La vie facile

 

 

T’en souvient-il de cette chanson qui fait :  » la grande vie/à mon avis/c’est la vie que l’on vit/lorsque l’on s’ai-ai-aime » ?  Je ne me souviens plus, peut-être Zizi Jeanmaire (prénom d’un autre siècle, pas vrai ? mais moi je l’aime bien cette dame, toujours parmi nous jte ferai dire)… Trouvée.

 

C’est l’histoire d’un type de peut-être seize ans qui s’en va de sa campagne (il y laisse une mère, un frère plus âgé marié père d’un enfant -on l’apprend ensuite) pour travailler en ville

(il semble – je n’ai pas fait le travail comme il faut, je n’ai pas lu l’entretien avec le réalisateur; parfois je n’ai pas le temps, je n’ai pas l’envie) (la solitude, sans doute) un boulot de merde comme on dit de nos jours (le film se déroule de nos jours, sorti en décembre 2016, présenté l’année dernière à Cannes à la Semaine de la Critique), quand le bâtiment va, tout va : c’est le cas, semble-t-il à Phnom Penh, capitale du Cambodge, située au milieu du territoire mais sur le Mékong

ici le champ : là où bossent des milliers de gens pour l’établissement de résidences ou hôtels de luxe pour « population solvable » (c’est beau comme de l’antique, l’hôtel de ville y est d’architecture greco-romaine…)

contrechamp : le fleuve – alors « Le barrage contre le Pacifique », un peu comme la mer, et celle de Marguerite (sa mère), la rue Saint-Benoît, Robert Antelme et les années cinquante, ça m’évoque et me dit à l’âme des mots et des choses qui me disposent, fatalement sans doute, très bien à l’égard du film, je le reconnais), le jeune type (il se nomme Bora dans le film – évidemment aussi voilà un prénom qui descend des montagnes sur Trieste tu sais – son nom en vrai : Sobon Nuon, simple et vrai, magnifique) est happé par la grandeur ou la beauté de la ville

(une photo retournée et recadrée prise au dossier de presse, ici au film annoncele clinquant n’est pas douteux, mais n’importe), les couleurs, la joie de vivre et de côtoyer des amis, des garçonscomme des fillesdes histoires eau de rose (comme on voit, le rose, oui), Bora retrouve un frère plus âgé lequel remarqué par un riche américain semble disposer de nombreux atouts

il se nomme Solei (Cheanik Nov) (on ne les connaît pas, non) le voilà qui aide notre héros, les choses vivent avancent, les temps changent, la mère au loin, du coeur, s’en ira, impalpable au loin « fais attention à toi, tu as bien mangé ? » tu sais comment elles sont, et tout parle, Bora grandit sans doute, son frère lui montre la voie ou le chemin, peut-être gagner mais derrière soi abandonner (son amie, son amour, Aza – Madeza Chem – adorable

la vie qui va) nuances, charmes et douceurs, là-bas quand on ne répond pas, ça veut dire oui, trahison sans doute, aidé par un travail au son magnifique de transition et de simplicité fluide, un peu comme dans un rêve

sans tapage ni violence, une sorte de reconversion, quelques années plus tard, épilogue sans doute, Bora installé, bien coiffé propre sur lui, atteignant peut-être une espèce d’idéal légèrement frelaté, le futur se chargera (on ne le lui souhaite pas) peut-être de drames, quelque chose sourd cependant des images…

Fin.

 

Une merveille, « Diamond Island » de Davy Chou (sa photo en entrée de billet).

Dans la bibliothèque des dvd de la maison(s)témoin, à l’extérieur parce que le monde bouge plutôt à l’extérieur, ici il n’est pas douteux qu’on trouve des appartements témoin : voilà une photo pour illustrer le monde de la vraie vie, dans la salle à manger… (Building G, Koh Pich – Diamond Island en khmer – photo copyright Narun Ouk)

Bon appétit…

Sans amour

 

 

Ce sera dans la chambre d’enfant, donc l’une des chambres (sait-on si cette maison sera occupée par une famille, les enfants, deux, le choix du roi – tu sais cette façon de dire de deux genres il faut choisir sans jamais choisir – un garçon, une fille, ou l’inverse, comment commencer), la mère est dans la trentaine, la plupart du temps pendue à son portable (ce portable fait penser aux animaux qui accompagnent les héros chez Disney ainsi de Jiminy Cricket pour Pinochio)

le père absent
même façon de penser : le petit Aliocha (ici il pleure, oui)les gêne, il les ennuie, il ne leur sert à rien, il les encombre – il est sans doute la chose (oui, la chose) qu’il ne leur fallait pas faire. Une chose, c’est ainsi qu’ils le conçoivent. On sent qu’ils ne font ainsi que transmettre ce qu’on leur a transmis (sans qu’ils le sachent). C’est après le premier tiers du film que cette image apparaîtsuivie de celle-cipuis plus rien d’Aliocha.

On le cherchera en vain, on ira même jusqu’à aller chez la mère de sa mère : l’horreur, la haine, la vindicte… pourquoi ce petit môme aurait-il eu l’idée de venir trouver refuge ici ?Décidément, non, on ne le retrouvera pas. Douze ans, un mètre cinquante, blond. Plus jamais. Cela semble tant mieux : l’homme se retrouve chez la femme qui attend un enfant de lui (il le traitera comme il a traité Aliocha…); la femme chez un riche homme seul (une fille à Lisbonne à laquelle il parle, de temps à autre, via internet, et ce sera tout). L’allégorie limpide d’une Russie de nos jours : ici la jeune femme qui court toute seulesans avancer sur le balcon de l’appartement luxueux de son nouveau mari…

Fin.

