visite virtuelle #1- l’Entrée

L’entrée : on ne réalise pas tout de suite que c’est l’entrée parce que, faute de place, l’architecte la fait tenir dans un espace qui se situe entre l’escalier, le couloir qui ouvre sur la cuisine, et le salon. C’est pourtant indiqué Entrée sur le plan, donc elle existe (puisque tout ce qui est écrit est réel).

Il faut, en revanche, prendre le temps du resserrement sur soi-même, un peu l’impression d’entrer dans un placard alors qu’on pense accéder au jardin. Mais c’est la vie.

La vie est faite d’aménagements de ce type, où on doit faire machine arrière mentalement, se résigner à ce qu’il est possible de traverser, et tant pis si c’est de la taille d’un mouchoir, tant pis si c’est de la taille d’un désert. L’espace est un drôle de concept qui ne s’adapte pas automatiquement à soi, c’est l’inverse.

Et en se mesurant à lui (l’espace), en tentant de s’y adapter, il est possible qu’on perde un peu de joliesse, un peu de fierté, qu’on perde un peu de commune mesure, de jugement, qu’on perde un peu la respectabilité de l’humain libre (je dis « humain libre » et pas « homme libre », car la moitié de l’humanité n’est pas un homme. Il faudrait certains jours être Navajo et comme les Navajos connaître quatre genres : homme, femme, homme féminin, femme masculine. Et je ne sais rien d’autres tribus qui peut-être en savaient encore plus sur nous même mais dont on a coupé tous les arbres et brûlé toutes les peaux). On perd un peu de ses moyens en s’adaptant aux Entrées courant d’air.

N’empêche, l’Entrée inexistante donne une bonne idée générale du reste. Et la respectabilité d’humain libre, comme elle est élastique et résistante, reprend vite le dessus.

Par exemple l’escalier (on ne voit que lui) est une structure noire et dorée à rampe d’ivoire et inclusion de blasons solaires. Cela réveille la majesté en nous. Nous titille la perruque poudrée du Louis le quatorzième ou de la Pompadour. Avec un escalier comme celui-là, c’est sûr, nous ne vivons pas dehors.

Dehors c’est la boue, la poussière, les manants. Le petit peuple sans genre qui s’active dans l’ombre et la sueur. Nous n’avons peut-être pas d’Entrée, ni la sagesse des Navaros, mais nous avons un escalier cannibale. Un escalier ventru, clinquant, outrageusement agressif (c’est une agressivité de type 2, celle qui ne se voit pas et ne laisse pas d’ecchymoses).

En tant que visiteur virtuel de cette possession virtuelle nous sommes du bon côté du mur, celui sans bandages ni fractures où l’ego se pavane tout neuf. À croire que c’est un ego de métal,  lui aussi noir et doré à rampe d’ivoire et serti de symboles de pouvoir. Les luminaires sont dorés également, preuve qu’on assiste ici à une volonté de construire un monde assorti et cohérent.

C’est la cohérence qui nous manque le plus disait l’autre (il n’aurait pas dit ça s’il avait été décorateur d’intérieur. S’il avait dû décider de l’assemblage de couleurs et de textures entre elles pour qu’elles facilitent la glisse. Qu’on puisse passer d’une Entrée infinitésimale à une propriété où de grands chiens poilus et roux courent derrière des purs-sangs, en une seconde).

