des outils

 

 

 

c’est difficile à dire (pense, en lui-même l’agent) (enfin je crois : je le vois, bras croisés, devant la baie qui domine le petit jardin, lequel descend, en douce, vers le rond-point qui ne sert à rien au fond du lotissement – mais je m’égare) mais le monde est tel qu’il est (comme on voit l’agent divague) (je ne sais pourquoi il faut lui donner la parole – il arrive que certaines corporations soient formées d’abrutis notoires) (je ne vais pas citer le sabre, le goupillon, la matraque ou la gégène hein) (non je ne vais pas) regardez le monde tel qu’il est : vers vingt et une heure locale, plus personne dans les rues, je ne veux voir qu’une tête (il y aura bien un esclave à vélo uber pour porter à manger aux malheureux; aux malheureuses) – hier je rentrais de la campagne, le train a mis sept heures au lieu des deux et demie annoncée pour faire son parcours – on nous  a fait changer de machine parce que celle où on était assis devait repartir dans l’autre sens, tu comprends bien, pour être là-bas demain matin, bien sûr, cette blague, afin de faire le même chemin en partant de là-bas le matin, tu as compris ?  et donc par la vitre les rues de la banlieue vide c’en était à pleurer de rage ou de dépit – c’est sans image – je vais en poser quand même parce que, dans la maison, on fait des travaux (petits, des bricoles) (nature morte au briquet (1) rouge)

ce ne sont pas clichés intentionnels (enfin ils le sont toujours, mais ils n’étaient pas destinés à illustrer ici ce billet d’humeur) ce sont des outils – on s’en sert pour des usages particuliers – j’ai été tellement outré par ces annonces, celles du 16 mars sans doute, celle de ce « couvre-feu »- ces « nous sommes en guerre » et celle, de guerre, que mène donc ce gouvernement à sa jeunesse – et à ses gilets jaunes – à sa jeunesse qu’on veut déposséder de sa culture et de son éducation (tu vois cette loi programmation recherche, cette honte ?) – tu sais à quoi me fait penser ce cintré bleu dont les beaux-enfants ouvrent des écoles (privées hein) ou se placent dans quelques officines consultantes ? (nature morte au briquet (2) vert)

on la prive de sa joie de vivre pourquoi pas après tout ? on fait quoi, quand on a vingt ans, à neuf du soir ? on regarde netwhatthefuckflix ? Tu te rappelles, il y a quelques années les gueules cassées, les estropiés, peut-être moins que les planqués (c’est possible, tout est possible sur ce monde) disaient d’eux « ce qu’il leur faudrait c’est une bonne guerre » est-ce que tu te rappelles de ce genre de saloperie très troisième république blouse grise et écoles des filles et des garçons séparées on ne veut voir qu’une tête – est-ce que tu t’en souviens… ?

Moi oui.

Ah cette maison[serait-elle][s]témoin… Non, on ne fait pas de visite le soir, vers neuf heures, non ou alors très rarement… J’ai regardé au loin, à un moment de la promenade – bien sûr j’ai des enfants si on peut parler comme ça, bien sûr le temps passe (on oubliera peut-être), mais  vraiment, pour protéger des soignants qu’on a laissé choir ces six derniers mois ? pour ne pas « investir » comme ils disent ? – j’ai regardé au loin

c’est vrai, ça ne fait rien – il fait beau; le jour se lèvera sûrement demain. Ça ne fait rien, et le soir, vers neuf heures, il n’y a plus personne dans les rues
ce sont des choses qui sont difficiles à dire

une autre chanson

 

 

 

il y a probablement le fait qu’on en parlait à la radio – Monique Cerf mangeuse d’hommes (ou croqueuse, c’est selon) (mais c’est plus le goût de l’art, il me semble) – il y avait aussi celle, minimaliste, qui porte en titre mon prénom officiel (lequel n’est guère employé – on me l’avait donné pour son caractère minéral et (comme on dit aujourd’hui) durable, pérenne, non obsolète : toutes ces conneries) mais non, c’est celle-ci qui est venue.

Elle est jolie.

Il est nécessaire de faire jouer un peu la musique dans ce décor inhabité, peut-être pas si inhumain (on se fait des images des lieux qu’on ne connaît pas,parfois) en tout cas factice – c’est juste pour donner une idée : entrez, voyez, les livres sont des répliques, la vue sur le mur du fond de la salle pour vous conforter dans l’idée d’une vacance de tous les jours – entrez, si vous le désirez, les murs seront taupe avec une nuance de mauve, c’est à votre convenance.

Entrez.

Dites-le moi du bout des lèvres

Dites-le-moi du bout des lèvres
Je l’entendrai du bout du cœur
Moins fort calmez donc cette fièvre
Oui j’écoute

Oh, dites-le-moi doucement
Murmurez-le-moi simplement
Je vous écouterai bien mieux
Sans doute

Si vous parlez du bout des lèvres
J’entends très bien du bout du cœur
Et je peux continuer mon rêve
Mon rêve

Que l’amour soit à mon oreille
Doux comme le chant des abeilles
En été, un jour, au soleil
Au soleil

Regardez, dans le soir qui penche
Là-bas, ce voilier qui balance
Qu’elle est jolie sa voile blanche
Qui danse

Je vous le dis du bout des lèvres
Vous m’agacez du bout du cœur
Vos cris me dérangent, je rêve
Je rêve

Venez donc me parler d’amour
À voix basse, dans ce contre-jour
Et faites-moi, je vous en prie
Silence

Prenons plutôt au soir qui penche
Là-bas, ce voilier qui balance
Qu’elle est jolie, sa voile blanche
Qui danse
Je vous dirai du bout des lèvres
« Je vous aime du bout du cœur »
Et nous pourrons vivre mon rêve
Mon rêve

Tirez sur le pianiste !

