Carte postale d’été

 

 

 

Vacances
(l’image est du « fond d’écran » du rédacteur)

(ici, tout n’est que vacances : personne, le vide absolu, et la pelouse qui jaunit)

agent ou pas, après ces déboires de santé, la vie a repris une espèce de cours inversé – on croyait avoir compris, on avait été bernés certes mais on croyait qu’il se passerait quelque chose de particulier, une prise de conscience de l’existence réelle du mur contre lequel nous précipitait le système économique et social basé sur le rendement, la compétition et le profit – ah le profit (profitez bien de vos vacances surtout et revenez-nous reposés) (pour mieux travailler et faire ce qu’on vous dira, mais surtout, surtout, pour la fermer) (on s’occupe de tout, retraite, chômage, sécurité sociale et mutuelle : on s’occupe de tout, pour vous – et bien : rien à en dire, laissez nous faire) (jte parle même pas de l’école ou de l’hôpital, de la « justice » ou de la police – des armées ? des EPR ?) l’important, c’est la santé (à la votre !) – on avait en effet tout gardé et on repartait dans le même sens, en tentant d’accélérer pour rattraper le retard (soyons juste, on avait changé quand même le fantoche; on en avait mis un autre à la place, avec un bel accent du terroir et du territoire : ça avait rassuré dans les campagnes, sans doute). Il y avait eu une photo une image du grand capitaine imbus d’écologie et de féminisme qui conduisait un « scooter des mers » du côté de son fort, disait le magasine (beau comme de l’antique ou comme un sosie). 

Ici, dans cette maison, on a cessé de chauffer, on a coupé l’eau – l’agent l’ouvre s’il fait visiter (ça n’arrive plus), rebranche l’électricité pour faire fonctionner les rideaux de plastique qui masquent les baies – il fait chaud, c’est l’été, c’est la plaie – le creux du quinze août où on aimerait en finir – les vacances, le reste du monde – quelques images sur les tablettes

Withney Houston qui chante « je t’aimerai toujours » (son image s’est imposée à moi quand j’ai appris la mort de Bernard Stiegler, qui n’était ni noir, ni femme, ni chanteur – je me suis souvenu des émissions qu’il avait animées) – ce sera dans la maison un obituaire, une actualité, un hommage – les gens passent la vie elle même passe et nous ne faisons pas suffisamment attention à nos proches – il faudrait leur dire – on reste là avec des interrogations, des sentiments qui fleurissent et se taisent – masqués, gels aux mains, réunions et distances – travail ou c’est la porte – malades, cette peste-là nous envahit – des images qui nous restent

à l’été soixante-et-un on tourne « Cartouche » – on travaille l’été dans le cinéma, beaucoup l’été (la lumière n’est pas onéreuse – on travaille, on travaille) – le sinistre des salles, ces jours-ci oui mais l’atelier alors le cinéma m’est revenu – il n’est jamais parti, mais il m’est revenu comme il était alors (ici la sortie des boites de films dans le caddie de la cinémathèque universitaire

une image pour « vivre ») « vivre » est un texte que je tente de préparer, mais je n’ai pas le temps tu sais, avec cette maison, pendant le week-end, cette autre qu’il faut retaper – et puis les vacances et l’âge, le repos, les lectures – dans ses notes, Margot annonce qu’elle a travaillé à son « Mémoires d’Hadrien » de très nombreuses années, en l’oubliant pendant une bonne vingtaine, le retrouvant à la faveur d’une lettre (c’est vraiment un beau parcours que ces notes) et elle indique que pour se départir de son oisiveté ou de sa dépression, elle se rendait dans un musée, à Pittsburgh je crois, pour admirer ce tableau du Canaletto

il s’agit du Panthéon de Rome lequel a été bâti par l’empereur Hadrien (je n’écris pas, je n’écris guère – je ne tiens pas la distance – ça ne fait rien, mais parfois j’en éprouve du dommage – j’illustre, comme fut illustre l’Empereur) – ces mots devraient être au journal (je me suis aperçu que la tentative d’inventaire de Perec avait lieu durant un week-end, commencée un vendredi d’octobre, elle se termine le dimanche qui suit) je les mets un vendredi creux dans cette maison, ça ira – le cinéma  continûment (j’aurais bien mis un autre « e » quelque part à cet adverbe mais non) (tant pis) pour moi, il faudrait faire un tour à Venise sur les Zattere

pour m’aider à sortir de cette oisiveté qui n’en est pas une, ce manque d’allant peut-être ou cette fatigue mélancolique – voici les deux frères après leurs courses

au fond vient les croiser quelqu’une, devant eux, un autre avec son caddie – les lunettes et la canne – une image de l’ami photographe (le texte pour lui, oui) (les commentaires des poèmes express de Lucien, oui, aussi)  – mais plus le cinéma – du côté des stars par exemple, cette image que j’aime parce que pas encore empuantie (j’interprète) de costumes et de bijoux de marque