visite virtuelle entrée

Les maisons qu’on visite en rêve sont habitations poétiques

/ corps, conques & contenants.
Les maisons qu’on visite en rêve sont habitations poétiques, présences induites, issues du paysage. Elles font corps avec le site et même, possiblement mouvantes, s’y adaptent en permanence. L’une d’elles était retranchée en fond de baie, contenue dans une anse, une anse elle-même comme un contenant, remplie et vidée par la mer. Tour à tour lagune et vasière. Limon, argile et sable, teintes ardoises et ocres, douces à l’œil. En dégradé de grains. De la poudre d’émeri au papier de verre. Ni galets secoués par les vagues, ni cailloux pointus de rivières. Cette seule surface tactile, et tout de suite après l’herbe en tapis dans un sous-bois de pins. La maison était là – nous le savions seulement mais sans l’apercevoir – associée au bois, faite de bois, s’accordant aux troncs. Visible essentiellement par la présence d’une terrasse où s’asseoir pour profiter du paysage dans lequel aucune verticalité ne semblait avoir capacité à se maintenir longtemps. Non pas hissée sur la plage mais posée sur le plat de l’anse. Annoncée par un plancher de pin d’où l’on percevait nettement les éléments du sol, dans la continuité d’autres lignes lointaines, d’autres surfaces, se répondant en plans qui se recouvrent. Affaires de niveaux. Plancher-plateau-paysage – vidé, empli, en nappes – d’où regarder approcher le trop plein de mer, cet envahissement au terme duquel il eut été facile d’imaginer l’habitation soulevée, flottante. Mais l’habitation avait disparu, s’était enfoncée dans la vase à la façon d’un coquillage – fermeture, retranchement – puis laissée recouvrir. Et tandis que mon regard flottait encore au-dessus de l’anse effacée par l’eau, une autre partie de moi enfermée dans l’abri, attendait de refaire surface pour découvrir, comme sur un campement provisoire, un paysage changé et neuf.

 

Virginie Gautier

Il y a des maisons qu’on visite en rêve

/Verrière, Serre, Envers, Mer.
Il y a des maisons qu’on visite en rêve, l’une d’elles m’a laissé un heureux souvenir de verrière. Unique accès par la façade arrière, pourvue d’une serre, la villa surplombait un paysage qu’elle masquait entièrement. Mais déjà tous ces indices en « ère », homonymes d’air et d’erre – espace, vent, circulation, enveloppaient le lieu d’un halo singulier. Nous savions la mer derrière, même cachée, et qu’un chemin très raide, que la maison ne révélait que sur son autre versant, permettait de descendre à pied vers une crique en contrebas. L’arrivée était en bout de route et par une verrière. Transparence et obstruction, comme souvent en rêve. Or toute transparence semblait ici disposée vers la façade arrière, la seule, puisque l’autre qui possédait la vue ne se laissait pas voir ou peut-être depuis un point inaccessible au large, point qu’on dit imaginaire.
Au débouché de la route donc une sorte d’étrangeté, le charme d’un bâtiment à demi ruiné posé sur un sol sec, poussiéreux. Tout était à refaire. L’idée même de jardin retournée comme un gant, associée à cette serre vide qui dessinait une fermeture en agrafe, l’aboutissement du bâtiment construit sur un dénivelé du sol rattrapant ainsi par l’arrière et comme de justesse son ancrage. De la maison nous percevions surtout les cheminements, ayant rapidement compris son plan en U, mais toujours dans cet envers où nous circulions assez avidement d’un espace vers l’autre. Une grande pièce cuisine au rez-de-chaussée, ouverte sur la cour. Des montées, des descentes larges et lumineuses. À l’étage un couloir entièrement vitré et la vue traversante vers son double, symétrique, de l’autre côté d’une cour intérieure. La serre à l’extrémité semblait démesurée, en largeur comme en hauteur, et quelques fragments d’objets dont l’utilité n’était plus identifiable rappelaient, nous l’avions oublié, une ancienne occupation, un autre état des lieux. Or c’était précisément cette alliance du verre, du sable, du ciment, de la pierre, de la poussière même avec le vide qui saisissait et rendait heureux, par la capacité du lieu à rester tel quel c’est à dire inhabité, à soutenir une conversation avec un interlocuteur aussi abstrait que le ciel, à évoquer par ses composantes les plus matérielles, mais comme intellectuellement, la mer invisible présente. Il suffisait que nous le sachions, que chaque verso a un recto, que, tandis que nous habitons l’espace, un imaginaire même décousu, même plat comme une image ou sonore comme une allitération, œuvre en permanence à revers pour l’enfler comme un ballon, assurer sa qualité, sa profondeur, nous contenir sans qu’il soit nécessaire de le meubler d’aucune autre manière.