 

 

 

Reprenons : c’est parti du fait qu’un entrefilet mentionnait que durant ces quelques mois d’arrêt momentané, le monde du cinéma (si on peut dire) comme un bon peu du reste d’ailleurs du monde tout court avait subi cette stase – tous les tournages se sont arrêtés, les gens sont rentrés chez eux ou dans leur seconde maison, reclus comme nous autres (ici, là ailleurs) (à Paris et dans le neuf trois par exemple ça a été plus tendu qu’en campagne, certes) (jte parle même pas des US ou de l’UK, ou de l’Inde ou de la Chine…) – et que durant cette période, la plupart des cerveaux ont continué de fonctionner comme si de rien n’était – les pervers ont cherché à tirer profit de l’affaire, d’autres ont tenté de faire autrement; on a glosé sur « le monde d’après » comme si ça avait un sens – puis on s’est remis à nos occupations (au travail, c’est le fond qui manque le moins disait ce connard de la Fontaine) (évidemment que je suis en colère : qui ne l’est pas ?). L’entrefilet disait (c’était courant juillet ou août je ne sais plus exactement) que machin avait cédé les droits de son catalogue de films à truc – pour donner la chance aux abonnés de truc de voir ces films-là. Je ne suis pas particulièrement fondu des réalisations de ce cinéaste (François Truffaut – il est de 32, il a vingt huit ans au moment du tournage) que je trouve assez hypocrite – mais ça ne regarde que moi – et en tout cas j’avais déjà vu le film chroniqué aujourd’hui (probablement dans les années soixante dix) (je me souviens parfaitement de la prestation comme on dit aujourd’hui de Boby (ne prend qu’un b) Lapointe (Avanies et framboises) – il est de 22).  Machin a donc vendu à truc le droit de diffuser les films du Truffaut à son catalogue (machin a dû racheter le Carrosse j’imagine – j’irai voir, oui *) : et alors ? Bof, rien sinon que donc pendant les suites de la pandémie, truc (qui est, par parenthèses si mes sources sont bonnes, pété de fric) a été voir les producteurs des films arrêtés pour cause de virus à laconcorona pour leur proposer un rachat (il paraît que ça n’a pas marché avec beaucoup) (prix inférieur hein, puisque quand même tout ça s’est arrêté, on va reprendre produire il faut comprendre et voilà…!). Non, je m’en fiche un peu, les affaires sont ce qu’elles sont : et d’ailleurs je pense que le Truffaut n’aurait vu aucune objection à ce que ses films soient diffusés via le réseau de truc, mais enfin il me semble que truc est un peu dégueulasse (il n’est pas douteux que le monde dans lequel il grouillotte le soit tout autant) (c’est celui des affaires, comme c’est celui du cinéma) . Voilà tout 

 

Bon sinon, le film du jour est tiré d’un roman de David Goodis (1956 – il est de 1917, il n’a pas quarante ans) (traduit en série noire en 1957 – traduit par Chantal Wourgaft – son âge je ne sais,elle est décédée je crois), il y a pas mal d’invraisemblances mais on s’en fout un peu. On est assez content de voir du noir et blanc (image : Raoul Coutard – il est de 24, il tape trente-six); on est aussi content de voir Charles Aznavour (il est de 24 aussi, lui) alias Edouard Saroyan, alias Charlie Kolher en pianiste. Il s’agit de l’histoire de quatre frères (ici on en voit deux – gauche cadre, c’est Chico (Albert Rémy (né en 15, 45 piges) – il jouait le père du Doinel (Antoine, donc) dans « les 400 coups » l’année d’avant)

C’est à Charlie qu’on s’attache – il rencontre Léna – son frère Chico est poursuivi par des voyous qu’il a grugé – évidemment ça va mal finir.  Le film date de 1960;  on voit les rues de Paris un petit peu; Charlie

rencontre Léna (Marie Dubois, elle a vingt-trois ans; il en a trente-huit (

dans la – si elle existe – vraie vie) : ce soir-là ça ne se fera pas – il rentre chez lui (il vit avec son frère Fido qui doit avoir dans les douze ans) – sur le même palier vit Clarisse, une respectueuse qui danse là où joue Charlie – elle garde le petit Fido (Richard  Kanayan, doit avoir dans les douze ans – il jouait aussi déjà dans les 400 coups, l’année précédente) quand il revient de l’école, elle lui donne à manger, c’est un peu comme une mère (ou une grande sœur) –

