on


Alors on ne sait pas si c’est le haut le bas de cette maison
Par exemple est-ce que c’est la cave par exemple
Par exemple le grenier par exemple un mauvais exemple qui suppose le surplomb
Tu m’étonnes le surplomb y’en a pas
Dégoûtés devant l’aéroport, nombreux, plus de mille à dire non
Pas à la cave ou il faudrait un soupirail périscope incliné vers le haut
>>> Pas regarder en bas
>>> En bas y’a la lagune de venise, l’homme qui se noie
Des fois cette maison s’assoie sur une chaise
Et la bande passante des passants autour
Mais elle assise immobile
Comme les trucages au cinéma, la foule galope et au milieu un-une ne bouge pas
Pas bouger
C’est peut-être une bonne idée par exemple
C’est peut-être pas une bonne idée par exemple
L’homme se noie on ne bouge pas
Au cinéma les trucages font voler voldemort d’un mur à l’autre
son visage sans visage
Dans la cave de la maison on voit bien les fictions et les visages sans nez voler d’un mur à l’autre le soupirail tinte
Ding fait le soupirail
Après ton coeur explose par exemple
Bouger pas bouger bouger dire non
Tu cherches le poème qui finit par
« nous creusâmes ensemble nos fosses pour la nuit »
Parce que dans ta cave de souvenirs ou ton grenier de tête c’est un poème qui dit prends-moi dans tes bras et qui dit nous sommes tristes si tristes si désespérés prends-moi dans tes bras qui disent non
Un grand oui ferait aussi bien l’affaire mais tu noteras que le son iiii qui finit oui se perd dans les ricanements voldemort
Et le bruit iiiiii des grilles ouvertes pour être refermées
Le oui, c’est si beau un oui, mais s’il est pris dans les grilles des lagunes, pris dans les cris des oubliées, c’est oublié
Et parapher des documents recouvre les oui aussi
Le non le son on de non peut durer plus longtemps comme un bourdon
Une basse
Sourde
Longue
Sans reprendre son souffle
Non
Tu dis non dans la fosse tu dis non dans la nuit
Ensuite tu jettes tout, par exemple tu exploses et tu cries prends-moi dans tes bras
Peut-être que ça fait impact
Peut-être que ça fait réverbération
Peut-être que pop’ pop’ des tas de petites fosses se creusent
Les gens se prennent dans les bras, dedans
Même sans virgule
Les gens se prennent dans les bras dedans
on non on le bourdon
Ensuite la maison récupère des visages d’hommes
Des visages de femmes
À tous les étages
>>> Et ils-elles disent
>>> Ou elles-ils disent
>>> Parce que le sujet commun à l’être humain peut pas être il – il masculin
>>> Ou alors on ? On dit on ? Alors on ?
Et plusieurs on dit non ce qui fait un son on allongé allongé allongé
Comme le poème du hareng saur facile à retrouver
La maison le retrouve
La maison l’accroche sur son mur
Il pend au bout du ficelle
on on on
Prends-moi dans tes bras le on
Retourne la lagune
<<< On entends « 20 000 euros une somme dérisoire »

on entend qu’il a détourné « 20 000 euros une somme dérisoire » et la vieille dame rue laitière marche avec ses espadrilles à semelles de corde tout l’hiver et le mot dérisoire la fouette pendant qu’elle marche les lanières du mot dérisoire fouette ses jambes >>>
Retourne le fouet des langues les fouets détournés des langues
Retourne ta langue de lagune morte ta langue de lagune noyée
Retourne ton ventre de paraphe au bas d’un document de ricanements
Retourne-le
Et dessine sur le blanc du mur maison un fil qui bouge immobile
Achève
Un fil’achève
Par exemple Lié à un grenier sans surplomb
Par exemple à une cave au soupirail qui résonne métal bref
Et si tu cherches la fin y’en a pas on en n’a pas on ne finit pas on ne finit rien on bourdon basse continue de on
Moteur de mobylette de on
Rage aussi longtemps que possible de on
On raconte que on
On implore que on
Chercher la bête
Avec de grands yeux noirs
Quand on l’aura trouvée on saura ce qu’il convient d’en faire et si à la cave par exemple on doit rester

dans le bureau

Dans le salon, il y a l’estampe japonaise éthérée. Tout le monde peut se l’approprier et se voir-là, y habiter. S’imaginer s’asseoir dans la banquette design, les pieds sur le pouf design, le doigt sur la télécommande de l’écran 360° [de pureté car un téléviseur *** est léger comme l’air et semble flotter au-dessus de son socle et l’arrière du téléviseur est vierge de toute vis pour qu’il soit aussi beau sous tous les angles allumé ou éteint].

Dans l’entrée, il y a un coquelicot géant avec une grosse tache blanche qui fait relief. On sent qu’avec un peu de pratique on pourrait être capable de se refléter dans un coquelicot géant, facilement.