Virginie Gautier

Savoir et Transparence

_ Cette maison est très élégante et performante. Elle m’intéresse. Une chose m’étonne pourtant. Pourquoi, au milieu du salon, ce grand écran est-il réel et pas un fac-similé ? Pourquoi une vraie télé ? Et pourquoi est-elle allumée en continu sur une chaîne d’information ? Ce n’est pas contre-productif pour votre image, toutes ces courses-poursuites sur l’autoroute, ces casseurs, ces violences dans les quartiers, ces pauvres ? Vous n’avez pas peur que ce soit anxiogène ? Que ça casse l’ambiance et que ça refroidisse les futurs acheteurs ?

_ Non. C’est une maison connectée. Savoir et Transparence, voilà notre credo. Notre Savoir au service de tous, la Transparence de la qualité, c’est notre devise. Savoir quelles sont les menaces aide à s’en protéger, et en toute transparence. Mieux déterminer les dangers potentiels  permet d’opter pour une sécurité haut de gamme, double-vitrage, code d’entrée, isolation, charpente métallique dernière génération, imputrescible, ignifugée, résistance thermique et sismique, et c’est en toute transparence que nous garantissons la provenance de l’excellence de ce savoir-faire, grâce à nos partenariats écolabellisés avec des artisans locaux bien français présents sur notre territoire en toute légalité. Les gens veulent savoir.  Les gens veulent la transparence. Ne serait-ce que moralement. Nous proposons donc un service éthique aux consommateurs. De plus, cela participe au miracle économique. Lorsque le savoir augmente, l’inquiétude augmente et, tout naturellement, par compensation, le besoin d’adoucissants augmente (shampoing, lessive, sucre, graisses, en toute transparence, puisque c’est indiqué sur les paquets). Et nos partenaires (fabricants de boissons gazeuses, gels amincissants, caravaning) peuvent viabiliser leurs entreprises en créant éventuellement de nouveaux emplois, donnant ainsi aux futurs ouvriers et employés les capacités financières d’acquérir savoir et transparence, et ainsi de suite. C’est une formule gagnant-gagnant. Le désordre apparent du monde n’est pas un frein pour le marché.

_ Vous avez sans doute raison. Et puis il n’y a pas que des mauvaises nouvelles aux infos. Ils viennent de dire qu’on n’a jamais autant acheté de voitures neuves.

_ Et c’est bien que ça se sache. Car ce savoir provoque un sentiment de bien-être. Un sentiment positif. Un regain de confiance. Tiens, se disent les gens, on n’a jamais acheté autant de voitures neuves, c’est donc que, au fond, tout au fond, finalement tout va bien, que le monde va bien, que l’économie va bien, que l’écologie va bien, que la vie va bien, car qui penserait à s’acheter une voiture neuve dans un monde saturé de pollution, de facteurs d’inégalités et de violences ? Et, sachant cela, les gens se disent, tiens, moi aussi je m’achèterais bien une nouvelle voiture neuve, parce que ça sent très bon la voiture neuve et qu’on est très bien assis dedans. Et qu’on peut rouler où on veut, en toute transparence, grâce au GPS intelligent dernière génération intégré, rouler partout où on veut, dans la limite des frontières imposées par les flux migratoires, et rentrer chez soi se garer (entre parenthèses, j’ajoute en sus que savoir qu’on n’a jamais autant acheté de voitures neuves permet d’accroître ainsi la vente de voitures neuves, par capillarité, c’est un cercle vertueux). Mais j’y pense : avez-vous noté que nous proposons dans notre formule Maison-Plus-Plus (deux fois plus) une porte de garage automatique avec détecteurs de lumière de fumée de présence humaine non-humaine et calcul en temps réel du taux hydrométrique de l’air ambiant régulé ?