Charlie et elle se retrouvent dans le même lit, ils sont amants en somme (elle c’est Michèle Mercier (elle a vingt ans) (elle va tourner bientôt  la série des « Angélique » et devenir une espèce de star

du grand écran) (il n’y en a pas vraiment à l’époque de petit) – mais Charlie aime (sans encore vraiment tout à fait le savoir) Léna, et puis les choses allant comme elles vont

ce qui doit arriver arrive

(c’est assez convenu, j’avais prévenu) (conventionnel : les femmes sont jeunes, les hommes plus âgés, tout ça) et puis on parle – un long flashback explique pourquoi Charlie est si triste – alors que Léna elle est si gaie – on apprend que Charlie est veuf de Thérèse

(Nicole Berger, adorable : vingt-six ans au moment du tournage) (elle se tuera dans un accident de voiture en 1967, que la paix reste sur son âme) – Charlie reste peut-être un peu coupable de ce suicide – c’est une histoire triste (elle a couché avec l’imprésario à Charlie afin (peut-être) de lui faire obtenir un contrat (lequel imprésario est interprété par Claude Heymann – qui est de 7, ça lui fait 53 printemps) (elle s’en veut, elle se jette par la fenêtre; Charlie ne l’en empêche pas) – et puis, et puis Charlie tue en état de légitime défense le patron du bar, Léna l’aide à s’enfuir alors la route

et la poursuite par les autres malfrats qui veulent leur argent (je passe sur certains autres détails)

et la fin dans la neige

Il y a cependant en ouverture cette scène qui se déroule dans la rue où Chico s’enfuit et est aidé à se relever par un type qui lui flanque des gifles – le type porte des fleurs à sa femme, et nous explique pourquoi et comment il en est tombé amoureux – c’est la raison du film (comme celle de tous les autres films sûrement), le passant est interprété par Alex Joffé (il est de 18)

un cinéaste (des comédies surtout, films avec Bourvil, Robert Hirsch etc. plutôt qualité française…), acteur et scénariste, père d’Arthur Joffé (je me disais je le connais, mais non, (enfin oui, mais non) je le confonds avec Roland Joffé) – et donc comme un signe vers cette frange du cinéma honnie et vomie par ce qu’on appelait alors « la nouvelle vague »… Et pour finir mentionnons Catherine Lutz dans le rôle de la femme (« plus pour longtemps » dit-elle dans un éclair de préscience de l’avenir) (elle est de ? – elle a dans les 40 ans, là) Mammy, du patron du bar (Serge Davri, il est de 19)

 

(*) : (add. de 9h53) sous le lien, l’article de la Cinémathèque Française indique que « tous les films de François Truffaut seront produits par » le Carrosse sauf celui-ci, plus « Fahrenheit 451 » (1966, d’après Ray Bradbury),  « Une belle fille comme moi » (1972) et « la Nuit américaine »(1973) – ce sont sans doute ces films qui ont été rachétés par machin, donc, et non ceux produits par les films du Carrosse (faudrait voir: y’a du boulot).

Des histoires (Résister #6 déjà ?)

 

 

 

 

 

j’ai trouvé un journal, il y avait quelques images noir et blanc, j’en ai fait quelques prises – il s’agit d’une affaire déjà datée – le monde continue son mouvement, et nous aussi – ici, dans cette maison, je les pose tout en posant quelques images qui me sont venues, non d’elles, mais de ce temps qui passe, ce monde qui continue, cette vie et cette façon d’être – ce ne sont que des mots de reclus qui tente de garder la tête hors de l’eau (et qui tente de juguler sa colère) (sans doute en pensant à autre chose, le cinéma, la chanson, la musique, l’amitié, l’amour des enfants – ce ne sont, cependant, pas des histoires pour eux) – je pose d’abord celle-ci, prise d’un train qui, il y a quelques années, allait d’Athènes à Salonique.

les couleurs sont pour l’amour – la dernière, toute de bleue vêtue, pour l’espoir

 

 

obituaire : Hélène CHatelain

dès le 22 janvier : et si la partie immergée du virus était sociale ? Émergée : la santé. La nation se confine ainsi que les autres, en sortira-t-on immunisés ? Les mensonges, les approximations, les « tout et son contraire » qui ont la même odeur que le « en même temps » qu’on sert à longueur de propagande radiophonique, les initiales du sauveur qui servent à intituler son propre parti, cette vulgarité et cette suffisance, cette fatuité, c’est bien d’ici ?