ça se passe à Cannes en soixante quinze (ce ne sont pas gens normaux mais gens quand même) (« Are you talking to me ? ») (Taxi Driver, Martin Scorcese – ici les deux acteurs Jodie Foster et Robert De Niro) (oui, c’est à toi qu’on parle) – le cinéma, un ring

(légère contre-plongée qui permet d’attraper le coin des plafonds, comme dans Citizen Kane, tu te souviens) Mohammed Ali (aka Cassius Clay, le danseur des rings, cette merveille, puis…) plus Christopher Lee (mister Dracula ou Fu Manchu ou autres Sherlock encore en personne) (le triangle de la pochette ou la marque du sweat-shirt ?) (à ne pas confondre avec Vincent Price – ils se ressemblent comme deux frères) (« le Masque de la Mort Rouge » pour Vincent (Roger Corman, 1964) – pour ne rien oublier, dans ce dédale d’images, une d’ici – le ciel plombé, le mois d’août en demi – ça pourrait aller mieux, ça pourrait être pire – avancer ? sans doute;continuer ? certainement; travailler, oui, mais pourquoi faire ? ça va aller – Les deux arbres au soleil

Bonnes vacances

Abbas 2 (où est la maison…?)

 

je me laisse faire : arte diffuse des films d’Abbas Kiarostami, alors à nouveau je les regarde, je les aime, je les regarde encore, je les ai vus, je les vois – Abbas Kiarostami est décédé il y a quatre ans, à Paris où il était soigné, il avait 76 ans mais ne tournait plus en Iran. Cette perte…

 

 

on aime les enfants – c’est une affaire entendue – parce que justement ils sont aimables – celui-ci par exemple

il se nomme Ahmad (dans le film: dans la réalité, il se nomme Mohammed Reza) ou celui-là

c’est lui Mohammed Reza (c’est Ahmad dans la « vraie » vie) (Abbas K. a interchangé les noms, pour rire, sûrement – pour les faire jouer l’un à la place de l’autre et vice-versa) – ils sont ensemble à l’école; ils doivent être en quelque chose comme le cours préparatoire, ils apprennent à écrire ; Mohammed s’est fait gronder, il n’a pas fait ses devoirs (il travaillait), il pleure, c’est déchirant (vraiment, pauvre môme…); ce sont des enfants, ils sont pauvres comme leurs parents et arrivés à la maison, avant de faire leurs devoirs d’écriture on les fait bosser : par exemple celui-ci a mal au dos

c’est pourquoi il n’a pas fait ses devoirs (les bidons de lait sont lourds)

une classe de garçons, ils sont vingt et ils bossent – c’est vraiment une belle histoire (un scénario en platine) – Ahmad a pris par mégarde le cahier de Mohammed Reza, il cherche à savoir où se trouve la maison de son ami (en platine – magnifique et sublime) ne la trouve pas, cherche et court et croise ce type qui s’appelle comme son ami

mais ce n’est pas son père alors il court, Ahmad, il cherche, se trompe court encore, revient repart, croise un vieil homme qui fabrique des portes, lequel lui donne une fleur, et l’emmène chez (de nouveau,) cet homme (ce n’est pas là) (non, ce n’est pas là mais c’est la nuit qui vient), Ahmad s’en va, c’est la nuit – il rentre chez lui – le voilà de retour, le soir on dîne, il a ses devoirs à faire, il va les faire – séquence formidable – il est là

tu vois comme il s’applique ? Pour faire son travail

sa mère lui apporte à manger (il n’a pas mangé à table, il était préoccupé : le cahier de son ami, il n’a pas réussi à le lui rendre : demain, le maître va le punir, le chasser peut-être…) – il travaille Ahmad – si Flaubert avait été Emma, moi j’aurais bien été Ahmad –

il est tard mon garçon – un peu, oui, il est un peu tard mais voilà que le vent ouvre la porte

le vent qui tourne les pages, le vent qui souffle entre, bouscule le linge, Ahmad est là et regarde le vent (tout comme Joris Ivens filmait le vent, Abbas nous le fait sentir) (c’est quoi le cinéma, sinon filmer le vent ?)

oui, Ahmad, regarde le vent, regarde Ahmad… (sa mère ramasse le linge dans la nuit – Ahmad regarde et regarde encore)

et c’est déjà demain, c’est déjà la classe, mais Ahmad n’est pas là – on se dit « il dort encore il s’est couché trop tard il était si fatigué » – et puis

le voilà (il tente un mensonge pour expliquer son retard et puis finalement non) il entre rejoint sa place