_ Ah non. J’aime bien l’hydrométrie… Mais dites, cette idée que tout va bien n’est pas très vraie quand même. Le monde est quand même légèrement saturé de pollution, de facteurs d’inégalités et de violences, non ? Ce n’est pas un peu contradictoire avec ce que vous venez de dire sur la transparence ?

_ Je parlais de la transparence des objectifs. Je vous laisse feuilleter notre catalogue ?

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Femmes cinéma #2

(ça ne fait rien, j’avance) (pas spécialement conscient de l’existence de ce type de feuilleton, c’est égal, il y a dans l’imaginaire différentes autres figures-Janique Aimée, Ma sorcièrebienaimée, celle de « chapeaux melons et bottes de cuir » à laquelle fait écho amplifié la chanson d’Alain Souchon, qui « veut du cuir », c’est égal, elles peuplent probablement une sorte d’imaginaire télévisuel) Pour composer (bien, s’il te plaît) un billet, poser sur la platine cette chanteuse qui fait « petit pays je t’aime beaucoup/petit petit je l’aime beaucoup » Cesaria, clopos et alcools sans chaussure, cheveux courts et regards perdus, ça ne fait rien, je continue, j’avance)

Ce ne sont donc pas (pas vraiment) des stars comme aime à les appeler cette industrie, cet art, Charles Chaplin, messieurs Lumière (Louis, Auguste) et Georges Méliès, ce ne sont pas seulement des êtres vivants, ce sont surtout des images, celles de ces gens-là, parfois si inconnus qu’on n’en trouvera nulle trace ici, ou alors diffuses, incompréhensibles, fausses…

J’avais projeté de recommencer par une directrice de la Paramount, une certaine Ronda Gomez (elle apparaît dans le corps parce qu’elle a une certaine importance ? Non, je m’en souviens seulement maintenant)

Ronda Gomez

elle est à droite, cheveux courts, sourire et broche, il y avait aussi cette compagne de Terrence Malick, réalisatrice et assistante de Bert Schneider, Michie Gleason

Michie Gleason

mais elle semble une actrice, rechercher encore, je ferai sans doute des modifications à mesure que s’ouvrira ce passé, si je recherche (voilà bien le virtuel, tu poses un billet, tu l’oublies peut-être, est-il lu regardé parcouru qui peut savoir, qui sait, qui veut savoir, on le pose et vogue la galère, demain soir, ce seront – espérons- les agapes, les rires et les baisers sous le gui, on espère en demain, on espère toujours en demain…)

AmyIrving

Amy Irving, actrice (ex(?)-épouse de S. Spielberg)

Les transformations dues au réseau, ou au temps (qui peut aller savoir, connaître et reconnaître ce distingo ?), les jours passent, tu sais bien

brooke hayward

Brooke Hayward (épouse de Dennis Hopper, soeur de Bill Hayward-producteur d' »Easy Rider ») ici en compagnie de Groucho Marx (le gilet de laine, pas vrai…)

des fantômes, des gens d’image capturés dans leur plus simple appareil (n’exagérons pas mais il arrive, aussi, que ces jeunes femmes apparaissent aussi sous des dehors de starlettes, tel est le cinéma qui se sert des anatomies pour provoquer des fantasmes, et s’en saisir pour les transformer en l’achat d’un billet)

Gloria Katz

Gloria Katz, qui n’est que l’épouse de William Huyck, mais cependant tous deux auteurs d’Indiana Jones number one

Certes, cependant, je choisi les clichés (il n’en est pas d’autres de Gloria, pas trouvé ou pas recherché, mais celui-là me convient, sans sourire, portant sur le monde une sorte de regard critique), ici je compose sur leurs places, à elles, celles qu’elles occupent, pixellisées, différentes d’aujourd’hui

Marcia Lucas

Marcia Lucas, chef monteuse (non mentionné mais accessoirement première épouse de Georges dont elle prit le patronyme)