Dans la cuisine il y a des carottes gigantesques suivies par une courgette de taille irraisonnée. On pourrait aisément s’imaginer déjeuner-là, contemplatif, devant la course des légumes monstres.

Lorsqu’on visite, on a souvent en bandoulière un peu de deuxième degré, sinon, le taux de pureté des écrans nous écrase, et on se sentirait vite mal fait, grossier, sale et pauvre.  On se sent vite un crève la faim dans les cuisines colorées. Beaucoup de gens ne comprennent pas. Mais c’est comme ça quand on n’a pas l’admiration facile, qu’on aime surtout les détails, et surtout l’essentiel (l’essentiel, on ne sait pas où il se cache, parfois dans le deuxième degré, mais ce n’est pas sûr, alors on cherche. Il ya une petite voix minime, minimaliste qui nous dit que c’est comme une résistance de se moquer) (une résistance minuscule).

On oublie qu’il peut y avoir des « résistants de l’intérieur ».  Soit ce sont des mains humaines, des actes, soit ce sont des objets, on ne peut jamais prévoir.

Ainsi, dans le bureau, il y a toute une vie accrochée, et du toit pend une ombre ronde, comme les boules de graines à offrir aux oiseaux, un cœur. Il y a une vision plus que panoramique. Un détail. Nous on aime les détails. On regarde. Le nombre de degrés n’y est pas indiqué. Plus de 360, bien plus. Et moins que deux.

pour-cj-maisonstemoin

visite virtuelle #5 accord chromatique

— Les murs gris, ou écaille d’œuf, ou taupe.
— Et quelle couleur pour les rideaux ?
— Gris, ou écaille d’œuf ou taupe.
— Les meubles de cuisine ?
— Gris. Ou écaille d’œuf. Ou taupe.
— Les canapés ?
— Gris, ou écaille d’œuf. Ou taupe.
— Les tables basses ?
— Gris. Ou écaille d’œuf, ou taupe.
— Les bibelots ?
— Gris ou écaille d’œuf, ou taupe.
— Excusez, ma question va sans doute vous paraître bien naïve, mais il y a une raison ?
— Une raison ?
— De choisir le gris, l’écaille d’œuf ou le taupe, constamment ?
— Mais oui. Les couleurs ont une histoire. Ce ne sont pas des organismes innés, ou atones (haha). Il ne faut pas croire que les couleurs soient des données valables à prendre au pied de la lettre. À envisager sans considération pour la masse de ce qu’elles véhiculent. Bien sûr c’est d’une complexité de l’ordre du non-dit, du non-déterminé ou de l’approximativement inconcevable. Mais, malgré tout, nous devons rester vigilants.
— Euh, oui… Pouvez-vous approfondir ?
— Par exemple, l’alliance, au demeurant fort réussie, entre noir, blanc et rouge. Ne croyez pas qu’il est possible de passer outre. De prendre ça à la légère.
— Ça quoi ?
— L’alliance entre le rouge, le blanc et le noir. C’est très joli bien sûr. Ça pète, comme on dit. Mais historiquement, ce sont les couleurs du nazisme. Lorsqu’on a le choix, je veux dire vraiment le choix, est-ce qu’on peut, est-ce qu’on va s’autoriser ces couleurs-là, les trois ensemble ?
— Oui, non. Alors donc, ce choix délibéré du gris, ou du taupe, ou de l’écaille d’œuf, ce serait sous l’impulsion d’un mouvement antinazi en quelque sorte ?
— Ce que je veux dire, c’est que rouge, blanc et noir, sont des couleurs dangereuses. À manipuler délicatement. Un peu comme ces substances chimiques aux propriétés explosives. De même que la question du bleu est compliquée. Pendant longtemps, dans l’histoire de l’humanité, on n’a pas eu de mot pour désigner le bleu. C’est une couleur très primaire, primitive même, au sens où elle fait appel à des forces qui nous sont inconnues, de grands mouvements de fond qui bouleversent, des entités qui nous échappent, une extravagance d’espace. Une ouverture vers l’incommensurable… Le jaune, c’est la traîtrise, le péril. Le vert l’inaction. On ne badine pas avec les couleurs.
— Ah. On se demande comment il y a eu des artistes.
— Des fous. La seule explication.
— Et donc, ces trois couleurs, précisément ?
— Le gris est passe-partout. L’écaille d’œuf est sans intention. Le taupe indistinct. Tout le monde peut se les approprier.
— Ah oui.
— Par « tout le monde », j’entends tous les clients potentiels d’une acquisition immobilière avec combles aménagés spécial investisseurs. N’importe quel passant lambda est en mesure d’aimer le gris, l’écaille d’œuf et le taupe, parce que c’est élégant, élégamment impersonnel, une élégance qui ne s’abaisse pas à faire remarquer qu’elle est impersonnelle, indistincte, sans intention et passe-partout.
— Et le rouge ?
— Là, c’est sanguin. C’est moderne, c’est violent, c’est conflictuel, c’est chaleureux. C’est fatigant au fond. Et les gens viennent aussi acheter ici pour se reposer… Allons dehors. Quand vous faites visiter le jardin, n’hésitez pas à insister sur la qualité de l’espace sonore.
— Et visuel !
— Et visuel, certainement.