obituaire : Luis Sepulveda

dès le 22 janvier, un type (je crois me souvenir qu’il bosse dans un hôpital de Berlin) (médecin, chercheur, scientifique comme on dit) avait mis au jour un test qui détectait la maladie – l’Allemagne compte quatre fois moins de morts par le fait de ce virus que la France – le compte monte normalement ici, merci : dans quelle mesure ce gouvernement qui disposait d’un ministre de la santé (ça existe) est-il criminel ou meurtrier ? Dans quelle mesure ? J’entends un peu le recours d’une classe action contre ces agissements, recours rejeté par le Conseil d’État, j’entends parfois des mots et des paroles – parlons plutôt des décomptes des morts : cinquante mile étazuniens, ce matin j’entends encore, j’entends… (mais cette dame avait Paris en tête, tu comprends on fait comme on peut et la carrière, il faut bien y entrer et faire ce que dit le chef, à reculons peut-être, mais y entrer – c’était loin dans le temps, les histoires de cet homme qui se cousait la bouche devant le Kremlin, qui flanquait des coups de couteau dans les convives fussent-ils des commensaux de cette fête du premier de l’an, ah je ne sais plus, était-ce un producteur de cinéma, ou un artiste de variété qui recevait, au dessus du Flore ou des Deux Magots ? un appartement prêté par des amis ? un avocat ? enfin tu vois le monde  celui qu’on nomme « grand » la belle affaire, le genre, la classe et le faubourg Saint-Germain ? Et cet autre qui envoyait à sa maîtresse, était-ce sa maîtresse ? des images animées de son anatomie à géométrie variable, fatalement (il n’est pas constitué autrement que les autres de son genre) ainsi que le faisaient les héros de ce film de Bob Guédiguian pas si mal – où Ariane Ascaride jouait le rôle d’une femme de ménage assez acariâtre qui ne voulait plus faire grève – « Sic transit gloria mundi » disait le titre (est-ce ainsi que passe la gloire du monde ?) – pas si mal mais tellement vrai, ce film triste à mourir sur notre monde – il y avait aussi une autre histoire, celle de Gérard Lebovici et des douilles de balles qu’on avait retrouvées sur (je ne sais plus mais) la plage arrière de sa voiture – un contrat comme on dit – ce qu’on signe quand on s’engage à subir les ordres du commanditaire et y obéir – oui, voilà, c’est le même mot : le travail, c’est la santé – ou alors posées sur la planche de bord – deux ou trois balles dans la tête, ou la nuque (4 ? 4.)  une R 25 peut-être bien(ou 30? 30.) dans un parking des Champs-Elysées ou d’une avenue quelconque menant à l’Étoile (il n’en est aucune de quelconque mais enfin) (sur celle dédiée à Mac Mahon vivait Aragon, Louis, et sa mère il y a un siècle) – il y avait là aussi un music-hall (ça ne se dit plus) où s’enregistraient les émissions de Jacques Martin, cinquante ans plus tard (l’Empire) – j’aime Paris au mois de Mai disait la chanson, nous y reviendrons à la moitié – il y a de par le monde cette idée figée de lutte des classes – exposées ou moins – aux affres du virus – et pourtant, dès le 22 janvier…

obituaire : Christophe

tout à l’heure (il n’est que deux heures dix je crois – douze) on va nous rappeler que plus rien ne sera jamais comme avant, sauf l’emprise des dominants sur leurs subordonnés – tout à l’heure on a vaguement appris que l’école recevait – dans quelles conditions, je ne sais – les élèves dont les parents sont des soignants (je ne sais non plus où commence la catégorie – privée ? publique ? qui soigne qui ? pour qui ? Que de questions pas vrai…) : les professeurs sont-ils vaccinés ? (le fait d’avoir des parents soignants implique-t-il que leurs enfants soient immunisés ? Porteurs sains ? Malades ? En pleine santé ? Mentale?) – fabriques d’anticorps à usage individuel – parfois le froid aux os, dans le dos, ailleurs, on finit par s’endormir – il ne se passe rien dans la maison – il n’y a aucun bruit – on aurait dû interdire à l’agent de venir s’installer ici – est-il installé seulement ? – dans quelle mesure (ne) fait-il (que) son travail ? Que fait-il ici ? Debout, devant la fenêtre, il regarde la pluie qui ne va pas tarder à tomber sur la pelouse fripée, les fausses fleurs, le rond-point – faux tout autant, sans la moindre utilité – marque l’entrée du lotissement, au bout de cette fausse perspective – y a-t-il un peu de musique dans cette maison ? La fenêtre de la cuisine donne sur une courette cimentée – des images sur le mur, une horloge arrêtée, des fausses casseroles en carton ou je rêve ? Du carton, oui – un frémissement, un pincement : quelque chose, oublier et dormir – il regarde encore, il y a dans le jardin de la maison du fond de l’horizon un enfant qui joue – debout, devant ou derrière la baie vitrée qui donne directement sur le jardin, lui et son costume un peu vieillot, ses chaussures usées, sa voiture mauve mais au reflet gris taupe, tout appartient à la société anonyme

La lune en quartier augmentée de Venus qui brille au loin

Résister. Continuer. Ouvrir les yeux.
Courage. ?

Vingt quatre images

 

 

 

la ville
l’image
le mouvement
deux filles – asservies au bidule – assises – les quatre autres dans l’image (la torsion, dans la production cinéma, du genre – on pense à Weinstein (Harvey) qui entre dans la salle avec un déambulateur – on pense à (wtf tout autant) Balkany (Patrick) qui sort de prison malade comme un chien) la vestale (la brune) cache l’image d’une hyène – les types sont debout asservis aussi  – chignon/barbe : le kit – le pantalon de cuir de couleur presque chair (bronzée oui) de la vestale brune – les bottines grises de la châtain – Paris une heure de l’après-midi – l’opérateur tout autant asservi – que deviendrions nous sans ces machines ? –