L’image est grise, on recherchera Aliocha dans les ruines qu’il fréquentait avec un de ses amis sans le retrouver. La tristesse est absente, c’est tant mieux, il gênait. Les parents enfantent ensemble et sont censés aimer leur progéniture, eh bien non. Et le monde (ce monde-là seulement, on l’espère…) tourne ainsi.

Une horreur terrifiante. Tout compte fait, à la cave…

Faute d’amour un film d’Andreï Zviaguintsev, prix du Jury, festival de Cannes 2017.

 

Décorez moi ça

 

 

 

Il y a dans cette façon de laisser les choses en l’état une manière de désespoir – la maison(s)témoin demande pourtant à vivre, on la nourrit mais est-ce suffisant ? Il manque des fleurs

en voilà, elles sont décadrées mais c’est tout de même mieux que rien (le billet s’arrêterait ici qu’on n’en aurait guère plus : passe ton chemin, toi qui cherche des intelligences sur ce monde absurde).

Une chanson parle de carnet à spirale et d’écriture sympathique lettres bleues et capitales – cinéma, chansons, photographies, littératures, on aura tout eu : cultiver son jardin disait l’autre – eh bien je ne sais pas trop quand a commencé cette histoire de bouquet

(sans doute et très probablement avec les photos) mais c’est devenu une espèce d’habitude, une fois  par semaine, plus ou moins, j’allais à son hôtel (elle vivait à l’hôtel) lui porter un bouquet de roses que j’achetais dans un établissement du haut de la rue

(s’il le fallait, je compterai le nombre de clichés que j’ai de ces fleurs-là) (lorsqu’elle s’en allé, j’ai compté quatre vingt onze occurrences, mais ce ne sont que celles depuis fin octobre quinze)

trop sans doute, j’en dispose ici quelques uns afin de marquer aussi des souvenirs

aux ami-e-s disparu-e-s – ce ne sont pas que des pensées – l’autre jour

je passais en ville, j’attendais le bus, qu’avais-je à l’idée, je crois la maison de la mère de Marc Auger (j’étais à Maubert, oui), au fond de la perspective, il y avait l’île de la Cité, le quai des Orfèvres, à droite presque au quai, cette librairie qui aime les ouvrages de Jules Verne, et voilà qu’on me touche le coude

c’était ma fleuriste préférée, qui m’indiquait qu’elle travaillait là à présent, ah très bien, dis-je, le bus arrivait je le pris

cette image-là je l’aime plus particulièrement, elle affirme le jardin, elle soutient la vie du soleil, quelque chose de la vraie nature des choses (ça chélidoine, ces trucs-là) (je ne savais pas le faire, mais je crois que c’était dans ces eaux-là qu’elle s’en allait, Maryse, alors ces fleurs, ces décors de maison, ces senteurs suaves et gaies, tout cela sera pour elle comme pour TNPPI) (ici l’arbre d’où elles viennent)

 

Rester éveillés

 

 

 

L’instauration de cette illustration des divers objets se trouvant dans cette maison « pour faire vrai » (est-ce bien le but ? on se le demande) (mais les questions qu’ici on se pose sont innombrables apportant par elles-mêmes des réponses tout aussi innombrables)  a débuté (pensé-je) en mai 2015 et continue sur une espèce de lancée, une erre qu’il ne faudrait pas tenter de maîtriser (les divers et variés atermoiements du rédacteur de ces billets quant à l’existence même de cette maison, de ce décor, de ce lieu n’ont d’égal que ses propres fantasmes : il y a quelques temps, je me suis dit – passons au style direct, ça va bien comme ça – que la figuration m’allait (m’irait) comme un gant à une main) (et de là la gifle qu’il faut asséner à la plupart de ce type de réflexions – bien que ce mot soit assez disproportionné pour expliquer ces passades – je pense toujours – souvent – à cette silhouette qu’on commence à discerner sur les images de Thomas dans l’adaptation (tellement) libre des Fils de la Vierge (Julio Cortazar, in Les armes secrètes, 1963, Gallimard) qu’en a produit Michelangelo Antonioni en 1966 : c’est là

c’est déjà trop dire, mais n’importe (Blow up). Pour tenter de renouer avec le fil de l’histoire (quel fil? quelle histoire ? on n’en finit jamais), trois épisodes d’un film d’Howard Hawks revu pour des questions d’apprentissage de la langue anglaise (on fait ce qu’on peut et ce qu’on doit, aussi) dont le titre « The Big Sleep » (livre n°13 de la collection « Série Noire » traduction Boris Vian, 1948) pourrait s’adapter à n’importe quelle autre production de ce genre (je veux dire : fiction) ainsi que, par exemple « Le ciel pour témoin » ou quelqu’autre galéjade dont le langage a le secret.