à côté de son ami (sa maison, il ne l’a pas trouvée)

mais ce n’est pas faute de l’avoir cherchée

bah tant pis – il a fait les devoirs de Mohammed, le maître voit les devoirs faits, c’est très bien – oui, c’est très bien

et là, la fleur donnée par le vieux type : sublimissime…

 

Où est la maison de mon ami ?, un film (formidable) d’Abbas Kiarostami (1987)

 

 

 

Jenny (et Maurice)

 

 

il y a certainement un truc qui ne va pas (chez moi, je veux dire) : probablement, une trop grande confiance en soi – de quelle source pourrait bien provenir cette arrogance ? Écrire pourquoi pas après tout – par exemple, j’ai aimé écrire pour cette croisière – ça a été une espèce de commande et j’en ai aimé les contraintes – puis le monde a changé – j’aime que le monde change (et le prince Fabrizio (l’un des premiers à venir visiter cette maison) (et à y demeurer) de redire « il faut que tout change pour que tout demeure semblable » – ah Burt…) le cinéma m’a manqué – il va revenir ici (on a vu récemment L’ombre de Staline qui n’est pas si mal) – mais pour le moment, un livre qu’on illustre des lieux où il s’est déroulé – bien des choses ont changé, mais voilà, c’était ici.

 

Le nom de la rue a changé – c’était la rue des Sablons (il en est une intra-muros jte dirais) – ils vivaient au 1 : le voici ici

image de juin 2008

le père (Nuchim), la mère (Rivka) et leurs deux enfants – Jenny et Maurice (il y avait un film de l’époque, je crois que c’était Françoise Rosay dans le rôle – il est de 36 – le mari jaloux, c’est Charles Vanel – ma mère avait dix ans, mon père treize – Carné, musique Kosma, scénario Prévert etc.) (il faut bien accrocher quelque part la réalité des choses), Jenny avait 11 ans, et Maurice 7.

(Il y a quelques jours, Maurice s’en est allé (que son âme soit paisible) le 13 juin).

juin 2014

Puis en 1930, ils déménagèrent, à Vincennes.

juillet 2015mai 2018   

(que cherches-tu dans les images ? des preuves ? des indices ? des hasards et des réalités ? il y a là du jeu, de l’amusement,du renseignement : comment était-ce ? comment est-ce ? de la curiosité, et aussi de la mémoire) les enfants vécurent ici un moment, deux ou trois ans pour Maurice, je crois – c’est Aubervilliers

mars 2019

Puis vint la guerre, les parents n’étaient pas français – ils étaient juifs, venaient de Pologne – la guerre, la déroute – l’occupation – puis le 16 juillet 1942, les rafles du vel’d’hiv – la complaisance des fonctionnaires de la police française, les dénonciations – les autobus, le commissariat (tu te souviens du 17 juillet 61, les mêmes autobus les mêmes agents, le même Papon) – et puis les parents qui disent à ces deux enfants (ils sont français, ils sont nés en France, ils peuvent rester…) (Jenny a seize ans, Maurice quatorze) « partez, les enfants »  – laissez-nous – « partez, sauvez-vous, vivez » – ils sont retournés ici donc

ils portent l’étoile, à sa place mais mal cousue par Rivka, la première fois qu’elle sort avec, Jenny passe devant ce café qui existe toujours, au coin de la rue des Vignerons

ils attendent leurs parents – mais ils ne reviendront pas  – Maurice est devenu Rajsfus, un homme magnifique comme sa sœur d’ailleurs, il arrivait que je regarde le site qu’il tenait (infatigable recherche de la vérité sur les exactions de la police…) on l’aimait beaucoup mais voilà. Le livre est écrit avec la voisine de l’auteure, laquelle est Jenny

32 avenue Franklin Roosevelt Vincennes

il apparaît de loin, peu importe, on le sait là, elle est là, elle qui aime apprendre à lire aux enfants – elle passera son bac avec son amie Monique – elles  auront fréquenté l’école de la rue de l’Egalité

j’aime tant les savoir sortir, peut-être de là, ces deux amies (ce sont elles deux, sur la photo d’entrée de blog, je crois bien – on ne m’a pas renseigné), et puis aller pour rentrer à la maison, les voir accoudées à cette rambarde de pont parlant parlant parlant


quand même on en aurait changé (le type sur le pont a été chercher du pain, voilà tout – le train passe et court vers la Nation) – Jenny et Monique – oui, pour se souvenir – le souvenir par exemple du numéro de déporté tatoué sur le bras du mari de Jenny , Jean-René – demandé par Marine, la petite fille de Maurice – pour ne pas oublier, dit-elle – oui, pour ne pas oublier, cette vie, ce monde, ce vingtième siècle…