(léger recadrage au mouvement du pantalon grenat) (on ne sait jamais exactement ce qu’on fait) (on verra bien) on voit – plutôt cadre dans la largeur –

irruptions toujours présentes – un groupe de trois jeunes lycéens (j’interprète, je vais au boulot) – ici, là, droite gauche ou l’inverse – toujours – c’est le moteur probablement de la prise de vue (elle décadre l’image du cinéma – mais celle-ci n’apporte que des couleurs, immobiles et glacées comme disait je ne sais plus qui)

une blackette passe ou alors est-ce un type ? – je n’ai pas supprimé d’image, sans doute suis-je légèrement en zoom, le manteau rouge – (tant aimé cette chanson) – je vais au travail – c’est l’hiver

je n’ai pas corrigé l’assiette – seulement les contrastes – les jeunes gens droite cadre sacs à dos basketts – les deux femmes assises dans la même position inchangée –

quelque chose un trouble, recadrage légèrement pano droite gauche, pourquoi je ne sais pas, c’est là – quelqu’un en blanc je crois

recadrer – faire tomber le « E » de Est sur le bord du cadre – que le monde marche sur le bord bas de l’image du quai – les gens passent et leurs histoires –

sur les six de l’image, cinq asservis – le métro se prête à cet esclavage, les métaux rares, les pannes les images – moi-même, sur le quai d’en face, asservi – regard caméra peut-être extrême droite cadre

décadrer légèrement vers la droite sans doute par l’irruption de la jeune femme noire jean/baskett/casquozoreilles – le groupe de lycéens au premier plan le garçon présente son dos on consulte quelque chose on pense à autre chose –

une demi-seconde plus tard

à toute blinde, le manteau rouge passe – le lycéen tourne le visage, profil – ma,in dans la poche pantalon grenat –

autre manteau blonde sac – presque de face le lycéen laisse le passage – on attend, la rame s’annonce, un bruit ? un sentiment ?

mouvement de la brune assise – elle se prépare – le lycéen vérifie sur son écran – un instant plus tard, elle sera debout  – le chignon réfléchit – il manque le bruit l’odeur – la lumière comme au jour –

décidément quelque chose se prépare – on ramasse son sac, on va se lever – probablement l’annonce sonore « prochain train dans une minute » –

un type passe – la deuxième (châtain) assise n’a pas bronché –

allez debout

un autre dans l’autre sens – je ne crois pas qu’il soit blessé –

non, on ne voit pas – le cadre est stabilisé et laisse passer le monde – la jeune jean/baskett/casque/sac à l’arrière plan se prépare –

on est prêts – il arrive certainement – on l’entend peut-être déjà – je ne suis pas certain mais la châtain se prépare aussi il semble un geste à peine esquissé

pas certain – les lycéens vers la droite – le visage de la vestale brune pantalon cuir chair –

irruption gauche cadre

sans doute oui, le voilà

regard caméra de la blackette ? sans doute pas – on sait qu’il est là, il entre en gare – fin de l’épisode

 

 

Feuilles de route (2)

 

 

j’emprunte à monsieur Beinstingel le titre de son blog (que je plurialise), j’espère qu’il ne m’en tiendra pas trop rigueur (j’avais déjà commis la même chose, il y a quelque temps – un demi-lustre), j’institue par là une espèce de série plus ou moins permanente – oxymore j’adore – qui fait pendant à celle des « d’un voyage à l’autre » que je pose ici – y’en a six – c’est juste du cinéma, mais ça ne fait rien – ça a quelque chose aussi d’une espèce de journal éphémère – les gens qu’on aime, qu’on a plaisir à retrouver, ou revoir – quelque chose qui se déroulerait sur la durée (ça ressemble foutrement à une affaire que j’avais entreprise en atelier d’ailleurs – il y a des images qui en reviennent – c’était l’été, voilà l’hiver) – c’est qu’il y a quelque chose avec cette maison et qu’on a  des choses à faire pour se souvenir (j’essaye d’éviter les redites mais il existe des plis dans la mémoire et je ne tiens pas non plus à les repasser comme on dit du linge) (ou des plats) (quoi que le sens en soit différent dans l’un et l’autre cas – je vais avoir du mal à m’en sortir mais ce que j’aime aussi, ce sont les voyages – ici, là, ailleurs – et donc cette image-là (je crois que c’était au petit palais, une exposition sur la lune, il me semble bien)

 

 

Il y a sur le bureau un endroit pratique où je dépose les images de cinéma que j’aime bien (il y a du fétichisme, il y a de la domination sur les ans qui passent, il y a de l’illusion sur ce qu’on peut faire avec des images) – celle-ci par exemple (à vrai dire, je ne sais pas encore laquelle je vais poser – ça pourrait tout aussi bien en être une autre – mais c’est là tout le sel probablement de l’histoire : on ne sait pas exactement où elle va aller – je pourrais arbitrairement me saisir de la huit par et pour l’exemple)

c’est celle-ci : la Varda enchapeautée debout sur le dos d’un machiniste – elle doit tourner « La pointe courte » (1956) – elle est complétée de celle-ci

l’affichiste (c’était pour le festival de Cannes, cette année je crois bien) avait gommé l’assistante-scripte en short – c’est l’été, on comprend bien (on doit savoir qui est cette personne, tout cela est assez documenté) – il y avait quelque chose d’un peu contradictoire ou de paradoxale à laisser là la petite main dans cette tenue alors que ce à quoi il fallait que le regard s’intéressât était évidemment la posture de la réalisatrice – je m’égare –