 

  1. Le héros (Philip Marlowe) interprété par Humphrey Bogart (né un 25 décembre – 1899- décédé 57 ans plus tard) entre dans une librairie : une espèce de libraire qui n’y connaît rien tente de l’évincer, il s’en va, traverse la rue, entre dans une boutique de la même corporation, là rencontre la libraire (probablement : on ne sait comment elle se (pré)nomme non plus que son statut exact), et la relation qu’ils parviennent à entretenir est simplement magique

Interprétée par Dorothy Malone, (on s’amuse à les voir se répondre), elle défait ses cheveux, ôte ses lunettes

ils trinquent et se traitent en amis (on se souvient peut-être de cette même actrice dans le magnifique « Ecrit sur du vent » (Douglas Sirk, 1956) (elle est toujours parmi nous, celle-ci, et tape les 93 quand même…). Cette fraternité, ou sororité, qui s’exprime là a quelque chose, de l’humanité sans doute, de la camaraderie, de l’entr’aide et de la loyauté (elle ne réapparaît plus dans le film).

2. Ici l’objet qu’on posera peut-être dans le salon, cette tête sculptée

dans laquelle on a dissimulé un appareil-photo, lequel prend des clichés de personnages dans des positions propres à les faire revenir sur terre, et pour lesquels ils seront mis à contribution (ils se trouvent confrontés à ces clichés hors-champ, nous n’avons droit, nous autres spectateurs, qu’à l’évocation de leurs turpitudes capturées lors de leurs ébats avec la jeune soeur de l’héroïne qu’on va retrouver au point 3).

3. L’histoire est assez obscure, absconse et triviale (gangsters, maîtres-chanteurs, voleurs, tripots flics meurtres chantages et j’en passe sans doute – JP. Melville (dont on sait, par ailleurs, qu’il va s’agir bientôt – s’il n’avait été trop tôt arraché à notre affection – du centenaire de la naissance) a recensé 19 structures du roman policier, pas une de plus, ni de moins d’ailleurs – mais donne lieu à la romance (il s’agit d’une histoire assez d’amour) entre l’une des filles d’un vieillard impotent et notre Marlowe (laquelle jeune femme est interprétée par Lauren Bacal, qui comme on sait peut-être, est mariée avec ledit Humphrey depuis deux ans lors du tournage, et leur complicité fait plaisir à voir)

Ils sont tellement mignons, hein.

 

4. Epilogue (ici Howard Hawks et Lauren Bacall

dont on peut sans doute dire qu’il est celui qui l’a fait connaître au monde (occidental probablement) comme une star (magnifique) et la chanson dans le Grand Sommeil témoigne aussi de l’étendue de son registre…) (pas trouvé d’image, et le dvd était un emprunt fait – et rendu – à la médiathèque)

images (des) US

 

C’était ce dimanche et j’avançais sur les pas de ce type, là, Robert Smithson, qui avait le front de photographier avec un Instamatic, à la fin des années soixante, l’endroit où il vivait ou avait vécu (c’est un lieu de grande banlieue de New-York, non loin de Patherson (Jim Jarmusch, 2016) – cette affaire de cinéma hante toujours un peu, beaucoup, passionnément, cette maison(s) témoin, même si ce n’est qu’une appropriation qui m’embarrasse très souvent – mais comme le disait François Bon, ce dimanche-là, hier soir donc, un bulldozer nous est tombé sur la gueule, et on a appris la disparition de Philippe Rhamy. C’est toujours une affaire de mort, et la photographie fait partie tout autant du déroulement du temps que le reste des arts, ou si on préfère, des agissements de l’humanité qui tendent à la rendre, cette humanité, compréhensible, effective et sensible aux autres, aux semblables. J’avais des velléités : arrêter le cinéma que proposait Pierre Ménard dans son billet de Liminaire intitulé comme la magie le veut « Les ruines à l’envers ». C’est ce que j’ai fait, je m’amuse souvent à cette espèce de jeu – je cherche les endroits qui ont été capt(ur)és par le robot et je les arrange à ma manière, afin d’y tenter de trouver quelque chose de la réalité de mon moment (j’aime, par exemple, quand les images (me) sont belles, ou particulières ou évocatrices). Si on voulait entrer dans le pompeux, on pourrait dire qu’il s’agit de ma contribution à cet hommage anniversaire du site urbain trop urbain à ce photographe qui ne veut pas en être un (le photographe, pas l’hommage).

Je pose celle-ci comme exemple, mais aussi parce qu’elle dispose comme toutes de sa propre illusion, qu’on y voit sans doute quelque chose de visible mais que je n’ai pas vu, et pour la raison de l’apparition d’un animal, une espèce qui vit (vivait, a vécu, survit) sur une image morte (il s’agit du lac (très) salé de Larnaca, au coucher du soleil et quand il s’y trouve de l’eau…). Je l’envoie à Philippe comme je lui dédie ce billet. 

Le film arrêté: ce sont des plans fixes, alors une image d’eux en rend assez bien compte.

L’idée était de prendre en images des lieux particulier de cette petite ville, Passaic qui se  trouve à une cinquantaine de kilomètres, peut-être de New-York.