papillon-sgdc

visite virtuelle #3 Le Garage

— Entrez dans le garage. Oui, c’est pratique cette double porte. Électrique. Surface correcte, béton lissé. Très facile d’entretien. Spacieux ! Ça pourrait être chez vous, non ?
— Je ne suis pas bricoleur, mais de la place on en manque toujours.
— Un petit coin atelier. C’est bien pensé. Un étau, et toutes les clés rangées par ordre de taille, à portée de main.
— Le dessin du contour sur le support, pour aider à remettre en place, comme les jeux pour petits, les puzzles, la ferme, la poule et l’oie, le détail de leur silhouette qui permet de ne pas les confondre. Les boîtes à outils, plusieurs. Les compartiments pour les vis, écrous, boulons, crochets. C’est très propre. Un peu comme ces garages de Formule 1 où même les bidons d’huile rutilent. Ça ne me ressemble pas beaucoup.
— Ah ? Serrures sécurisées.
— Chez moi une seule boîte à outil, en fer, avec les tiroirs qui apparaissent quand on l’ouvre, un peu comme les vieilles boîtes à couture en bois. La poignée amovible qui coince la peau des doigts. De la poussière et des clous rouillés coincés dans les recoins. J’entasse sans trier ce qui pourrait servir, au petit bonheur. Et ça ne sert jamais, à part à masquer ce qu’on cherche, qui pourrait être utile, mais qui n’y est pas.
— De la place on en manque toujours.
— On entasse beaucoup. On cherche ce qui manque, qu’on n’a pas. La vis la moins longue ou la plus large. La cheville adaptée, c’est toujours celle qui n’y est pas, qui n’y est plus, elle y était pourtant, mais comme on utilise toujours les mêmes trucs, qu’on a toujours les mêmes problèmes à accrocher, elle a été utilisée. Au fond de la boîte des copeaux, je ne sais pas ce qu’ils font là, je ne me souviens pas. De la poussière agglomérée, où j’habitais avant on appelle ça du schni, je ne sais pas comment ça s’écrit, ça veut dire un tas de minuscules choses sans nom à ramasser.
— Deux voitures peuvent entrer, facilement. Très belle surface.
— Au fond de la boîte des clés, mais je ne sais plus de quelles portes qui ouvraient quelles maisons.
— Être propriétaire ça change tout.
— Au fond de la boîte le mode d’emploi d’un aspirateur emmené à la déchetterie depuis longtemps.
— Très facile d’entretien, madame va être contente.
— Au fond de la boîte une carte postale. Quelqu’un m’avait écrit de là-bas, des vacances. Des îles grecques ? Ah non.
— Être chez soi, vraiment, c’est incomparable.
— Quelqu’un au bord d’un fleuve. Je ne sais pas pourquoi je l’ai mise là, cette carte. Il me parlait de Copenhague. Il disait qu’il voulait aller là-bas, pourquoi, je ne sais pas, mais le nom je m’en souviens, Copenhague, ça semble une grande ville compliquée vue d’ici, de ce garage.
— Qui communique avec la cuisine ! Pour décharger les courses c’est très pratique.
— Il parlait aussi d’Italie, juste au creux de la botte, sous le pied, les falaises qui tombent dans la mer, et parfois on aperçoit en contrebas une carcasse de machine à laver qui a été jetée, par quelqu’un qui ne serait pas bricoleur, comme moi, ou qui n’aurait pas de déchetterie à proximité. Alors on rage. On trouve ça sale. Mais ce n’est pas plus sale que d’autres choses. Il y a des choses beaucoup plus sales. Des façons de faire aussi. Des gens comme des crachats. Cette carte, ça me travaille. Pourquoi je l’ai rangée là, dans ma boîte à outils. À cause du ciel violet. On n’en voit pas de ciels dans les garages.
— Il y a toujours l’option Velux.
— Violet. Saumon, une couleur comme une pommade sucrée. Au moment d’écrire sur cette carte, il a hésité un peu, c’est toujours difficile de dire en quelques mots ce qui est là et ce qui manque. Deux choses énormes. Ce qui est là est impossible à dire. Cette liste. Sans fin. À regarder le ciel. Ce qui manque, impossible à expliquer. Trop compliqué, ce qui manque. Des villes comme Copenhague. Alors il a mis des mots simples, « Bons baisers d’ici ». Il savait que je comprendrais plus. Avec l’arbre. Avec le ciel rose. Il savait que je verrais la ligne du fleuve qui disparaît doucement, et elle lèche l’horizon, comme si tout pouvait durer éternellement, ce n’est pas vrai bien sûr, mais l’espace d’une minute on le croit. L’humilité. Quand on regarde le soleil qui chauffe l’envers des branches, ce feu. Impossible à dire. Il savait que je verrais l’humilité.
— Vous avez fait le tour ? Je vous propose de continuer. Par ici.
— Cette carte, je l’ai mise dans la boîte pour
— Je vous précède, attention à la petite marche. Et en passant, là, regardez, l’emplacement pour la chaudière, tout est prévu.
— Je l’ai mise dans la boîte, je ne sais pas pourquoi, avec le schni, les choses qu’on garde, qui restent, impossibles à dire. Ce qui n’est pas jeté, même ramassé. Le schni, ça se reconstitue toujours. C’est un peu spontané comme apparition. Comme les villes, spontanément elles grossissent, et aussi dans les rêves, on rêve de villes grosses et de leurs noms étranges. Parfois c’est impossible à prononcer. Ou alors il faut être très fort. Ça m’impressionne. Quelqu’un l’autre jour a dit « La littérature est en retard sur le monde, sinon on en lirait plus ».
— Je ne peux pas vous renseigner. Je crois aux choses spacieuses et propres, aux surfaces rutilantes, aux formes pré-dessinées.
— Il y a deux trous d’aération dans le chambranle de la fenêtre de ma cuisine. Ils sont noirs, encore plus noirs du fait que la fenêtre est blanche, et plus noirs encore quand l’obscurité tombe le soir. Dans l’un des deux, le soir, quand je rabats les volets depuis l’extérieur – au fait, je n’ai pas de garage, chez nous il n’y en a pas, mais bref – le soir quand je sors pour rabatte les volets, les trous sont à la hauteur de mes yeux et je vois de petites griffes dépasser, appuyées contre le bord rond. Une araignée. Je ne vois pas son corps. À dire vrai, je ne vois même pas que c’est une araignée, je la suppose. Le lendemain matin quand j’ouvre elle est toujours là, quatre pattes dépassent, comme quatre doigts d’une main avec le pouce qui se maintiendrait dedans. C’est pour ça que je l’ai gardée, la carte postale, dans ma boîte à outils, comme un pouce.