Entre ici Maurice… (et Jenny qu’on aime tant, l’héroïne et la voisine dont l’histoire nous est racontée par Geneviève Brisac dans « Vie de ma voisine »  en 2017, au point seuil 4752 – magnifique)

 

les écharpes

Quelquefois, par hasard, nous voilà devant un hangar à montgolfières. C’est-à-dire que nous sommes en bas, de la taille d’un timbre, et que devant nous le hangar s’élève, immensément. Il a la forme d’un arc-en-ciel. Il est en fer. Un arc-en-ciel de fer, pourquoi pas, on en a vu d’autres.

À l’intérieur les gens tricotent. Chacun s’occupe de son tricot, certains font des écharpes multicolores qui s’entortillent, d’autres forment des carrés touffus, unis et lourds comme des pièces de feutre. Les aiguilles travaillent constamment, ça fait tchac tchac, tchac tchac, un cliquetis d’usines comme au 19 e siècle.

Certaines écharpes partent remplir des chambres froides. Le tchac tchac des adieux s’entrecroise avec le fil de la productivité admise.

Hélène Châtelain de La Jetée est morte ce jour. Plus haut que le toit du hangar à montgolfières, qu’est-ce qu’il y a ? Je t’en pose des questions ? Et est-ce qu’on a le droit de tresser ce qu’on veut comme écharpe pour tenir chaud ?

Message : « Ce document est ouvert en mode lecture seule. » Ah, que tu crois.

On passe des lignes comme des obstacles, et il y en a, et il y en a.

Vingt quatre images

 

 

 

la ville
l’image
le mouvement
deux filles – asservies au bidule – assises – les quatre autres dans l’image (la torsion, dans la production cinéma, du genre – on pense à Weinstein (Harvey) qui entre dans la salle avec un déambulateur – on pense à (wtf tout autant) Balkany (Patrick) qui sort de prison malade comme un chien) la vestale (la brune) cache l’image d’une hyène – les types sont debout asservis aussi  – chignon/barbe : le kit – le pantalon de cuir de couleur presque chair (bronzée oui) de la vestale brune – les bottines grises de la châtain – Paris une heure de l’après-midi – l’opérateur tout autant asservi – que deviendrions nous sans ces machines ? –

(léger recadrage au mouvement du pantalon grenat) (on ne sait jamais exactement ce qu’on fait) (on verra bien) on voit – plutôt cadre dans la largeur –

irruptions toujours présentes – un groupe de trois jeunes lycéens (j’interprète, je vais au boulot) – ici, là, droite gauche ou l’inverse – toujours – c’est le moteur probablement de la prise de vue (elle décadre l’image du cinéma – mais celle-ci n’apporte que des couleurs, immobiles et glacées comme disait je ne sais plus qui)

une blackette passe ou alors est-ce un type ? – je n’ai pas supprimé d’image, sans doute suis-je légèrement en zoom, le manteau rouge – (tant aimé cette chanson) – je vais au travail – c’est l’hiver

je n’ai pas corrigé l’assiette – seulement les contrastes – les jeunes gens droite cadre sacs à dos basketts – les deux femmes assises dans la même position inchangée –

quelque chose un trouble, recadrage légèrement pano droite gauche, pourquoi je ne sais pas, c’est là – quelqu’un en blanc je crois

recadrer – faire tomber le « E » de Est sur le bord du cadre – que le monde marche sur le bord bas de l’image du quai – les gens passent et leurs histoires –

sur les six de l’image, cinq asservis – le métro se prête à cet esclavage, les métaux rares, les pannes les images – moi-même, sur le quai d’en face, asservi – regard caméra peut-être extrême droite cadre

décadrer légèrement vers la droite sans doute par l’irruption de la jeune femme noire jean/baskett/casquozoreilles – le groupe de lycéens au premier plan le garçon présente son dos on consulte quelque chose on pense à autre chose –

une demi-seconde plus tard

à toute blinde, le manteau rouge passe – le lycéen tourne le visage, profil – ma,in dans la poche pantalon grenat –

autre manteau blonde sac – presque de face le lycéen laisse le passage – on attend, la rame s’annonce, un bruit ? un sentiment ?

mouvement de la brune assise – elle se prépare – le lycéen vérifie sur son écran – un instant plus tard, elle sera debout  – le chignon réfléchit – il manque le bruit l’odeur – la lumière comme au jour –

décidément quelque chose se prépare – on ramasse son sac, on va se lever – probablement l’annonce sonore « prochain train dans une minute » –

un type passe – la deuxième (châtain) assise n’a pas bronché –

allez debout

un autre dans l’autre sens – je ne crois pas qu’il soit blessé –

non, on ne voit pas – le cadre est stabilisé et laisse passer le monde – la jeune jean/baskett/casque/sac à l’arrière plan se prépare –

on est prêts – il arrive certainement – on l’entend peut-être déjà – je ne suis pas certain mais la châtain se prépare aussi il semble un geste à peine esquissé

pas certain – les lycéens vers la droite – le visage de la vestale brune pantalon cuir chair –

irruption gauche cadre

sans doute oui, le voilà

regard caméra de la blackette ? sans doute pas – on sait qu’il est là, il entre en gare – fin de l’épisode

 

 

Marceline

 

 

Un peu ailleurs

plus le temps de rien – plus de goût à pas grand chose – le travail nuit, les marches inversent le plaisir qu’on en avait – je ne me dépêche pas, mais je tombe c’est con, je désespère sans doute – le monde tel qu’il est – la grève à Radio-France menée par une émule du cintré hypocrite : elle ne s’achève pas – Thatcher cette garce du même tonneau – mais en maison[s]témoin quand même (j’avais écrit « téloin » c’est l’ambiance de ces jours-ci – ça va passer, les enfants s’éloignent et je prépare les vacances…)

En souvenir de l’atelier, dédicace aux auteur.e.s, je me suis souvenu de cette poésie (chantée par Julien Clerc un peu amendée – il change la nuit en l’amour (deuxième vers) – silence à la place d’absence (au « refrain ») : la seule meilleure des trois – briller (à la place de brûler) dernière strophe) – ça n’a pas tellement de relation sinon que l’héroïne du texte atelier aimait assez et les chansons et celles de ce Julien Clerc (notamment Partir) (depuis l’enfance, mon cœur est toujours en partance… etc)

 

 

Splendeur (Marceline Desbordes-Valmore)
titrée les séparés

N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau
N’écris pas !

N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes,
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je t’aimais
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !

N’écris pas. Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N’écris pas !

N’écris pas ces deux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur.
N’écris pas !

du travail

j’ai bien essayé, je suis vraiment d’une bienveillance, de voir d’un peu plus près cette expression : « ressources humaines », et j’avais un a priori si positif que la fée clochette devait dans mon cerveau déverser ses paillettes, « ressources » c’est-à-dire « ce qui peut améliorer une position fâcheuse, avoir de la ressource, de l’ancien verbe resourdre (ressusciter, relever, remettre sur pied) », j’y voyais personnellement, et on peut dire avec l’innocence qui me caractérise, un clin d’oeil au mot « source », ça sort de terre Ô magnifique Ôde à la vie essence même de notre présence dans ce cosmos en expansion gonflé de matière noire (une matière non identifiée, et qu’est-ce qu’on sait du monde ? c’est la question), source donc source, eau vive, petits poissons, qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de négatif dans source ? et puis humaines, l’humanité c’est beau, c’est un cadeau, à ce moment précis j’ai vu passer une vidéo où un jeune quidam blouson-noir (sorte de hooligan) sortait de l’eau un chiot, ou bien un chien très mal en point, au bord de se noyer, incapable de remonter les berges abruptes d’un canal bétonné, le jeune homme tendait le bras, se plaçait en déséquilibre pour le ramener au sec, oui donc, « humaines », humanité, j’ai pensé que c’était ça la marque d’une grande humanité, que ça faisait un grand ensemble, une grosse patate (j’ai appris le concept de patate au collège avec la grosse patate des nombres décimaux), il y avait donc la grosse patate de l’humanité où on pouvait caser des mots comme aide, gentillesse, attention, sympathie, générosité, altruisme, et d’autres grosses patates sur le côté bien moins aimables, et il fallait placer un trait séparateur assez étanche entre les saloperies et le reste, je ne sais pas vous mais pour ma part je trouve cette façon de voir plutôt claire, rassurante, donc « ressources humaines », ça ne peut pas faire de mal cette affaire-là, ça ne peut pas être nocif allons bon, resourdre-remettre sur pied, les petits poissons et les sauvetages, qui peut trouver ça moche à part Caligula, ensuite j’ai vu dehors une trace sur le mur un peu alambiquée, étrange, sans doute le passage d’une limace ce que j’en sais, et ça formait comme une silhouette de tête pourvue de jambes et de bras inventifs, c’est une « ressource humaine » je me suis dit (tout ça pour indiquer d’où je parle, c’est-à-dire d’un endroit saturé de patates dérisoires, de minusculitudes, allons allons, marchons toujours), et j’ai ensuite pensé que ce « ressources humaines », et surtout au pluriel, faisait référence au travail (de mon côté, j’avais dû, au travail, faire preuve de ressources ainsi que preuve d’humanité, mais c’était autre chose), car là il s’agissait de « recrutement, gestion des carrières, formation, gestion de la paie et des rémunérations, évaluation des performances », c’est-à-dire décider qui travaillait, à quel poste et pourquoi, qui serrerait les boulons dans le sens de la marche pour que la machine tourne, Charlie-Chaplin-clé-à-molettes, et j’ai pu voir la grosse patate remplie de qui ne convient pas, contrats rompus-suicides, enfin ça ne sentait pas très bon d’un coup les « ressources humaines », celui ou celle « en charge de » avait autorité sur qui et tous et toutes placé-e-s plus bas, sur qui se trouve où et pourquoi, c’est-à-dire qui travaille à quoi, c’est-à-dire qui travaille pour qui, c’est-à-dire quelle vie s’utilise pour quelle autre, « en charge de », mettre de l’ordre, il y avait aussi ce côté trieur de pommes talées, ce côté garde-chiourme en charge de virer qui a la tête ailleurs ou qui est trop fragile, qui n’est pas performant, là j’ai revu un dessin, celui d’un vieil homme surmonté d’une bulle, il dit « nous, l’argent c’est pas le problème, nous c’est pouvoir manger qui nous inquiète », ensuite j’ai vu (vraiment ce qui passe devant mes yeux, on le constate, s’enchaîne sans logique apparente) qu’un gestionnaire aux ressources humaines avait mis à la porte une employée pour une erreur de quatre-vingts centimes, ça n’avait rien à voir avec les chiots qu’on sauve de la noyade, vraiment, cette langue, j’en suis témoin, est désobéissante, elle s’extrait des patates dès qu’on regarde ailleurs, les traits séparateurs ne savent plus où se mettre, et puis l’aplomb, le fil à plomb, l’enclume, le plombé infini enfile le costume du bien, du bon, de l’amélioration, alors je vois des choses, des détails à la suite, avec ou sans logique, je ne sais pas quelle fourchette saurait titiller sous les mots doux les malfaisances, ou bien une fourche ? c’est du travail en tout cas, du travail

d’un voyage à l’autre #5

 

 

 

étant donné que l’ami Lucien s’en est allé à Rome (et en est revenu) (la fiction, les dévoilements, les indiscrétions, les habitudes particulières ou la réalité des choses étant, ici, sur la toile le web internet virtuel etc. pléthore) je dépose cette image qu’il me dit avoir postée sur touittaire « pour ses fans » (je ne le suis pas – j’en suis pourtant – mais pas sur ce réseau-là)

dont j’apprécie particulièrement l’arrière-plan

pixellisé, certes – donc je me promène aussi (cette ville magique et magnifique) (un peu comme partout sauf qu’il y a le climat et les collines, le Tibre et la villa Borghèse – et d’autres choses encore) – passons (on y retournera, espérons-le) mais pour le moment

je ne parviens pas à lire mais cette plaque est apposée sur un mur de l’ex-immeuble de la police (plus ou moins) secrète de l’ignoble salazar (sans majuscule) en souvenir des quatre morts du 25 avril 1974, laquelle plaque ne fut mise là qu’il y a peu (on préfère toujours oublier) – c’est à Lisbonne (on y retournera aussi, oui, espérons) (on vit d’espoir quand on voyage) (on n’en finira jamais) – j’ai aussi celle-ci en magasin

mais ça, c’est Paris au troisième acte des gilets jaunes (dont le cinquantième se déroulera ce samedi – je pense souvent à Nuit Debout, il m’arrive d’oublier : je ne suis pas militant) – mais passons, le monde est à nous

quelque part à la Nouvelle-Orléans ou à Bâton-Rouge (je ne suis pas non plus très rigoureux – je prends des images mais ne les indexe que peu) (j’aime la femme en rose sur son palier) (et la batterie de paraboles)

quelques années plus tôt – une série commence à deux –

mais d’autres gens – Sophia dite Maria et Luchino (le polo fermé au cou) – constituer un panthéon ou quelque chose de cet ordre (on n’aime guère le panthéon reconnaissant mais tant pis)

une autre de la même – en passant – poing fermé – ce ne sont pas des voyages, mais qu’importe – j’essaye de ne pas penser au travail – j’essaye de ne pas penser que, bientôt, il en sera fini – la Force du destin, la Norma, ou comme tu veux –

des changements en ville

je passe seulement

l’officine des roses de TNPPI – rue du Bac – Paris

petits métiers (pour gens de couleur) architecture grossière – contrechamp

on ne s’arrêtera pas de vivre quand même – on a à continuer – on doit avancer – ici le mur du cimetière Montmartre

sans les images de B2TS mais ici avec (mais sans type à cabas)

c’est Paris, oui – ailleurs aussi

c’est en Hongrie, c’est en fleur – zéro trace de la pourriture endémique de ce monde

des images qui peuvent parler d’elles-mêmes sans trop savoir pourquoi elles se côtoient ici sinon cette volonté de ne pas mourir de surnager de vivre et de rire

comme dans cette jeunesse un peu ternie à présent – elle s’éloigne, elle s’érode, elle s’oublie – ces avions au ciel qu’on saluait, ces roses qu’on portait, ces cailloux qu’on posait – et puis le reste du monde

ses beautés éphémères (image (c) Juliette Cortese)

platine/épaules/verre/piscine

débardeur/jean moulant/ceinture/poing levé dans le stade – du pain et des jeux ? – toute une machinerie qui intime à se rendre compte, à se souvenir, à ne pas oublier cette vie-là, ce monde-ci, ces façons d’être et de se tenir

(la plage de Dunkerque quand même)

c’est journal en images (des semaines et des semaines de lutte)

JO Cox, morte assassinée par un déséquilibré (seize juin 2016, à coups de couteau, type d’extrême droite fan du brexit sans doute) – ne pas oublier, non et continuer à lutter

Marielle Franco, assassinée au Brésil par les amoureux de Bolsonaro (le 14 mars 2018,à coups de feu, des balles provenant des stocks de l’armée : merci qui ?) et puis le monde tourne – non, bien sûr non, on n’oublie pas – écouter de la musique, regarder de belles images et le beau côté des choses

L’océan et la Tour

 

 

 

 

 

On dira peut-être qu’il s’agit toujours de la même vieille histoire (always the same old story) puisqu’une jeune fille épouse contre son gré un homme riche mais qu’elle en aime un pauvre. La jeune fille (Mama Sané tient le rôle d’Ada)

et le jeune homme pauvre ( Souleiman, interprété par Ibrahim Traore)

Cependant (outre qu’on se demande qui peut bien être ce « on » qui ouvre ce billet, sinon un gardien de quelque originalité triviale), il y a plus qu’une histoire d’amour dans ce film (primé à Cannes cette année, avec le Grand prix – tourné avec des acteurs non professionnels (mais qui le sont devenus, de fait) – doté d’une grande force et d’un grand courage quand même).

Il s’agit de donner une forme à un moment de la vie du pays et, particulièrement de sa jeunesse.

Une tour pyramidale et noire qui symbolise le devenir d’une certaine Afrique (et qui ne verra jamais le jour…) et d’un certain pays.

C’est cette tour le véritable fantôme du film – même si elle ne compte que peu dans la narration. C’est par elle que les jeunes hommes se révoltent

et qu’ils s’en vont (vers l’Europe) : leur voyage se solde par leur mort. Alors les filles se retrouvent seules

Sans qu’on sache très bien dans quelle circonstances, la nuit, les filles se lèvent et marchent.

Il y a quelque chose de merveilleux dans cette nuit – mais quelque chose de la terreur aussi, ou de la mort qui revient hanter les vivants. Il y aura un grand vent

Puis lors du mariage d’Ada (c’est elle sous le voile noir)

un feu prend dans la maison des nouveaux épousés sans qu’on puisse savoir pourquoi. Plus tard, un autre feu détruira la maison du promoteur de la tour. Un jeune commissaire sera nommé pour résoudre l’affaire (Issa, interprété par Amadou Mbow)

mais lui aussi sera pris

Une espèce de sort s’est emparé des êtres et des rêves

et c’est aussi pour qu’il existe que vient ce billet (*).

Mais surtout, toujours proche, toujours présent

l’océan qui donne son titre au film mais qui a pris la vie des êtres aimés.

S’il manque peut-être une dimension magique à l’image, le film tient bon et nous emmène avec charme et grâce vers un dénouement fin et élégant (on pense à Cocteau et son Orphée, les miroirs ici aussi mentent, les ombres portées et les musiques suggèrent, les acteurs – notamment les seconds rôles – nous emportent). Une réussite très prometteuse (il s’agit du premier long métrage de Mati Diop).

 

Atlantique, un film de Mati Diop

 

(*) il faut lire à ce propos le magnifique ouvrage de Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts.

rêve américain

 

 

C’est un peu l’histoire du rêve américain – c’est à dire que c’est rêvé par des américains (étazuniens, surtout) il y a à voir avec cet autre film  : en réalité, le scénario se compose de la même manière – le van est un des personnages mais loin d’être le principal – une camionnette qui transporte des personnes handicapées

d’un endroit à un autre d’une ville de province – on ne sait pas bien ce que ça peut être, la province des États-Unis mais c’est qu’il y a trop de capitales sans doute – je suppose – alors disons qu’on recommencerait comme « c’est l’histoire d’un type qui conduit une camionnette »

et ce serait suffisant (le type Vic, interprété par  Chris Galust). On appartient à l’histoire, et on la suit.  Il y a son grand-père gentil mais un peu fou, il y a la soeur de Vic aussi

il y a leur mère musicienne, qui donne (ce sera le soir) un concert dans son appartement, il y a les gens de l’établissement où vit le grand-père (l’une d’entre celles et ceux-ci est décédée, Lilya, il faut aller à son enterrement)

il y a les gens qu’il faut convoyer – une jeune femme assez obèse qui va chanter dans un concours « ‘Rock around the clock », une autre jeune fille handicapée

noire

qui doit aller quelque part, qui est évidemment comme tout le monde, en retard et puis d’autres encore – je ne sais plus exactement – mais arrive le neveu de la Lilya

qui est morte, qu’on va enterrer qui vient assister à l’enterrement – et tout ce beau monde est embarqué à cent à l’heure…

C’est un  peu le rêve américain – on aime cette nation, on vient d’ailleurs pour la plupart de Russie (les gens qui vivent dans le même immeuble que le grand-père) et on dispose d’une âme slave (je me souviens de cette chanson, je me souviens de Jacques Higelin qui la chantait, je me souviens) et donc on chante – on s’est trompé de tombe

tant pis on change et on chante, on chante et c’est l’hiver, il a neigé, il fait un froid de gueux, elle est enterrée, Lilya.  Le rêve américain, c’est aussi pas mal les Noirs – la famille de cette jeune fille (Tracy  dans le film, interprétée par Lauren »Lolo »Spencer)

qui a apporté à son boyfriend (son ami de coeur) un carton qu’il ne prendra pas et un cadeau d’anniversaire – un sabre japonais dans son étui – qu’il ne prendra pas non plus, cette jeune fille dont le frère fait partie d’un groupe de rap – ils chanteront un morceau a capella – il y a des gens qui travaillent et qui chantent

la jeune fille participe à son concours, on chante – des gens rient, des gens dansent…

C’est un peu comme on aimerait que soit le rêve américain : les choses s’arrangent toujours – un peu de bric ici, un peu de broc là – on déménagera pour le concert un canapé, à pied, loin, on s’assiéra dedans fumer une cigarette au bord de la route, il neige c’est bientôt la fin de l’après midi, on a été chercher les clés de l’appartement de Lilya, puisqu’elle est morte, il faut qu’on boive qu’on mange et qu’on chante – on ne peut pas, non impossible d’avoir les clés, non : son neveu charme la gardienne agent de sécurité, il lui parle gentiment, elle l’écoute finit par sourire – on va aller boire, tous ensemble – on va rire aussi

c’est vraiment le bazar

on partira ensuite, on s’en ira écouter le concert, on reviendra ici, là ailleurs – ce sera la nuit : chez la jeune fille noire, le groupe de jeunes gens rappeurs se sont fait prendre, ils sont au commissariat, il faut aller délivrer le frère, mille dollars, on les emprunte ici, on les trouvera là (la mère les a planqué dans le canapé,le canapé n’est plus là…)  et puis et puis une séquence endiablée

(en noir et blanc)

on se bat

on se bat – terrible séquence… L’Amérique (les États, plutôt)si elle était comme elle nous est montrée là, comme elle est et devrait être, c’est ainsi qu’on l’aimerait…

Je ne raconte pas tout, évidemment, les images sont fixes, le texte est ce qu’il est – mais dans tous les sens, partout, tout le temps, cet amour immodéré pour les gens,ce qu’ils sont simplement (il y a surtout – ça ouvre et ferme le film – ce dialogue où Vic ne dit rien, mais c’est un dialogue, avec un de ses amis – cigarette simples mots : for-mi-da-ble.

C’est la nuit

c’est l’hiver

il fait un froid de gueux, ce sont les rues d’une ville de province, parcourues à tombeau ouvert par une camionnette qui sert au transport des handicapés – un peu comme dans ce film, là, qui était tellement bien… Ici aussi, tellement bien, c’est la nuit, il fait froid, c’est un peu un rêve américain

 

Give me Liberty, un film (extra) de Kyrill Mikhanovski.