(comme disait Barthes « c’est le ruban noir au cou qui fait le punctum– chacun fait ce qu’il lui plaît) (le regard assez froid, à l’arrière plan, voilà ce que c’est que la photographie) 

je les ai formatés, retouchés, repris, ici ou là, fait disparaître les uns

Margot Kidder Margot Kidder, actrice, colocataire  de Jennifer Salt

(on n’en connaît aucune, elles étaient colocataires : tu penses à Mulholland Drive ? (David Lynch, 2001) et aux amours saphiques, c’est qu’elle apparaît cette Margot-là, en petite tenue quelquefois)

dans le cours du billet, elles apparaissent parce qu’elles sont rangées dans un dossier (Nouvel Hollywood 2) sur le bureau dans le dossier « Photos piero » il faut choisir, ranger, regarder, peiner, continuer ses excursions, ce sont les années soixante dix, le cinéma de l’autre côté de l’océan, un certain cinéma

Melissa Mathison

Melissa Mathison, scénariste de ET

certaines d’entre elles nous ont quittés, certaines sont toujours sur le pont,

Mimi MachuMimi Machu, compagne de Jack Nicholson, puis de Hal Ashby

elles sourient un peu, elles sont surprises par la photo, ou non, elles sont , très souvent, les hôtes de quelque pince-fesses parties (surboums, surpattes) comme on disait -ce monde n’est pas le leur, ce monde ne leur appartient pas)

Pauline Kael

Pauline Kael, critique

d’elle je me souviens, parce que j’ai entamé mes études de cinéma à la fin des années soixante dix, on parlait encore de cette femme faiseuse de rois du cinéma, on parlait de ces histoires-là en écoutant (un peu) Michel Ciment donner son cours d’anglais, ou Claude Beylie nous parler de Jean Renoir et de Jules Berry, le cinéma, ses tenants, ses afficionados, courir au Balzac, chercher à voir ce film de Glauber Rocha, tandis que de l’autre côté de l’Atlantique

Sue Mengers

Sue Mengers, agent artistique (peut-être de Christopher Walken, ici  derrière elle? je ne sais)

on ne pose pas, c’est un habitus robes du soir et smoking noeud pap chaussures en miroir chaussettes de soie (je brode, je brode) et ici cette dernière de l’épisode

Susanna MooreSusanna Moore, assistante de Warren Beatty, épouse de Richard Sylbert

non, jte dis, inconnue au bataillon (elle, ce doit être elle de nos jours, qui écrivait peut-être le scénario de ce Shampoo (Hal Ashby, 1975)), des image,s des illustrations, qu’est-ce que ce monde ? Que sont-elles donc devenues ?

Bon réveillon, bonnes fêtes, à l’année prochaine (et merci à François Bon pour le soutient)

Femmes cinéma #1

 

(A la vérité je voulais me rendre compte du visage des types qui ne cessent d’être cités dans le livre : cent trente deux visages ça fait aussi beaucoup, mais je pourrais en faire le feuilleton, puisque, tout compte fait, dans cette maison, ne subsistent que goules et fantômes -et que sont d’autres les acteurs – et les actrices – sur l’écran ?

Rien.

Personnages – par antiphrase, le sens commun nomme aussi ces gens-là des people- , dont on suivrait les frasques dans diverses feuilles à scandales ou pas, populaires ou ordinaires mais ça n’existe plus guère, journaux gratuits de tous poils… La chronique en serait défrayée, illustrée par des paparazzi de tous horizons, objectifs, traques et autres surveillances (je me souviens assez bien, c’était un dimanche, un matin tôt; une fin de mois d’août; j’étais dans la cuisine et la radio annonçait la mort à Paris de l’ex-femme du futur roi d’Angleterre-ce qu’il risque bien de n’être jamais…- qu’on surnommait lady Di) 

lady D

Sans légende

(elle n’a jamais été actrice mais le linéament qui l’unit à Grace Kelly fonde, pour moi, une fiction efficace) (je suis, en effet, assez midinette fleur bleue ou ce qu’on voudra dans ce registre)

grace kelly et sa belle-soeur

la princesse de Monaco avec sa belle-soeur (la soeur à Rainier donc, trois du reste)