(ici Cary Grant – de dos, Priscilla Lane – dans Arsenic et vieilles dentelles
(Frank Capra 1944)

– il ne fallait pas que ça aille par là, j’étais sur le point de parler des gens que j’aime parce que ces jours-ci (demain, c’est jour de manifestation, ce midi un grand commis de l’État a démissionné parce qu’il avait menti pas mal et comme ce commis commissionnait la retraite et son passage au privé (les gueux le resteront, les gros et les riches s’enrichiront vivront plus longtemps et jouiront de leurs avantages) ça crée comme une affaire d’État, je ne pense pas qu’il faille se priver de le noter – un peu comme celle de Benalla qu’on a étouffée tu te rappelles (sauf que, peut-être, la coupe est remplie à ras bord) (peut-être) alors, je m’étais dit je vais aller dans la maison[s]témoin y déposer quelques images des gens qui ont fait en sorte de me donner une idée plus charmante de ce monde idiot – enchantée peut-être – 

les deux mêmes dans la même scène

c’est juste pour donner une idée de ce que peut être la comédie (ça ne la donne pas vraiment : quand on voit le film, on est mort de rire mais là, on s’en fout un peu) (attends je recommence)

Kirk Douglas dans le rôle de Spartacus (Stanley Kubrick, 1960)

ça ne rigole pas du tout, mais tant pis; Kirki a tapé les cent trois le 9 décembre – il est à peu près certain qu’on s’en fiche pas mal, mais quand même, on est sur cette même planète depuis un moment – l’image a près de soixante ans, si tu veux – c’est difficile à réussir, dire des choses en donnant à voir d’autres choses afin que l’ensemble parvienne à créer quelque chose comme de la joie – j’essaye encore

Cary Grant (à nouveau) et Sir Alfred (en silhouette caméo) dans
La main au collet, 1955 (To catch a thief – attraper un voleur)
(à gauche une silhouette mais inconnue)

c’est plus amusant, un peu une comédie, un peu un drame, la vieillesse qui pointe, les difficultés, le travail – la cage à oiseaux, mais c’est huit ans avant le film de terreur « Les oiseaux » avec Tippi Hedren (ici dans « Marnie » avec Sean Connery – Sir Alfred, 1964)

il faudrait que ça vous évoque quelque chose aussi, ce (ne) sont (que) des acteurs, des actrices, américains (comme on dit) étazuniens, anglais) ou français (depuis toujours, elle)

ici avec Charlton (pour son oscar, 1960), là avec son Montand

(elle était magnifique aussi en madame Rosa (adapté par Moshé Mizrahi, 1978) – « le prix Goncourt 1975 a été attribué à « La vie devant soi » de monsieur Émile Ajar », tu te souviens), quelque chose avec l’éthique – par exemple j’ai beaucoup aimé, ces temps-ci, ce que disait cette femme

Jeanne Balibar dans « Barbara » (Mathieu Amalric, 2017)

qui joue le rôle d’une capitaine de gendarmerie dans « Les Misérables » (Ladj Ly, 2019) qui parlait du petit cintré hypocrite et démago – on en était un peu là, on espère qu’il n’en a plus pour longtemps en son palais du faubourg Saint-Honoré (on l’espère avec quelque chose de si froid dans le cœur, jte jure) – il y avait eu aussi ce saltimbanque-là

qui faisait un éditorial pour un journal le 2 décembre dernier – on ne va pas perdre espoir, non certainement pas – mais parfois, on est quand même fatigués…
Finissons – la difficulté de communiquer

Monica Vitti dans l’Avventura (Michelangelo Antonioni, 1960)

il faudrait peut-être s’interroger sur ces multiples années soixante auxquels réfèrent ces images – non ? peut-être pas  – ou alors commencer à oublier (non plus, non – pendant ce temps-là, Paolo Conte chante « un gelato al limon » – (« une glace au citron ») – il a bien raison, c’est l’hiver sans doute mais juste ensuite, dès mars…
Avec mon bon souvenir. 

 

Les gens

 

 

 

Il s’est agi de regarder un peu les clichés réalisés ces derniers jours semaines mois – et en Italie, cet été, un petit peu – les gens aiment à se glisser dans les images, une espèce de désir, quelque chose qui surgit – nous autres, nous tentons de capturer quelque chose, une action, des participants et ou des réalisants – et eux, bim ils entrent là

il y en a un vingtaine je les pose pour ne pas les oublier – ils sont là, partie du tout, présents malgré tout (ils n’existent pas, ils n’y sont plus, ils sont juste dans la maison)

ils se savent d’autant moins capturés – et captifs – que l’opérateur lui-même n’a aucune idée de leur présence – seule la maison, aujourd’hui –

ceux-ci travaillent – il n’est pas rare de découvrir (peut-être un peu comme la précédente) des regards directs

si on y tient absolument, on peut intituler « hasard » cette conjonction – eux passent, l’image les attrape –

c’est le même homme en effet – place des Pyramides – les deux jeunes gens sont aussi au travail sur cette place – la statue de Jeanne d’Arc domine tout ce monde -là

celui-là dort à un jet de pierre – pelouse du jardin des Tuileries – je pourrais aussi bien poser l’entièreté des images afin qu’une idée puisse se faire à les observer