Dans le film (« A tour of the Monuments of Passaic » B. Colby Jennings, 2014) , il ne se passe pratiquement rien (sinon du temps et du vent qui siffle un peut, et donc qui doit passer, invisible et gratuit) (un peu plus de 6 minutes, pour six plans – ou plutôt sept, en comptant le plan double qui suit). A un moment, deux petites images ensemble :

puis

peu définies. Des lieux sans doute communs :

ce passage à niveau où un train passe une fois (on entend son avertisseur) il passe

(ce n’est d’ailleurs qu’une locomotive), puis une autre fois

dans l’autre sens, mais ici c’est assez impossible à voir (ou croire), puis encore deux fois (un effet d’humour probablement) puis un son à nouveau de l’avertisseur, mais point de train, une église

puis un croisement, un stop et à l’arrêt une voiture dont le clignotant fonctionne

mais elle n’avancera pas (il s’agit de la route 49 semble-t-il). J’ai trouvé les images assez éloquentes, sans être mobiles. Des images assez vides, disons.  J’ai regardé ensuite les liens de l’article Liminaire (j’avais commencé par le lire, images à l’appui comme il sied), et j’y ai découvert le parcours (les parcours, je crois) réalisé(s) par l’opérateur (en l’occurrence l’artiste Robert Smithson) en 1967 (un trente septembre) pour établir les photographies qui sont (si j’ai bien compris) portées et imprimées dans le livre (eh non, c’est un magasine) Artforum (si on suit le lien, on peut y voir les couvertures des divers numéros, un vrai plaisir) (ici la couverture et le sommaire du numéro où Robert Smithson a fait paraître -comme on dit – ses images – et un texte certainement (addenda du 11 10 2017 : le texte traduit par Anthony Poiraudeau, sur son blog si j’ai bien compris, se trouve ici).

 

J’ai suivi, début au nord (fin de B) fin au sud (début de A).

quelques travaux au parc Colombus (comme Christophe Colomb a quelque chose à voir avec ces débuts-là, allons-y gaiement) : au vrai je ne me suis pas documenté, mais je trouve quelque chose qui m’indique que ces Etats-Unis là ont quelque chose à voir avec ceux que moi-même je connais.

Central avenue, point deux, je suppose (la porte ouverte du taxi, le regard caméra flou des jeunes gens, le néon et la jeune femme semble-t-il derrière un écran et une vitrine, l’ouverture vingt quatre vingt quatre (les lois sociales, raciales, la crise de 29, tout le bataclan du travail et du capital)

on s’y croirait

Passaic en couleurs, Union avenue, feu tricolore dans les jaunes, numéros disproportionnés, visibles des autos je suppose, en tout cas il fait beau

un stade de football américain, à l’enseigne d’un indien (Boverini, kézako? je ne cherche point) (American stars and bars, flag), je crois me souvenir que l’homme Smithson se déplaçait en autobus (ou alors j’ai diffusé Patherson) mais ce qui arrive au passage suivant

est un hasard objectif (ici on avait le champ, là je pose le contrechamp – on garde le pont dans son dos, et on capture une image

quelques fleurs, un camion jaune…) : on prendra à gauche sur le pont

la rivière Passaic, le pont il suffit de le passer et on arrivera

le coin d’Union avenue et de Riverside avenue, pour terminer le voyage devant cette maison

De nos jours…

 

 

je trouve ici le texte paru dans Artforum, traduit par Anthony Poiraudeau : qu’il en soit remercié.

Perlimpinpin aux Batignolles

 

 

On dit souvent qu’il n’y a pas que le cinéma dans la vie, et c’est vrai (on c’est moi, je reconnais, mais tout de même, je ne suis pas (si) seul) : il y a aussi la chanson (et l’agent, bien sûr…). Toutes les chansons du moment où elles sont ce qu’elles doivent être (alors j’aime d’abord Ella et Amalia, puis Cesaria (beaucoup), puis d’autres encore, comme évidemment Barbara, et le film du jour (une merveille qui aime et la chanson, et le cinéma) lui donne à vivre, pour qui, comment quand et pourquoi ? On le sait) (et aussi Georges (qu’elle chantait à ses débuts), Jacques (avec qui elle jouait au cinéma) et d’autres encore). On aura donc deux images (plus une d’elle) et une chanson, ici, dans le square des Batignolles (à côté de ce square et de la gare du Pont Cardinet, tant et tant de dimanches passés aux renseignements téléphonés, si tu savais…). On sait bien que rien ne change (puisque tout devra changer) : l’enfance a quelque chose de terrifiant, c’est sa naïveté, sa foi, sa croyance, son obligeance, son amour dédié à, parfois, d’abominables innocences. J’ai aimé mon enfance tout aussi bien, le bleu et le blanc, le reste du monde que je ne connaissais pas, ni les guerres, ni les tortures, ni les terreurs, non, le soleil oui, et la mer bleue au bout de l’avenue. Et j’aime, comme la vieillesse, l’enfance. Vivre. Je lisais tout à l’heure quelque chose à ce sujet, cette aigre façon d’envisager le temps, c’est à rire, les gens il faudrait ne pas le connaître – c’est ce qu’on fait, le plus souvent, et c’est tant mieux pour nous. Je garde par devers moi les douleurs en mes os, celles engendrées par la perte de la mémoire et de celles et ceux qu’on a aimé-e-s, parler de poésie, n’en plus parler, et offrir quelques fleurs, et toutes les chansons.

« Dites-le moi du bout des lèvres/Moi je l’entends du bout du coeur… » dit-elle, chante-t-elle. Quelle merveille, ici ou dans la chanson interprétée par Lou Casa dans le film (Mathieu Amalric, 2017). Et puis Jeanne Balibar dite Brigitte, espiègle (elle passe sur le pont Royal, et moi j’aime le pont Royal, tu comprends…)

gaie et profonde, opiniâtre et tenace, forte et sensible, comme la chanteuse, tout comme elle. C’est vrai, il n’y a pas que le cinéma dans la vie mais heureusement, parfois, il arrive qu’il soit là.

Paroles et musique de Barbara. Lire, écouter, entendre, vivre.

Pour qui, comment quand et pourquoi ? Contre qui ? Comment ? Contre quoi ?
C’en est assez de vos violences
D’où venez-vous ? Où allez-vous ?  Qui êtes-vous ? Qui priez-vous ?
Je vous prie de faire silence

Pour qui, comment, quand et pourquoi ?
S’il faut absolument qu’on soit
Contre quelqu’un ou quelque chose
Je suis pour le soleil couchant en haut des collines désertes Je suis pour les forêts profondes

Car un enfant qui pleure,
Qu’il soit de n’importe où,
Est un enfant qui pleure,
Car un enfant qui meurt
Au bout de vos fusils
Est un enfant qui meurt.
Que c’est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences 
Que c’est abominable d’avoir pour ennemis les rires de l’enfance 

Pour qui, comment, quand et combien ? Contre qui ? Comment et combien ?
À en perdre le goût de vivre,
Le goût de l’eau, le goût du pain,  et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles 
Mais pour rien, mais pour presque rien,
Pour être avec vous et c’est bien 
Et pour une rose entr’ouverte,
Et pour une respiration,
Et pour un souffle d’abandon,
Et pour un jardin qui frissonne 

Rien avoir, mais passionnément,
Ne rien se dire éperdument,
Mais tout donner avec ivresse
Et riche de dépossession,
N’avoir que sa vérité,
Posséder toutes les richesses,
Ne pas parler de poésie,
Ne pas parler de poésie
En écrasant des fleurs sauvages
Et faire jouer la transparence
Au fond d’une cour aux murs gris
Où l’aube n’a jamais sa chance.

Contre qui, comment, contre quoi ? Pour qui, comment, quand et pourquoi ?
Pour retrouver le goût de vivre,
Le goût de l’eau, le goût du pain, et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles.
Contre personne et contre rien,
Contre personne et contre rien,
Mais pour une rose entr’ouverte,
Mais pour une respiration,
Mais pour un souffle d’abandon
Et pour ce jardin qui frissonne

Et vivre passionnément,
Et ne se battre seulement
Qu’avec les feux de la tendresse
Et, riche de dépossession,
N’avoir que sa vérité,
Posséder toutes les richesses
Ne plus parler de poésie
Ne plus parler de poésie
En écrasant les fleurs sauvages
Et faire jouer la transparence
Au fond d’une cour aux murs gris
Où l’aube aurait enfin sa chance

Et vivre vivre passionnément et ne se battre seulement

qu’avec les feux de la tendresse

Et riche de dépossession n’avoir que sa vérité

Posséder toutes les richesses
Rien que la tendresse pour toute richesse…

Les loups aux abords de Paris

 

Cette maison se trouve quelque part en banlieue, elle ressemble à celles dont on entendait vanter les mérites, je me souviens j’écoutais alors Europe numéro un et ça faisait en une petite chanson : « merdrinel/ propriétaire à la montagneueu /merdrinel propriétaire à la mer » il me semble que ça devait être quelque part du côté des Sables d’Olonnes ou je ne sais quelle mer mais océane, c’est à peu près certain – c’était dans les années soixante, on écoutait le hit parade – on a toujours bien aimé les chansons – il y a quelque chose avec les abords de la ville, la grande la lumière comme on l’aime – on sait que ce type, là, celui qui a fait fortune avec ses maisons jetables, s’est expatrié lorsque tonton est arrivé au pouvoir en 81 (la grande classe) s’en est allé aux Etats pour continuer à faire fortune. De l’autre côté de cette ville-là, donc, il a obtenu un bail emphytéotique de la ville (55 ans, je crois bien) pour exploiter un musée qui traite de sa propre collection (qu’il expose aussi à la douane de mer à Venise). Il a droit donc, puisque mécène, à un loyer assez abscons et est libre de fixer comme il l’entend (16 euros le billet quand même) le prix de la visite de ce musée (on a une navette – deux euros (aller-retour) car il n’y a pas de petit profit – qui peut conduire de la place de l’Etoile à ce musée). L’architecture de l’ensemble est, me semble-t-il, de nature à choquer quiconque n’a pas l’habitude de ce type d’oeuvre, aiguë coupante, tranchante sans doute, d’autant plus que les collections qui sont abritées là-bas sont d’art contemporain et donc de nature, elles aussi, à brusquer le visiteur moyen, disons. De l’autre côté de la ville, on a le même signal (dont on parle ici, illustré par le robot en tête de billet). Dans le même ordre d’idée, celle du gigantisme, de l’énormité, du choc, on peut aussi penser au nouveau tribunal édifié du côté de la porte de Clichy. Ici, en juin 2015

Avec la tour Triangle qui, semble-t-il, se trouvera implantée à proximité de la porte de Versailles, on comprend les différents signaux émis par cette municipalité à l’endroit de ceux qui auraient l’idée (assez saugrenue, donc) d’entrer « intra muros »  (on préfère les voir accéder à la ville par le Réseau express régional, qui les porte aux Halles sous ce qu’on nomme improprement canopée, bouffie d’un orgueil tellement illusoire et démesuré, ou à la Défense, c’est mieux pour eux). Ici témoignage de ce qu’on peut voir au nord-est parisien.

 

C’est quelque chose de la ville qui nous entoure, il y a là les nouvelles voies du tramway, au loin il y aura probablement (d’ici on ne le voit pas, mais ce sera construit plus tard parce que les projets pharaoniques ne manquent pas, c’est la ville lumière, il s’agit de la nouvelle olympiade, un siècle après rends-toi compte, un siècle, c’est comme si on parvenait à maîtriser le temps, on peut même compter sur le fait que lorsque vingt et un vingt quatre arrivera, dans exactement – exactement ! – vingt quatre olympiades, ce sont des correspondances formidablement parlantes, communicantes, sensibles et signifiantes, eh bien nos enfants eux-mêmes – ou plutôt les leurs ou ceux de leurs enfants enfin qu’importe puisque l’humanité survivra… pas vrai ? – porteront haut et loin et en couleur les cinq anneaux de cette merveille du monde…) au loin il y aura le village olympique ou quelque chose comme un anneau de cyclisme, un vélodrome (on en voit un à Saint-Maurice si on veut–  non c’est encore Paris l’avenue de Gravelle forme la frontière (à droite un charmant petit cimetière, dit « cimetière ancien »ici l’entrée du vélodromeau 51) (on le remettra en état peut-être qu’on y verra rouler en rond des jeunes gens frais comme gardons et affûtés comme des fils d’armes blanches…) (il s’y trouve même un restaurant « La Cipale », que demander de plus ? – aphérèse (tu sais ce que c’est une aphérèse ? c’est un raccourci, t’enlèves piste muni et ça te donne) de « piste municipale ») (source le wiki, mais on n’y dit rien des jeux vingt vingt quatre), cependant il ne fait guère de doute que ces lieux sont emprunts d’une certaine aura… Les entrées de la ville, sans doute, et de celle-ci particulièrement, puisqu’elle est, de toutes parts, ceinte de ce magnifique ouvrage d’art qu’on nomme le périphérique (une autoroute d’une bonne trentaine de kilomètres de long, huit voies automobiles qui enserrent la ville).Au nord, depuis très belle lurette, on doit installer un équipement, une salle de spectacles, un amphithéâtre, un auditorium, quelque chose de neuf, de grand et de digne de cette capitale. J’y passais l’autre soir (on allait au ciné) et c’est ainsi que je l’ai revuune espèce de masque de fer, m’a-t-il semblé, qui scrute un peu ce qui se passe de l’autre côtéil se peut que j’antropomorphise un peu, en tout cas dit la chronique, l’acoustique de la salle intérieure est hors de qualification : les reflets sur la façade aident-ils à garder ce monstre dans les limites de l’architecture ? probablement – je ne veux pas parler des dépassements de budget, ni de l’ego exceptionnel de l’architecte envolé vers Dubaï, ou l’autocratie Abou Dabi ou quelque autre destination encore où se crée sa fortune…ce n’est pas que ce soit vilain, nonc’est je crois simplement que ça dissuade de venir (mais il y a une navette qui relie ce coin exilé à l’Opéra ou à l’étoile, il me semble)…

On a emprunté le petit souterrain qui va à Pantinet par chance, le film était vraiment bien (Barbara, Mathieu Amalric, 2017)

Un tour au jardin

 

 

Entretenir sa santé. Courir, avaler des kilomètres, chaussé de sport, vêtements assortis et justaucorps, casquettes et aux oreilles une musique quelconque, qu’on aime sans doute, au loin passent les cigognes

ce ne sont que des gens, bipèdes forcenés, l’âge de leurs artères, courir pour ne pas mourir, pour ne pas vieillir, courir après quelque chose de désirable, courir et respirer, respirer et encore respirer, courir encore quelques pas dans un air presque pur, préserver ses capacités pour les mettre au service de sa feuille de paye, les virements ici les agios là, les intérêts et les marges, parce que le crédit qui va le payer, la maison, bien sûr, nous convenait comme le gant à la main, elle nous était prédestinée sûrement, dès que nous y sommes entrés, ça a été comme un coup de foudre, bien sûr pour nous

et pour notre fille à venir, puis le deuxième enfant, oui, le tout est de continuer à courir, courir, voilà, courir, les lotissements, les voitures, l’électricité, l’atome aussi bien, les avions et les embouteillages de la fin des vacances, tu sais quoi ? j’ai adoré écrire cette histoire, il y avait des trains qui allaient et venaient, tout le jour, dès le matin, ces maisons qu’on trouve dans des enlacements en impasse, ces maisons toutes semblables, j’ai pensé aussi à elles lorsque le milliardaire qui s’en était fait le maçon s’est offert la douane de mer à Venise, après s’être acheté un palais sur le grand canal, courir, éliminer les toxines, courir encore, suer tant bien que mal, avancer sur le chemin de ce destin écrit pour nous, courir, sentir cette chaleur dispensée par nos muscles qui travaillent, travailler, courir, travailler

il y avait eu cette émission de radio, aussi, où on nous expliquait que chacun dans son coin faisait ce qu’il avait envie de faire, au milieu des autres, la vie urbaine, la vie en ville, la vie dans sa propre maison, courir autour du lotissement, autour des hectares de verdure, les montées et les descentes des Buttes Chaumont, les landaus du parc Montceau, les appareils photo et les cannes à selfie des Tuileries

courir courir comme s’il en allait de notre vie, courir autour, courir encore courir, chevilles et genoux coudes au corps, casque sur les oreilles, casquette à la tête courir, puis revenir, revenir revenir, la sueur qui marque le vêtement, les chaussures, les chaussettes qu’on vend par douzaines, les magasins à cette enseigne, nous autres humains courir même s’il pleut, courir et encore courir après l’avenir, le matin plus que le soir, mais la nuit oui, courir, avancer droit devant soi, à la nuit et puis, à un moment cesser

Trait d’union

 

 

Ca se passe il y a trente ans dans une ancienne boucherie chevaline transformée en une espèce de loft où vivent, semble-t-il, Marc et Anna (incarnés par Michel Piccoli et Juliette Binoche -celui-là au moment des faits (du tournage si tu préfères) tape les soixante piges, elle en a 22) elle l’aime, il l’aime mais ne veut pas le lui dire (c’est une espèce d’histoire d’amour). Il se trouve que je mène (en secret relatif) un travail sur « Le Cercle Rouge » (Jean-Pierre Melville, 1970) et que j’ai trouvé de vagues ressemblances entre ces deux films – à quinze ans d’écart, une histoire de malfrats. Dit comme ça c’est assez réducteur mais, en réalité, la comparaison est extrêmement flatteuse (en réalité, pour les deux films). Tout ça pour dire que, puisqu’il faut bien mettre ce film quelque part, eh bien ce sera dans le salon (puisque cette boucherie, c’est d’un salon, au fond, qu’il s’agit) même si très souvent on sort, on en sort, on n’arrête pas d’en sortir (on le met aussi en extérieur). J’ai pensé aussi aux films de Claude Sautet (surtout parce que Michel Piccoli et Serge Reggiani étaient des acteurs que ce dernier réalisateur aimait à employer (on aurait bien aimé voir, par exemple ici, François Périer mais non) (ce dernier de 1919 avait soixante sept ans au moment des faits…) (il y a « Max et les ferrailleurs » qui va bien comme un gant aussi à ce trait d’union que j’essaye de composer) (on pourrait rebaptiser ce »mauvais sang » en un « Marc, Alex, Hans et les autres« ).

Denis Lavant c’est Alex l’alter ego du réalisateur disons (25 ans, Alex Dupont en a 26…) (Alex Dupont est l’un des hétéronymes comme on dit maintenant du réalisateur) (ce mot est venu avec la mode qui s’est attachée à Fernando Pessoa et à sa valise, là, enfin sa malle) (ici comme on voit, Alex s’en va avec sa valise,  rouge)

Marc (Michel Piccoli, donc), Charlie (Serge Reggiani – il est de 22, il a 64 ans) (ils jouaient aussi tous les deux dans « le Doulos » (Jean-Pierre Melville, 1962)) et Hans (Hans Meyer, un médecin qui soigne les bobos des uns et des autres, il habite au dessus de la boucherie) sont des amis de longue date (quelques coups tordus, genre « Le trou » (Jacques Becker, 1960) (parce que dans « Casque d’Or » (Jacques Becker, 1952) Reggiani a trente ans) (enfin aussi) (enfin je me perds, et je vous perds, j’ai l’impression) (on verra Reggiani/Charlie taleur).

Ici Marc et Hans dans le salon.N’importe, l’image est belle, le film est assez beau, juste pèche un peu le scénario ( le MacGuffin (cher à Philippe Diaz – d’ailleurs un homonyme produit le film) (on a interverti les liens entre les hétéronymes) ne tient pas bien); l’ambiance de la Comète de Haley date un peu – surtout que le réchauffement climatique commence à se faire sentir à présent – à peine mais quand même – à titre personnel et subjectif évidemment, le 13 mars 1986, au passage de cet objet céleste (dit-on) tonton inaugurait dans d’anciens abattoirs qui n’avaient jamais servi à ce pour quoi ils avaient été construits un musée de sciences) (enfin le temps passe, mais le sang rouge reste…)

Il y a notamment des courses formidablement généreuses : la première c’est Lise (Julie Delpy)(elle aime Alex mais lui la quitte, il veut changer de vie) elle court c’est magnifique (elle lui court après mais il la sème)et c’est du cinéma comme on l’aime. Vraiment, comme on l’aime. L’autre course magique elle aussi est celle d’Alex – il met la radio (on pense à l’Air NU, évidemment), indique que la musique qui s’épand est toujours la bonne et marque « Ecoutons et laissons nous dicter nos sentiments… » et ici une minute vingt de parfaite grâceou de grâce parfaitedont ne rendent que peu compte les images fixes(Jean-Yves Escoffier, à l’image, nous a quitté à Los Angelès, en 2003, emporté par une crise cardiaque…) travelling merveilleux dans la nuit chaude du presque hiver (puisqu’on est, si on en croit la narration, en mars – il neigera un peu plus tard, aussi).

On ne parle pas d’Anna mais elle est là, tendre et douce sans doutepour elle a lieu ce combat de coqs, certeset la troisième course, magnifique elle aussifin du film sur le tarmac, Charlie (il y a là une espèce de Milou et j’ai pensé à « Milou en mai » (Louis Malle, 1990) avec le même Michel Piccoli qui y joue Milou – la scène des écrevisses…)et Anna qui court, court et presque s’envoleraitFormidable cinéma dans cette pure tradition française qu’il a de découvertes, d’inventions, de prises de risques…

L’aviateur

 

Voilà un film qui va se retrouver dans le garage (mais il le faudra assez grand pour y entreposer l’Hercules conçu par HH). On y parle surtout d’aviation (c’est un genre dans le cinéma, parce que Pan american airways multiplié par Trans world airways, et aller toujours plus vite et toujours plus loin, leur tropisme maniaque de la frontière, et l’argent et le cinéma). On aura tout (il n’est pas très étonnant non plus de trouver dans cette posture un Martin Scorcese, avec ses trois heures moins le quart de durée).

Voici les fantômes.

J’aime bien savoir que Katarine Hepburn se trouve incarnée par Cate Blanchett (formidable comme d’habitude : une vraie star – elle lui a volé son coeur, t’as qu’à voir-, une vraie si on en cherche une contemporaine)la voir implique immédiatement son rôle dans « Soudain l’été dernier » (Joseph Mankiewicz, 1959), on revoit Montgomery Clift ( et cette façon d’être avec Elisabeth Taylor  :  tout le kit)) (on revoit un peu « Fury » (Fritz Lang, 1936) parce que Spencer Tracy). Ici, on a droit à la réplique magnifique  » tu n’es qu’une star de cinéma ! » comme une gifle, et on revoit aussi cette Katarine Hepburn dans « The African Queen » (John Huston, 1951). Et donc Léonardo DiCaprio en Howard Hughes perclus de troubles obsessionnels. Comme il s’agit de la vie d’un producteur de cinéma qui était surtout un fabricant d’avions et un  milliardaire du pétrole (et puisque je n’ai pas encore vu la fin au moment de ces mots), il y aussi encore ici une évocation de Ava Gardner -la passion à laquelle il n’a pu résister… quelle affaire ! –incarnée donc par Kate Beckinsale (première fois que je vois cette actrice) (le rôle est magnifique, il n’y avait aucune raison qu’elle ne soit pas à la hauteur) (encore que les sommets atteints par Ava Gardner (notamment dans « Pandora » (Albert Lewin, 1951) (c’est à cause de ce film évoqué en commentaire  de Métronomiques que ce billet est rédigé) ou dans « La Comtesse aux pieds nus » (Joseph Mankiewicz, 1954) indiquent suffisamment qu’on fait dans le lourd américain indépassable (pratiquement)). Dans ma candeur naïve, j’ai toujours cru qu’il mourait dans un accident d’avion, en pleine guerre etc. Mais non. Il finit à Acapulco, seul et désespéré vivant nu au fin fond d’un hôtel, ayant cessé de se faire couper les cheveux, la barbe et les ongles… dans les années soixante dix : on ne peut pas tellement dire non plus qu’on ressente pour lui une quelconque sympathie – bien qu’il soit ici incarné par Leonardo DiCaprio, qui a trente ans lors du tournage (il en a aujourd’hui quarante deux, et c’est le deuxième qu’il interprète avec Martin Scorcese comme réalisateur, le premier, « Gangs of New York » date de 2002).  « Celui qui devint une légende » dit l’affiche (peur de rien hein) (il faut dire qu’il en fait quelques tonnes, mais le modèle avait l’air d’en avoir aussi pas mal à montrer). Du blé et des gonzesses. Hum. Et des avions (ça me fait penser à cette image de Tintin devant un magasin de jouet, tiens…c’est juste la suivante, mais je ne l’ai pas sous la main…). Il y a dans cet amour de l’aviation quelque chose de l’enfance, disons (je ne suis pas certain de cette disposition chez Scorcese mais pourquoi pas, l’âge venant…?).

Je ne suis pas sûr qu’on appréhende, à la vision de ce film, les liens qu’entretenait HH. avec , disons, un type (assez ordurier aussi) comme John Edgar Hoover (qu’a interprété aussi Léonardo DiCaprio (sous la direction Clint Eastwood, 2011)) lequel a connu la bagatelle de six présidents des US durant ses divers mandats à la tête du FBI – de 1924 à 1972 quand même… Et puis ce sont des films à clé, et il n’est pas complètement avéré que les réalisateurs ou leurs scénaristes soient des historiens si scrupuleux non plus. On romance, on échafaude, on fait jouer la fiction comme un degré supplémentaire de liberté. Et aussi, l’histoire n’est jamais écrite que du côté des vainqueurs comme on sait. Alors il se trouve qu’on a loué le dvd pour parfaire notre anglais – on le regarde sans sous titre, on essaye de comprendre l’argot et les tournures raccourcies de l’américain, tout autant.

Un film de cinéma ayant plusieurs objets, dont le cinéma lui-même qui reste une sorte de danseuse, c’est ainsi qu’on entend « The Aviator » .

 

Addenda : j’ai fini par voir la fin, l’accident (Léonardo n’a peur de rien et Scorcese non plus) (c’est pour ça aussi qu’on les aime, remarque, aussi) et le reste, le secours d’Ava Gardner et sa gentillesse comme ses colères qu’on connaissait déjà un peu,  et la scène magnifique du procès, audition au sénat si j’ai bien compris, le FBI n’est pas loin et les affaires étant ce qu’elles sont, elles le restent… Une mention spéciale à Alec Baldwin qui interprète Juan Trippe le pédégé de la Panam, formidable – formidable aussi, ces temps-ci sa caricature, plus vraie que nature, de l’ignoble locataire de la maison blanche, ces temps-ci…