagonales et de soleil de la fin des années soixante, à quoi pense-t-elle, attend-elle, la photographie la capte, l’homme assis derrière elle, cow-boy d’un jour, barbe à la mode de nos jours, la petite main doigt pointé (oublié son nom à celui-là), des gens dans des positions arrêtées, on arrête tout (l’annulaire, non ?), on s’assoit, on attend, la lumière le son, on attend, et pour finir ici, avec son animal, sur la terrasse qui domine le Pacifique probablement

12.Kathryn ReedKathryn Reed, épouse de Robert Altman (mais elle fut actrice)

(c’est lui, Robert Altman, bord cadre, il est assis, la photo sera gardée, et lui depuis quelques temps -2006 déjà dix ans -ailleurs) que veux-tu regarder, que veux-tu qu’on garde ? Des femmes, des mères comme s’il en pleuvait, des enfants dont les parents, le nouvel Hollywood décrit par les photos de femmes citées dans un opuscule, en fin de volume, écrit par le rédacteur en chef d’un journal de (promotion du) cinéma, les années soixante dix, la jeunesse de la liberté, avant qu’on en arrive à ce qui aujourd’hui nous parvient de ces moments-là, je veux bien garder des choses de ces heures, me souvenir qu’en soixante douze du siècle dernier, on allait voir « Il était une fois dans l’ouest » (Sergio Leone, 1968) au cinéma du bas du faubourg du Temple (qui se nommait alors Action République), je veux bien me souvenir de Claudia Cardinal, et de celle (c’est la même) aussi qui jouait aux côtés de Burt Lancaster dans « le Guépard » (« Il Gattopardo », Luchino Visconti, 1963), le temps est passé, tu vois, s’arrêter comme la photo l’intime, cesser et poser dans cette maison les diverses images de ces femmes-là, inspiratrices, adoratrices, muses ou sorcières, je ne sais pas bien, je veux bien, je n’en garde que quoi ? Quelques sourires de personnes jamais croisées sinon en image, qu’est-ce donc qu’une image ? Un témoin, une sorte de souvenir qui s’effacera, en couleurs ou noir et blanc, des moments au soleil sous la pluie c’était l’hiver, la Californie, les gens du milieu voulaient tous, à toutes forces, et comme toujours, toujours faire des choses, des films les écrire, des séries les produire, industrielles, continuer à vivre, donner des fêtes somptueuses dans des villas du bord de mer, on en aurait alors fini, dis-moi, on en aurait fini de ces histoires de viols, de guerres, de meurtres, de ces horreurs de la vraie vie comme on dit encore, c’en serait tout dis-moi, on vivrait comme au cinéma, et les enfants riraient, les fleurs, la joie ? Tu crois ça… bah, ça ne peut pas faire de mal non plus, c’est comme si on rêvait, on aurait là, devant soi, comme dans un rêve, cette serviette sur les hanches, on regarderait l’objectif droit dans les yeux, posant la question « mais qu’est-ce que tu me veux, toi ? » on rirait de sentir sur son épaule la main d’une amie, le souffle d’un enfant, les pleurs de sa tristesse, on se retournerait, il n’y aurait plus rien, plus personne, on sortirait de la salle, les escaliers, et dehors, dans la nuit, s’il fait nuit, en été on est surpris, en marchant on reprendrait son chemin, on verrait dans les rues les gens agir, courir, rire et vivre et au loin, peut-être, on entendrait quelque chose comme une musique douce, prenante, sensuelle et joyeuse -comme le cinéma