celle-ci attend son taxi wtf nouvelle ère – autoentrepreneur voiture en leasing plateforme esclavagiste : la classe – celle-ci

discute et raconte à qui veut les entendre les mérites comparés des divers emplois qu’elle occupait – celui-ci relève certains compteurs

petite image pour petit métier (pour une fois que ce qualificatif convient à ce métier)

mieux vaut chômeur que contrôleur probablement – cette criminalisation des sans-travail donne des envies de meurtre – mais laissons là, brisons, parlons d’autre chose – c’est d’ici que les choses partirent

cinq portraits oubliés sur le comptoir de la sécurité sociale – cinq fois le même : lequel est le bon ? on pose on prend on s’en va – les gens ne se savent pas pris dans les rets de la photo

on marche et on pense

quand même nous verrions-nous que nous ne nous reconnaîtrions pas – ils étaient là, j’y étais aussi – et alors ?

Paris rue Racine devant le désormais fermé restaurant Acropole : l’homme passe (il se peut qu’à l’autre bout du monde, il soit retourné dans ses pénates) ce matin-là

ici de suite, deux d’Italie – elle et sa canne, lui et sa cheminée –

ramoneur des Abruzzes – soleil à peine voilé… : ce qu’on distingue au fond, ce sont des oliviers : ici l’entière est au zoom

Passant près du métro, toutes les chances sont de leur côté : les voici à trois

restant groupés suivis de peu de celui-ci qui veut se prendre la tête

puis tous réunis – non c’en sont d’autres… –

le métro les a doublés

ici ou là, un peu partout tout en étant nulle part – nos contemporains

et puis on nous emmène… Ailleurs. Le bras lâché

et d’autres encore : elle ici téléphone

d’autres marchent et vont et viennent

et pour finir, cette petite mignonne capturée sans le savoir (et sans que je le sache) dans le jardin des Tarots (Niky de Saint-Phalle)

 

 

les gens, en italique, en image, en fondu, derrière l’image,  la vraie, la seule, les gens sont passés – pris, emprisonnés, ils sortent de l’image : leur mère ne les reconnaîtrait, eux-mêmes si on les leur présentait, nieraient en faire partie – c’est le statut de l’image : elle n’existe pas, ou alors ailleurs; elle ne représente rien sinon quelque fantôme ou illusion – ils y étaient sans doute, probablement, c’est crédible et vraisemblable, on peut y croire – mais à présent ? Qui sont-ce ? Alors on objecterait qu’ici elles existent vraiment – il s’agit d’une qualité… Peut-être, mais reverra-t-on jamais ces images ? La réalité les a englouties – on les sauve pour un jour – elles retournent presque immédiatement dans le caveau… (dans la salle à manger, dans un tiroir du buffet – dans le tiroir du bas de l’armoire de la chambre d’amis, quelque part ailleurs, où personne ne les cherchera) (une chanson de Claude Nougaro dit ainsi « pensent-elles encore à nous en ce moment / ou font-elles brûler nos photos ? » – Sing Sing) 

Passons… laissons-les reposer

 

sur l’écran

Sur l’écran la pianiste s’agite, mais le son est coupé.
C’est une allégorie. Elle s’agite en silence pour dire toutes les femmes effacées, inconnues, oubliées.
« J’ai un mauvais pressentiment mais qu’importe » dit le héros sur une autre chaîne.
« Fais ce que tu as à faire quoi qu’il advienne », lui conseille-t-on.
_ Je ne te promets rien. » répond-t-il.
Moi non plus j’ajoute à voix basse (et donc pour moi-même). Le héros frappe à une porte. Il est question de sorcières, comme d’habitude. Les femmes effacées, inconnues, oubliées, nocives, ça fait très longtemps que ça dure, que ça se propage dans les esprits, les fictions et les réalités en rendent compte chacune nourrissant l’autre et l’inverse.
« Crache le morceau! » dit le héros.
Très bien.
Ma question est – que cette maison[s]témoin soit le témoin de ce questionnement – en a-t-il toujours été ainsi ? Pendant les deux cent-cinquante mille ans où nous étions chasseurs-cueilleurs (deux cent-cinquante millénaires, c’est-à-dire peu ou prou une durée d’environ cent vingt-cinq civilisations cul à cul), pendant ce temps où nous étions tapis autour des foyers, réunis, effrayés par les prédateurs, effrayants pour nos proies, en a-t-il toujours été ainsi ? Et les vénus callipyges ? Quelles mémoires racontent-elles silencieusement ?
Il y a plusieurs niveaux de connaissance, plusieurs niveaux au sens propre : dans la cave d’une maison témoin, les fossiles et les questionnements ; au rez-de-chaussée salon salle à manger cuisine, le théâtre, l’agent immobilier qui organise la visite (c’est un homme, ou bien c’est une femme avec le lexique et les automatismes d’un homme) pour les clients, un couple (sans doute qu’elle demande où pourra se brancher la machine à laver) ; à l’étage, la salle de bain aux miroirs kaléidoscopiques qui nous traquent, nous définissent ou que nous nous évertuons à tromper, rigoureusement peints à la main quand nous en avons l’énergie et/ou l’occasion, et puis les chambres où s’agitent des rêves. Et passent des allégories de pianistes travaillant leur instrument en robe de soirée sans que personne n’entende.