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visite virtuelle #1- l’Entrée

L’entrée : on ne réalise pas tout de suite que c’est l’entrée parce que, faute de place, l’architecte la fait tenir dans un espace qui se situe entre l’escalier, le couloir qui ouvre sur la cuisine, et le salon. C’est pourtant indiqué Entrée sur le plan, donc elle existe (puisque tout ce qui est écrit est réel).

Il faut, en revanche, prendre le temps du resserrement sur soi-même, un peu l’impression d’entrer dans un placard alors qu’on pense accéder au jardin. Mais c’est la vie.

La vie est faite d’aménagements de ce type, où on doit faire machine arrière mentalement, se résigner à ce qu’il est possible de traverser, et tant pis si c’est de la taille d’un mouchoir, tant pis si c’est de la taille d’un désert. L’espace est un drôle de concept qui ne s’adapte pas automatiquement à soi, c’est l’inverse.

Et en se mesurant à lui (l’espace), en tentant de s’y adapter, il est possible qu’on perde un peu de joliesse, un peu de fierté, qu’on perde un peu de commune mesure, de jugement, qu’on perde un peu la respectabilité de l’humain libre (je dis « humain libre » et pas « homme libre », car la moitié de l’humanité n’est pas un homme. Il faudrait certains jours être Navajo et comme les Navajos connaître quatre genres : homme, femme, homme féminin, femme masculine. Et je ne sais rien d’autres tribus qui peut-être en savaient encore plus sur nous même mais dont on a coupé tous les arbres et brûlé toutes les peaux). On perd un peu de ses moyens en s’adaptant aux Entrées courant d’air.

N’empêche, l’Entrée inexistante donne une bonne idée générale du reste. Et la respectabilité d’humain libre, comme elle est élastique et résistante, reprend vite le dessus.

Par exemple l’escalier (on ne voit que lui) est une structure noire et dorée à rampe d’ivoire et inclusion de blasons solaires. Cela réveille la majesté en nous. Nous titille la perruque poudrée du Louis le quatorzième ou de la Pompadour. Avec un escalier comme celui-là, c’est sûr, nous ne vivons pas dehors.

Dehors c’est la boue, la poussière, les manants. Le petit peuple sans genre qui s’active dans l’ombre et la sueur. Nous n’avons peut-être pas d’Entrée, ni la sagesse des Navaros, mais nous avons un escalier cannibale. Un escalier ventru, clinquant, outrageusement agressif (c’est une agressivité de type 2, celle qui ne se voit pas et ne laisse pas d’ecchymoses).

En tant que visiteur virtuel de cette possession virtuelle nous sommes du bon côté du mur, celui sans bandages ni fractures où l’ego se pavane tout neuf. À croire que c’est un ego de métal,  lui aussi noir et doré à rampe d’ivoire et serti de symboles de pouvoir. Les luminaires sont dorés également, preuve qu’on assiste ici à une volonté de construire un monde assorti et cohérent.

C’est la cohérence qui nous manque le plus disait l’autre (il n’aurait pas dit ça s’il avait été décorateur d’intérieur. S’il avait dû décider de l’assemblage de couleurs et de textures entre elles pour qu’elles facilitent la glisse. Qu’on puisse passer d’une Entrée infinitésimale à une propriété où de grands chiens poilus et roux courent derrière des purs-sangs, en une seconde).

visite virtuelle entrée

Savoir et Transparence

_ Cette maison est très élégante et performante. Elle m’intéresse. Une chose m’étonne pourtant. Pourquoi, au milieu du salon, ce grand écran est-il réel et pas un fac-similé ? Pourquoi une vraie télé ? Et pourquoi est-elle allumée en continu sur une chaîne d’information ? Ce n’est pas contre-productif pour votre image, toutes ces courses-poursuites sur l’autoroute, ces casseurs, ces violences dans les quartiers, ces pauvres ? Vous n’avez pas peur que ce soit anxiogène ? Que ça casse l’ambiance et que ça refroidisse les futurs acheteurs ?

_ Non. C’est une maison connectée. Savoir et Transparence, voilà notre credo. Notre Savoir au service de tous, la Transparence de la qualité, c’est notre devise. Savoir quelles sont les menaces aide à s’en protéger, et en toute transparence. Mieux déterminer les dangers potentiels  permet d’opter pour une sécurité haut de gamme, double-vitrage, code d’entrée, isolation, charpente métallique dernière génération, imputrescible, ignifugée, résistance thermique et sismique, et c’est en toute transparence que nous garantissons la provenance de l’excellence de ce savoir-faire, grâce à nos partenariats écolabellisés avec des artisans locaux bien français présents sur notre territoire en toute légalité. Les gens veulent savoir.  Les gens veulent la transparence. Ne serait-ce que moralement. Nous proposons donc un service éthique aux consommateurs. De plus, cela participe au miracle économique. Lorsque le savoir augmente, l’inquiétude augmente et, tout naturellement, par compensation, le besoin d’adoucissants augmente (shampoing, lessive, sucre, graisses, en toute transparence, puisque c’est indiqué sur les paquets). Et nos partenaires (fabricants de boissons gazeuses, gels amincissants, caravaning) peuvent viabiliser leurs entreprises en créant éventuellement de nouveaux emplois, donnant ainsi aux futurs ouvriers et employés les capacités financières d’acquérir savoir et transparence, et ainsi de suite. C’est une formule gagnant-gagnant. Le désordre apparent du monde n’est pas un frein pour le marché.

_ Vous avez sans doute raison. Et puis il n’y a pas que des mauvaises nouvelles aux infos. Ils viennent de dire qu’on n’a jamais autant acheté de voitures neuves.

_ Et c’est bien que ça se sache. Car ce savoir provoque un sentiment de bien-être. Un sentiment positif. Un regain de confiance. Tiens, se disent les gens, on n’a jamais acheté autant de voitures neuves, c’est donc que, au fond, tout au fond, finalement tout va bien, que le monde va bien, que l’économie va bien, que l’écologie va bien, que la vie va bien, car qui penserait à s’acheter une voiture neuve dans un monde saturé de pollution, de facteurs d’inégalités et de violences ? Et, sachant cela, les gens se disent, tiens, moi aussi je m’achèterais bien une nouvelle voiture neuve, parce que ça sent très bon la voiture neuve et qu’on est très bien assis dedans. Et qu’on peut rouler où on veut, en toute transparence, grâce au GPS intelligent dernière génération intégré, rouler partout où on veut, dans la limite des frontières imposées par les flux migratoires, et rentrer chez soi se garer (entre parenthèses, j’ajoute en sus que savoir qu’on n’a jamais autant acheté de voitures neuves permet d’accroître ainsi la vente de voitures neuves, par capillarité, c’est un cercle vertueux). Mais j’y pense : avez-vous noté que nous proposons dans notre formule Maison-Plus-Plus (deux fois plus) une porte de garage automatique avec détecteurs de lumière de fumée de présence humaine non-humaine et calcul en temps réel du taux hydrométrique de l’air ambiant régulé ?

_ Ah non. J’aime bien l’hydrométrie… Mais dites, cette idée que tout va bien n’est pas très vraie quand même. Le monde est quand même légèrement saturé de pollution, de facteurs d’inégalités et de violences, non ? Ce n’est pas un peu contradictoire avec ce que vous venez de dire sur la transparence ?

_ Je parlais de la transparence des objectifs. Je vous laisse feuilleter notre catalogue ?

mt 1

mt 2

mt 3

mt 4

 

 

(ici la douche)

salle de bain 1

salle de bain 2

salle de bain 3

Ici la douche ne fait pas fonction de douche, ni la baignoire de bain.  Ses remous ne sont que des promesses de remous au futurs, ultérieurs, les canalisations sont vides. Le lavabo est courbe, les robinets sont courbes, les sels de bain scintillent dans des fioles courbes, larges ou oblongues, tout est courbure et confortable, sans risque de coupures. On reste intact en entrant dans la douche qui ne fait pas fonction de douche, en caressant le bord de la baignoire qui n’est pas bain, et même la glace renvoie une image courbée, le miroir légèrement convexe amincit les silhouettes aux hanches, on reste intact, identique à l’image mentale qu’on se renvoie soi-même, plus mince que l’autre (celle de nous étrangère, dans les vitres d’immeubles intransigeantes).

Des serviettes de bain sont suspendues, moelleuses et douces éternellement. Les serviettes ne sèchent pas, les gants ne mouillent rien, parfaitement assortis au décor de galets qui ne connaissent de la mer que sa reproduction, image renvoyée sur du verre, photographiée, l’intensité, la luminosité réglées, et reproduite sur du papier, glacé, mat, satiné, une mer déclinée de l’image d’une autre, elle-même produite par une autre, une mer fractale. Et la forêt n’est pas une forêt d’arbres.

Ici on peut amener des questions simples : combien ? quand ? quels paramètres ? (dimensions, options, coloris) Ce sont aussi des questions courbes, caressantes, confortables, qui n’auraient jamais vu la mer. Des questions fluides et sinusoïdales, complexes (coloris nuancés, options listées,  des dimensions décroissantes ou croissantes et les prix), questions qui reproduisent l’image courbe et douce d’autres questions, elles-mêmes convexes, amincies, contrôlées (une fois que les questions entrent dans une aire fractale elles ne demandent plus rien).

On sort d’ici avec des questions douces, moelleuses et courbes, confortables. Ici l’eau ne coule pas des robinets, ce qui évite les questions pièges ou harassantes, on ne se demande pas si quelqu’un quelque part a soif. Si quelqu’un quelque part fait naufrage. Si quelqu’un quelque part ploie, tombe et se noie. On ne peut pas se le demander car les joints ici sont étanches.

Et si la nuit quelqu’un venait taguer les murs, tracer en rouge des lettres sur le carrelage blanc, en noir des lettres sur le carrelage gris, des lettres coupantes, tranchantes, par exemple un message qui dirait « Quelqu’un quelque part a soif »,  ou « Quelqu’un quelque part fait naufrage », ou « Quelqu’un quelque part ploie, tombe et se noie », il est fort possible que la texture particulière du revêtement saurait dissoudre toute tentative de rébellion massive, tout inconfort, déséquilibre dans les options, nuances et coloris, prix croissants, décroissants et les courbes. C’est comme ce mot « témoin » dans une maison témoin, ce qu’il nous force à ne pas regarder,  comme si le miroir qui renvoie une image déformée, la douche qui ne fait pas fonction de douche ni la baignoire de bain s’étaient fait pousser de grandes mains courbes et moelleuses qui venaient enserrer nos tempes et nos mâchoires pour que nos têtes se tournent en direction d’images d’images, leur intensité et luminosité en règle, reproduites sur du papier glacé, mat, satiné (pas de chute, pas de risques, rien qui tombe).

Ici la douche mesure l’écart, elle fait fonction de référent. C’est le modèle à reproduire, le quadrillage où glisse la translation. Et sa dictature est très douce, tout en courbes, confortables (pour trouver les images uniques, intransigeantes, on traque les reflets).

salle de bain 1 prim

salle de bain 2 prim

salle de bain 3 prim

 

 

« il tue ce mur »

La maison est vide en ce moment. Comme c’est un printemps un peu frais, que le ciel est grisé, les ombres ne se découpent pas sur le carrelage de la cuisine, sur les dalles claires du salon, au seuil des portes neuves, comme si ici était un lieu hors sol, hors pesanteur – car que pèse-t-on, débarrassé de l’ombre –, comme si les pièces étaient les membres ramenés entre eux d’un grand corps accroupi qui attend, la maison témoin qui écoute.
Il y a des voix de femmes, des rires, des cris. Beaucoup de musique, quand leurs fantômes traversent le couloir, les chambres, et on entend parfois « coupez ! », mais on ne coupe pas, il y a des liens indéfectibles. Il y a ce qui reste des visites, un morceau de papier plié avec un bout de téléphone ou le début d’un nom. Des produits ménagers sous l’évier, des prospectus. Un des faux livres décoratifs de la bibliothèque est écorné – un enfant qui voulait vérifier que c’était une boîte, que ça ne s’ouvrait pas cette mystification, l’a arraché en douce avec son ongle pendant que les adultes parlaient. Il fallait bien qu’il réalise que c’était vrai ce mensonge.
Dehors le trottoir est sale devant le panneau d’affichage qui rappelle les horaires de visites, il fera bientôt nuit.
La nuit arrive, comme elle résonne dans les murs vides, de cris, de rires, qui viennent de loin, plus loin que le trottoir, c’est un vacarme vague, actif et concentré, de qui se réunissent, ne veulent pas dormir, veulent rester debout. La maison est inquiète. Plus légère sans son ombre, elle y prend goût à ce printemps. Elle aimerait bien ne plus entendre « coupez ! » – et elle a cette idée que les fantômes ne sont pas morts. Elle voudrait des slogans qui s’allument et clignotent sur l’écran imité de la fausse télé du salon. Que les fruits en plastique du saladier se talent, mûrissent, pourrissent même, qu’on puisse les jeter sur ce qui avilit, ce qui violence, ce qui monstre d’aveuglement. Elle en a marre d’être témoin peut-être ?

il tue ce mur

faites le mur

 

l’ange

Ce problème de savoir si c’était foncièrement utile, c’était bien le problème central. Un ange tournait, suspendu par une main, son corps suivant une ligne parallèle au sol. Ses deux ailes brunes enveloppantes, scintillantes, semblant s’ouvrir à mesure qu’il tournait puis se fermer, une illusion d’optique. Une illusion légère, sans importance, n’impliquant pas qu’on y réponde, qu’on prenne position, ni même qu’on en discute. Est-ce que c’était utile de le savoir, utile d’être lucide, sans concession, de lire entre les lignes des articles de journaux des indices de cupidité et de médiocrité. Est-ce que c’était utile de suspendre un ange parallèle à la route. De suspendre cet ange en l’accrochant en haut d’une tour, peut-être même en haut de la plus haute tour d’une ville, est-ce que cela servait, est-ce que ça pouvait impliquer une modification subtile du monde, qui, peut-être ajoutée à une autre, et à une autre ensuite – ajoutée par exemple au déchiquetage et au réassemblage d’affiches publicitaires tronquées, les roues d’une voiture de luxe changées en plats de spaghetti en sauce, ou encore ajoutée à la réunion, dans une pièce étanche, derrière une vitrine étanche d’autres vitrines, placées les unes à côté des autres, contenant des boîtes de verre alignées sur des étagères de verre, chacune des boîtes refermée sur une sorte de boule à neige contenant un paysage désuet en réduction (rennes, nains, sapins, monuments célèbres), mais une boule à neige rendue, par je ne sais quel procédé, cubique, de façon à parfaitement s’insérer dans sa boîte de verre – est-ce que cela, ajouté à d’autres tentatives et à d’autres performances complexes et parfois incompréhensibles, pouvait changer quoi que ce soit. Ou c’était faire confiance à l’existence non prouvée d’un organisme plus large, et à sa chimie : n’importe quel acte aurait sur cet organisme un effet, dans l’œil, la tête, le corps d’un passant, l’acte saurait se répercuter (en partant du principe que cet organisme était constitué de nombreuses cellules qui toutes ensemble formaient une collectivité, les habitants d’une ville ou d’un continent par exemple). Est-ce qu’il y avait cette mince possibilité de changer la donne, petit à petit, en s’armant de collections entières de chiens de faïence blancs, d’expositions de visages muselés peints les uns sous les autres, d’oreilles percées et de mains ligotées, de menottes attachées à la suite en guirlandes, pour que les habitants d’une ville, d’un continent, s’en trouvent légèrement modifiés, peut-être déstabilisés, ou incrédules, et qu’à force de chiens de faïence, de menottes et d’affiches tronquées, de structures métalliques chauffées à blanc pour que le fer en paraisse ramolli, peut-être qu’à force et petit à petit, l’incrédulité les prendrait, comme sous l’effet d’une contagion progressive, que la lucidité suivrait, et que les habitants d’une ville, d’un continent, seraient capables ensuite de lire entre les lignes des articles de journaux et d’y déceler à coup sûr des indices de cupidité, de médiocrité, que leur sensibilité serait exacerbée, qu’ils développeraient une allergie, une intolérance totale à l’aridité et à la violence, même celle, cachée sous les plis consensuels et polis,  capable de rouiller toutes les structures. Et si ce n’était pas le cas, est-ce que cela servait de fracturer une porte pour s’installer dans une maison témoin, y installer ses rêves ou ses déductions, ou son phrasé, ses rimes qui ne rimaient pas, ou ses penchants, ses angles obtus, ses élucubrations et ses silences, ses cartes postales fictives et ses personnages vivants, ses musiques et ses films, sa texture et sa couleur de sa peau, est-ce que c’était utile de souffrir ou de se révolter. Est-ce que cela faisait compost, un terrain de germination d’autres possibles, ou est-ce que c’était seulement des appels à l’aide, qui résonnaient entre les murs vides de la maison témoin, des appels dans les pièces vides de sens, blanches et lumineuses, hygiéniques, privées d’éraflures et de saletés, vidées de toute suspension et de toute illusion d’optique dérangeante, des appels à l’aide incrédules, obstinés, et tout le monde qui criait.

 

ange(image : ange de BALTIMORE, MUSEE DE L’ART VISIONNAIRE, VLOG 2MINUTESADAY, @fbon)

 

 

didascalie

_ Ici la cuisine, totalement équipée, vous avez vu tout cet espace ? ici, et ici, et je ne parle pas du débarras. Pour les placards, l’entrée, les chambres, il y en a vraiment partout, avec un côté penderie, des étagères de l’autre, tout a vraiment été pensé ici.

_ Et ici ?

– Ici aussi.

_ Et ici ?

_ Aussi.

_ Et ici ?

_ Aussi.

(ensuite, ils ne s’arrêtèrent pas, la maison les avait piégés, ils continuèrent à se répondre sans s’écouter,   Et ici ?   /   Aussi
ça se rythmait, ça s’entonnait comme une musique intempestive,  un son à écouter plus tard, dans l’hypnotisme,    Et ici ?   /   Aussi           les relents d’une vieille rengaine qui aurait fait vaguement sourire, une Félicie, le tempo suspendu un temps, toujours le même, entre Et ici ?      et Aussi, comme une marche à monter ou descendre, comme un décrochement ou un point de bascule qui aurait pointé sans arrêt, subrepticement, qui aurait attendu, tapis, coincé entre Et ici ?      et Aussi, mais serait resté silencieux, un moment vide qui ne pouvait pas se remplir, qui esquissait même une grimace de recul, comme un vertige, comme se penchant par-dessus une balustrade très haute, ne sachant plus comment s’enfuir, ça continuait, et à chaque fois, avec chaque parole portée, c’était un coup d’épaule, un sourcil écarté, un geste d’évidence, levant la main, la déviant de sa route initiale, temps de surprise, comme une chorégraphie rejouée et répétée, vertige, surprise, vertige surprise continuellement, et bientôt au dehors, alors qu’ils reprenaient sans fin leurs déhanchements secs et leur chant à trois temps, ça s’est affiché sur les murs en lettres majuscules, sur les panneaux publicitaires, sur les panneaux routiers, les sorties de métro, les rubans défilant aux frontons des immeubles qui déversaient les news,  ça s’allumait en lettres capitales fluorescentes   … ET ICI ?   …    AUSSI   …   sertis de points en ribambelle, puis c’est entré dans les vitrines des pharmacies, des vendeurs de pianos, des épiceries, des salons de coiffure, ça s’est infiltré entre les boites de pansement et les savons, les laques colorantes, les dés à coudre, les chopes de bière, puis ça a pris la route, ça s’est collé sur les bennes des camions, les camionnettes d’électriciens, de transporteurs,  sur les plaques minéralogiques qui servent d’habitude à donner le prénom sous le pare-brise (DIEGO, CLAIRE, PASCAL, ADALINE), on pouvait voir les lettres   ET ICI ?     AUSSI    moulées dans le métal, en relief, puis quelqu’un a pensé ou a dit d’une voix forte (je ne sais plus exactement) qu’ici aussi on était victorieux, et perdants aussi, qu’ici aussi on avait de la peine à ne pas savoir quoi, ni où aussi, et ni comment, qu’ici aussi on était mains liés et dégoutés et débordants d’ardeur, et insouciants et déprimés aussi, ici aussi, qu’ici aussi on avait peur de l’autre et de la maladie, et de la mort aussi, ici, et d’être seul, aussi de perdre sa conscience, qu’ici aussi quand il faisait très beau on avait l’impression de voler, voler dans tous les sens du terme, voler en l’air sous tant de joies, voler aux autres de l’attention, voler l’espace, voler la place à tous ceux qui n’en avait pas, ils étaient des milliers partout à ne pas avoir de place, à être coincés dans l’angle mort, coincés dans les entrefilets, en fin de paragraphes, en fin de ligne et en toutes petites lettres, et ceux qui parlaient le plus fort et par-dessus tout le monde n’avaient pas de colonne vertébrale, pas ici, et pas d’enveloppe charnelle, que du tissu sous des cravates, qu’à force de les désavouer ou de les suspecter, ou bien d’en rire, on en perdait des plumes, mais on gardait les yeux ouverts, les yeux ouverts ici, les yeux ouverts aussi, mais ça ne servait pas, non pas tellement, parce qu’il y avait du temps passé, et des bagages, plein d’arriérés, on ne pouvait pas en faire le tour, trop à payer et trop à rembourser, on n’avait pas assez de tous ses bras de toute sa volonté pour tout résoudre, et qu’est-ce qu’il fallait faire à ton avis ? trop de questions, trop de questions, et une fois cette voix élevée (ou seulement pensée je ne sais pas) dans son très petit périmètre, il y a eu comme un soulagement, un souffle d’air, un repos, une respiration, et les deux hommes dans la maison témoin ont repris leur visite, l’un vantant la parfaite étanchéité de la porte-fenêtre pendant que l’autre l’examinait, pensif, et que les lettres s’évaporaient,   partout,    ici aussi)

 

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