(ce que j’aime, c’est ce garçon, à l’arrière-plan, derrière, noeud papillon smoking blanc, un peu chauve qui me rappelle mes oncles, et qu’on dirait tout droit sorti d’une maison témoin)

J’avais à la maison pas mal de livres qui comptaient l’histoire du cinéma : ici, il s’agit de l’étazunienne des années 60 et 70, un petit pan illustré, mais observé par un angle, un point de vue, une place ou une posture un peu différente. Il est vrai aussi que je préfère les femmes, de manière général, mais n’importe, voici un premier épisode, je ne sais si je tiendrais jusqu’au bout… En tous cas, plaçons ces gens dans pièces et salon, nous verrons bien, en choisissant leurs effigies ce qu’elles nous diront de l’état des choses durant ces vingt années-là…)   

 

Dans le livre (je l’ai fini, là : c’est un cadeau, le premier depuis le feu, mes remerciements…) que je suis en train de lire (« Easy riders, Raging bulls » dans  le texte ; traduit en « Le nouvel Hollywood » par la grâce des éditions du Seuil probablement, collection Points, Peter Biskind, traduit par Alexandre Peyre, 2006 pour la traduction, 2002 le Cherche Midi éditeur) figure un index des personnalités (p 651 et suivantes) lequel regroupe une liste d’une bonne centaine de noms (156) par ordre alphabétique.

Ce sont tous gens connus du milieu.

Sur la couverture, trois photos filtrées des films représentatifs (probablement) du propos : « Easy Rider » (Dennis Hopper, 1969), « Bonnie and Clyde« (Arthur Penn, 1967), « Star wars » (Georges Lucas, 1977 -j’ai l’impression) (ou alors « Apocalypse now » Francis Ford Coppola, 1979).

nouvel hollywood

Une galerie de personnages (on peut remarquer le fait de donner le centre au film de Penn, mais surtout -pour ce qui intéresse ici- une seule femme : en l’occurrence, Faye Dunaway qui incarne Bonnie Parker dans le film de Penn).

Dans la liste des personnalités, on a compté. On a cherché les images qui correspondaient à ces noms, et on les a identifiées. Toutes ne seront pas publiées : je ne trouve pas, mais je cherche, j’identifie, ce n’est pas simple mais je cherche.

Sur les 156 noms, on en comptera 37 de femmes (soir un quart). En déduire que le cinéma étazunien (de ces années-là) est pratiqué par 3 fois plus d’hommes que de femmes serait (très) probablement plus qu’hasardeux (certainement mensonger et même complètement faux). Mettons qu’il s’agit d’un strabisme (après tout, le livre est écrit par un homme et cette gent-là tient le pouvoir ici comme ailleurs) (on peut l’accepter, le déplorer, le combattre tout autant, mais on a quand même à d’abord le reconnaître : preuve ici serait donc apportée).

Ca ne sert à rien sinon à montrer l’omniprésence des hommes (ils sont tous patrons de studios, réalisateurs ou scénaristes -la lie du ciné étazunien, cette place-là… – tandis qu’elles sont actrices, journalistes, ou femmes d’untel). Une jolie brochette qui indique cependant (nonobstant les rôles très fréquemment tenues par les femmes -maman ? putain ? ce serait à regarder précisément, certainement) un certain style dans le pouvoir de ce champ du divertissement ou de la culture (qu’est-ce que tu préfères ? ).

Poserai-je ici, en cette maison fantôme comme un vaisseau,  les trente sept photographies prises là, ici, ailleurs ? Certes (j’ai déjà commencé). Je cherche en tout cas, je regarde et tente de me raccrocher à quelque chose. Quoi, qu’est-ce , je ne sais, mais disons qu’en cette fin d’année, ce sera une sorte de cadeau.

D’abord remarquer que, dans la liste ainsi réalisée, 22 personnes sur les 37 donc sont caractérisées par « épouse de  » ou « compagne de » ce qui indique un statut qui ne se découvre que très peu chez les hommes (Francis Coppola n’est pas gratifié du titre d »époux d’Eléanor Coppola » – on ne parle pas du nom de famille d’ailleurs) .

Puis peut-être indiquer que des 37 illustrations recherchées, on n’en trouve qu’une part (une trentaine) : les autres n’apparaissent pas en photographies (je n’ai cherché que sur le moteur que je ne nomme pas). Indiquer aussi qu’on trouve 2 productrices, une réalisatrice, dix actrices, 2 monteuses, 3 assistantes (diverses) et 4 scénaristes. Une chanteuse, une costumière, deux agents de casting, une chef-décoratrice. C’est une revue de professions, et c’est une liste que j’aime (j’établirai celle des hommes, que je poserai lorsque j’en aurais fini).

Commencer alphabétique :

Candice Bergen

Candice Bergen, compagne de Bert Schneider

Hellen Burstyn

Ellen Burstyn, actrice

Scott Bushnell, productrice pour Robert Altman (sans photo)

Julia Cameron

Julia Cameron, scénariste, épouse de Martin Scorcese

Julie Christie

Julie Christie, actrice, compagne de Warren Beatty

Eleanor Coppola

Eleanor Coppola, épouse de Francis Coppola.

Marion Dougherty

Marion Dougherty, directrice de casting

Faye Dunaway

Faye Dunaway, actrice

Carole Eastman

Carole Eastman, scénariste

Verna Fields, monteuse : sans photo…

Louise Fletcher

Louise Fletcher, actrice devant elle : son Oscar.

La suite au prochain numéro…

A toutes et tous, joyeuses fêtes (on va bien s’amuser dans cette maison(s)témoin, je pense…

 

 

 

 

Le Sacrifice (brûler…)

 

 

 

 

Ce type est un cinglé (mais on ne le sait pas exactement, on le suppose seulement) il est vieux (c’est un acteur fétiche) il a commencé juste après la guerre (la deuxième mondiale) avec Ingmar Bergman mais je l’ai connu aussi dans un film dont j’ai rédigé le découpage plan à plan (pour « l’Avant-scène Cinéma » du temps de Claude Beylie) « Dimenticare Venezia » de Franco Brusati (« Oublier Venise », 1976) dans lequel une vieille femme (je crois me souvenir qu’il s’agit de sa mère-mais plus sûrement, à me relire, de la bonne ou de sa nourrice) incarnée par Nerina Montagnani déclare « rose rouge, coeur ardent » qui m’est comme le seul et unique langage des fleurs qui me reste aujourd’hui ( le langage des fleurs, comme la carte du Tendre, sont pour moi des choses que je ne veux pas chercher à élucider). Je divague, c’est cette maison qui en est le témoin : dans ce film-ci, elle se trouve toujours sur cette île où Ingmar Bergman a tourné nombre de ses films (Gotland). Le héros en est un vieil homme (on n’a pas tellement avancé, je sais bien) qui veut conjurer le sort qui échoit au monde (une guerre mondiale – la troisième donc- qui dévastera tout). Si je l’ai choisi ici, c’est pour renouer avec la maison(s)témoin, parce que abandonnée quelques semaines, il faut y faire quelque chose d’assez spéciale (le film, au début et à la fin, baigne dans la musique de Bach – la passion selon Saint Matthieu- et c’est assez spéciale en effet) (1). Mais Andrei Tarkovski est, lui-même assez spéciale aussi.
Il a dédié ce film à son fils et depuis sa sortie (en 1986, grand prix spécial du jury à Cannes -président Sidney Pollack) j’ai cherché à le voir. Puis, vu, après « Andrei Roublev » j’ai aussi vu (il y a peu – compte en est rendu ici) le film de Chris Marker, où on voit précisément ce fils venir embrasser son père (celui-ci est mourant et mourra, en effet, quelques semaines plus tard). Il y a quelque chose chez Tarkovski et dans son amour du cinéma qui tient d’une sorte de miracle (lequel miracle est à l’oeuvre dans son dernier film, ce sacrifice donc).

Le vieil homme, incarné par Erland Josephson, donne à Dieu tout ce qu’il possède et c’est ainsi qu’en un plan extraordinaire en fumée s’envole sa maison.

sacrifice 1

À la vérité, je dois de dire que je n’ai pas exactement compris ce film (ici, il est accroupi devant sa maison en flammes et se rend compte, peut-être, du sacrifice qu’il a consenti). A la première vision j’ai juste été subjugué : on voit que le feu est mis, c’est lui qui l’allume, il n’y a personne dans la maison, toute la famille est partie se promener.

sacrifice 2

C’est lui qu’on voit (difficilement) au premier plan : son sacrifice, est-ce le fait d’un fou ? On se dit « non c’est pas possible…! » d’autant que la maison est dépeinte d’un bout à l’autre du film comme idyllique et belle, joyeuse et tranquille…

sacrifice 3

Voici la famille qui revient : le prend-on pour un fou ? L’est-il devenu ? L’imminence de la guerre est-elle, a-t-elle été réelle ou une simple vue de son esprit malade ?

sacrifice 4

Toute la famille est submergée (l’eau qui affleure ici est tellement magique). La maison brûle.

sacrifice 5

Et lui, ce vieil homme, voit cette femme, sa voisine

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en qui il croit, et il la remercie.

sacrifice 7

La maison est en cendres

sacrifice 8

et on emmène le vieillard vers l’ambulance qui le conduit à l’asile (l’affaire est entendue donc : on a affaire à un fou).
Tout au long du film, je suis resté subjugué par les images. Ce plan où la maison brûle, où on court après le « fou », où on le rattrape

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car il faut l’interner (déchirant)

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il en va de la vie du monde, peut-être : du vrai cinéma.

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Et donc, et comme à l’accoutumée, tout est, encore, à refaire…

Y voir une allégorie de l’art, de la religion, y comprendre que la voisine agit comme un être doué de pouvoirs de sorcellerie (blanche puisqu’elle est censée avoir permis d’éviter la troisième guerre mondiale…), pourquoi pas ? Restent, toujours et comme toujours au cinéma, les images qu’on en a gardé…

Et donc, dans cette maison(s)témoin, l’une des plus belles façons de dire, au monde, qu’il faut y croire.

 

 

 

(1) : on pourrait expliquer le fait que ce billet soit posé aujourd’hui par la conjonction qui a voulu que dans les flammes, durant la nuit dernière, en fumée se sont envolées des milliers de choses qui auraient du participer à l’édification de la « quatrième travée » de la Cité des sciences et de l’industrie, accident (probablement) qui ne peut laisser l’auteur indifférent.

 

 

 

 

onze visites

dans la maison sans tiroirs, je ne me suis pas assis

la maison sans image, j’en ai regardé le plâtre, la peinture, le béton

dans la maison sans rideau, je n’ai pas cherché le ciel

la maison sans table, j’y ai posé mes heures à venir

dans la maison sans histoire, chaque porte n’ouvrait que sur elle-même

la maison sans fantôme, j’en ai touché les murs

dans la maison sans nourriture, j’ai enfoncé mes poings dans les poches

de la maison sans recoin, j’ai traversé le vent

dans la maison sans poussière, la lumière tombait

la maison sans mots, j’y ai laissé une heure

dans le vide sans maison je suis entré

En les attendant…

En les attendant, je passe d’une pièce à l’autre, je traverse presque les cloisons, rien ne protège, rien n’enveloppe, tout est papier, mousse, nuage, ils voient leurs meubles, leurs images, leurs heures d’or, pas de paroi pour les arrêter, pas de miroir pour les réfléchir, rien qui fasse douter leur rêve et je parlerai sans penser, récitant, portant mon regard au-delà de leur yeux pour flotter derrière leur tête, j’attendrai lorsqu’ils parleront et je répéterai leurs paroles pour qu’ils se sentent compris, il y aura une heure de mots et rien qui relie, ils s’en iront, deux d’entre eux reviendront en cherchant à remplir le vide. Je partirai ailleurs, près d’un autre champ.