La quête

 

 

c’est juste une bande annonce et il y a tout le film dedans – dans le temps, il y a un moment (quatre vingt deux je crois bien – je ne sais plus, j’ai tout perdu, j’ai recherché je n’ai rien trouvé), j’avais exercé mon goût du cinéma en étudiant le film annonce – la bande annonce, la publicité que le cinéma fait du cinéma – je tenais le truc pourtant, mais non, il a fallu gagner sa vie – il aurait fallu faire face à ces mois et ces années d’études et de recherches – peu importe la bio, j’exerce mon jugement : le film de cette semaine est passé sous le radar parce que l’époque d’alors (2015 a été pour tous une année difficile) ne se prêtait pas au cinéma (il ‘y avait pas de maison[s]témoin non plus remarque – ah si, ça a commencé le 13 mai 2015 – comme quoi…) – il y a peu, j’ai vu le film d’André Téchiné titré l’Adieu à la nuit (2018) qui traite d’un sujet semblable (c’est un blanc qui se convertit à l’islam et veut partir se battre pour se convaincre que la foi est une (ou sa) bonne étoile – je simplifie, certes  – ici, c’est une blanche qui épouse un type qu’elle aime (c’est assez elliptique sur le sujet) et le suit pour se convaincre etc.) – cette problématique torture semble-t-il notre monde (par notre j’entends ce pays, la France, et ses habitants, je veux dire les parents et leurs enfants) – il y a eu aussi le film de Jacques Audiard (dont Thomas Bidegain était un des scénaristes) intitulé Un prophète (2009) ou cet autre, La désintégration (Philippe Faucon, 2011) et puis d’autres encore – il s’agit du lieu de la blessure, la colonisation, quelque chose qui hante donc ce monde (on n’en a pas fini tout de suite non plus) – mais on voit les ravages causés par ces actes, ces actions, ces délires sans doute, mais l’adolescence est le lieu, aussi, de toutes les utopies (et – pourtant – tant mieux…). Difficile moment, difficile passe, difficiles émotions…

 

 

C’est une affaire qui commence en octobre 1994 (indique le film : en 1995, on se souvient des terribles attentats qui ensanglantèrent au minimum Paris – il s’agit de quelque chose comme ça)

c’est une histoire de famille (le père aime le folklore des cowboys – c’est son droit – apparemment cependant sa famille n’a pas à ne pas aimer ça : la fille se prénomme Kelly, le jeune garçon a pour surnom Kid) c’est une fête, tout est bien

il chante une chanson – voici sa femme et son fils qui l’applaudissent parce que c’est charmant

mais on sent que quelque chose couve, on ne saurait dire quoi – on saura tout de suite que la fille aînée s’en va

elle va rejoindre son amoureux – elle n’a que seize ans – s’ensuit alors une quête du père qui veut entraîner la mère et le fils : partout (ici chez le père du garçon)

où il ira la chercher (là dans un café ailleurs)

choux blanc comme on dit… Les années passeront, la mère n’en pourra plus (sa fille, leur fille est partie : elle leur écrit , elle a sa vie : elle a eu un enfant de son amoureux – qui n’est pas celui qu’on croyait – mais ça on le savait) – il s’agit en effet soit de sa propre vie soit de celle de sa fille

je ne pense pas qu’un parent puisse choisir mais peu importe ce que je pense : même si la mère n’en peut plus, lui, le père ne désarme pas (le fils a grandi, il suit son père, l’aide dans sa recherche : les tours jumelles se sont affaissées sous les deux avions, la terreur continue)

ensemble ils finissent par retrouver sa trace, suivre son parcours vers l’Afghanistan à suivre son embrigadé de mari –

mais finalement, le fils refusera de suivre son père, cette fois ce sera non

le père part seul, en auto

(grands espaces, peines, accident mort) le fils reprend la quête, va jusqu’en Afghanistan, en plein carnage (Ben Laden qui va mourir, la guerre, les blessures, la mort tutoyée)

un type l’aide

(grands espaces, blessures, recherches vaines puis abouties, accident (le meurtre du mari qui s’est débarrassé de son fardeau, a pris une autre femme – prison et tortures plus tard) il rentrera par la chance qu’il a – puis un jour, bien des années plus tard (vers le moment où se déroule le film – 2015…) il retrouvera cette soeur portant voile et servant dans une épicerie… Ils se reconnaissent, ne se parlent pas.

Fin de l’histoire.

Vingt ans dans la vie d’une famille : française, blanche, classe moyenne, province… Combien de jeunesses perdues, combien d’erreurs commises, combien de foi diverse et simulée, combien de confiances trahies, d’inhumanités et de traîtrises et pourquoi ? La guerre, où qu’elle soit… Les acteurs sont épatants, en tout cas.

Les Cowboys, une film de Thomas Bidegain (2015)

(le père : François Damiens, la mère : Agathe Dronne, la fille aînée Kelly : Iliana Zabeth, le fils jeune : Maxime Driesen (il se nomme Georges, en vrai dans le film), plus vieux : Finnegan Oldfield)

 

 

 

 

allez allez

en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien